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leur travail. Comme il confultoit un vieil Egyp- n.6.
tien fur fes propres pensées, un autre lui dit : Pere
Arfene, vous qui êtes fi bien inftruit de toutes les
fciences des Romains & des Grecs, comment con-
fultez-vous cet homme groffier? Il répondit: Je
fçai les sciences des Grecs & des Romains: mais je
n'ai pas encore apris l'alphabet de ce vieillard.

.

• Cheremon,

1. Coll. XI.

6.1.C. S

On connoît la perfection des moines Egyptiens FIT. par les relations de Jean Caffien, qui les vifitoit Caffien en dans ce même tems. Il étoit Scythe de nation Egypte ; né de parens riches & pieux : il fut inftruit à la pie- Nefteros, té dès fa premiere jeuneffe dans un monaftere de Jofeph, Palestine près de Bethléem, different de celui Gennad. 60. Caff de S. Jerôme, & apparemment plus ancien. Coll. XXIV. Caffien y embraffa la vie monaftique, & y con- c.1... tracta une amitié particuliere avec un moine Pref. ad nommé Germain: ils conceurent enfemble le de- Inft. Colt.c. fir de vifiter les folitaires d'Egypte, pour s'inftruire de la perfection de leur état. L'abbé & les moines de leur communauté y consentirent, à condition qu'ils reviendroient au monaftere. S'étant embarquez, ils arriverent en Egypte à une ville nommée Tennefe, dont le territoire étoit tout inondé de marais falez: enforte que les habitans ne fubfiftoient que de trafie. Ils y trouverent Archebius évêque de Panephyfe ville voifine, Coll.xi.c.zo qui les reçeut avec une grande charité. Il avoit été tiré d'entre les anacoretes pour être fait évêque; & loin de s'en élever, il difoit, qu'on l'avoit chaffe de la vie anacoretique comme indigne: parce qu'il n'avoit pas profité des trente-fept ans qu'il y avoit paffez. toutefois il confervoit dans l'épifcopat toute l'aufterité de fon premier genre de vie. S'étant donc trouvé à Tennefe pour Télection d'un évêque; & ayant connu le motif qui avoit attiré en Egypte Caffien & Germain, il leur dit : En attendant que vous paffiez plus avant, venez voir près de nôtre monaftere des vieillards

C. 3.

fi courbez de vieilleffe & d'un afpect fi venerable que leur feule veuë eft une grande inftruction. Vous apprendrez d'eux ce que je ne puis plus vous enfeigner; parce que je l'ai oublié.

Archebius ayant ainfi parlé, prit fon bâton & fa peau de chévre car c'étoit ainfi que les. moines d'Egypte voyageoient; & conduifit fes hôtes à Panephyfe. Le pays tout inondé ne laiffait de fec que quelques hauteurs, qui faifoient comme des ifles. Là vivoient trois anciens anacoretes, Cheremon, Nefteros & Jofeph. Archebius mena d'abord fes hôtes à Cheremon qui étoit le plus proche & le plus vieux. II avoit plus de cent ans, & la vieilleffe l'avoit tellement courbé, qu'il marchoit fur fes mains. 4 Caffien & Germain étonnez de fon vifage & de fa maniere de marcher, le fuplierent de leur dire quelque chofe pour leur inftruction, puis quec'étoit le fujet de leur voyage. Alors Cheremon leur dit avec un profond foûpir: Quelle inftruction vous puis-je donner, puis que la foibleffe de l'âge m'obligeant à relâcher mon ancienne aufterité, m'a ôté la confiance de parler ? Comment puis-je enfeigner ce que je ne fais pas moi-même ? C'eft pour cela que je ne permets à aucun jeune homme de demeurer avec moi, de peur qu'il nec. 6. fe relâche par mon exemple. Il ceda toutefois à leurs prieres, & les entretint premierement de la perfection, leur montrant qu'elle confifte dans la charité Après le repas, il leur parla de la chafteColl. x111. té; & le lendemain après les prieres du matin il les entretint de la protection de Dieu, c'eft-à-dire de la grace, fans laquelle on ne peut conserver la chafteté, ni acquerir les autres vertus. Les questions qu'ils lui propofoient, attirerent ces deux derniers entretiens.

Coll. YH.

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Ils allerent voir enfuite l'abbé Nefteros: car on donnoit le nom d'abbé à tous ces SS. vieillards,

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n. II. 1

à caufe de leur âge & de leur vertu, quoiqu'ils fuffent fimples anacoretes fans avoir d'autres moines à conduire. On croit que ce Nefteros eft Vita, PP. le même qui eft qualifié ailleurs ami de S. Antoine. ib. 1x. Il entretint Caffien & Germain de la fcience fpirituelle, & de la difference de la vie active & de la Rof. p. vie contemplative: où il marque en paffant l'étu- 562. de des poëtes, & des autres auteurs profanes comme un obftacle à la perfection religieufe.. Après le repas & la priere du foir, ils s'affirent Coll. xv. fur des nattes à l'ordinaire, & Nefteros conti-nuant la conversation, leur parla de la diverfité des dons de Dieu : c'est-à-dire des miracles & des

c.12.13 • •

autres graces femblables, afin qu'ils eftimaffent davantage les vertus. Le troifiéme qu'ils vifi terent, fut l'abbé Jofeph. Il étoit né à Thmuis, C.Ul. xvi. d'une famille très-noble, & des premiers de la . Xan ville; & avoit été élevé avec grand foin: enforte qu'il parloit fort bien grec, & n'avoit point be-foin d'interprête comme les autres, qui ne fça-voient que l'Egyptien. Il. demanda d'abord à Caffien & à Germain s'ils étoient freres; & comme ils eurent répondu qu'ils ne l'étoient que fpirituellement, il les entretint de l'amitié, trant que la veritable eft celle qui eft fondée fur la vertu. Enfuite il les mit dans une cellule feparée, Coll. XVIII pour y paffer la nuit : mais ils ne purent dormir, tant ils étoient agitez par le zele avoit excité dans leurs coeurs.

que

mon

fon difcours

6.1.

Ils fortirent donc de la cellule, & s'affirent en- .27 viron à cent pas, dans un lieu plus écarté. Alors Germain dit en gemiffant: Que ferons-nous ? Ces faints nous montrent par leurs exemples, quel eft le chemin de la perfection, & nous y pourroient conduire, fans la promeffe que nous avons faite de retourner promptement à nôtre monaftere ; & fi nous y retournons une fois, on ne nous permettra plus de revenir ici. Ils. demeurerent quel

A 5.

4.3.

quelque tems à s'affliger tous deux de cette penfée, fe reprochant leur mauvaise honte, qui leur avoit fait faire cette promeffe pour obtenir leur congé. Enfin, Caffien dit: Confultons ce vieillard, & prenons ce qu'il nous dira pour un oracle divin. Ils attendirent l'heure des prieres nocturnes; & quand elles furent finies, ils s'affirent à l'ordinaire fur les nattes où ils avoient cou.4. ché; & Jofeph les voyant triftes, leur en de. 5. manda le fujet. Germain le leur expliqua, & .6. Jofeph leur dit: Eftes-vous perfuadez de tirer un

plus grand profit pour les chofes fpirituelles en ce c.7. païs-ci? Nous croyons, dit Germain, qu'il n'y c. 8. 9. &c. a point de comparaifon. Alors Jofeph leur fit un entretien fur l'engagement des promeffes, leur montrant qu'il eft quelquefois meilleur de ne les pas accomplir. Il y aprouve même le menfonge officieux, & pretend l'autorifer par des exemples de l'écriture: fuivant l'erreur de quelques orien6.31. taux. Les deux amis perfuadez par le difcours de Jofeph, refolurent de demeurer en Egypte & y pafferent fept ans : pendant lefquels ils écrivoient fouvent à leurs freres.

IV.

Coll.20.c.1.

Inftit, 6.30.

Sap. liv.

XV.

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Dans le voifinage de Panephyfe, ils virent l'abPynufe. bé Pynufe, qui leur étoit déja connu, pour avoir été dans leur monaftere de Paleftine. Il étoit prêtre & fuperieur d'un grand monaftere, & honoré par toute la province pour fes vertus & fes miracles. Ne pouvant à fon gré exercer l'humilité; il prit un habit feculier, & s'en alla dans la Thebaide au monaftere de Tabenne, fondé par S. Pacome. Il fçavoit que la regularité y étoit grande; & efperoit s'y cacher dans la multitude. des moines, joint la diftance des lieux. On le laiffa long-tems à la porte à poftuler, & fe jetter aux genoux des freres. Ils le regardoient comme un vieillard qui quittoit le monde, quand il n'en pouvoit jouir, & qui cherchoit à s'aflurer du pain,

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plûtôt qu'à procurer fon falut. Enfin, après plu fieurs refus, on l'admit & on le fit travailler au jardin fous un jeune frere. Il lui obéïffoit avec une extrême foumiffion: fe chargeoit de tous les travaux les plus bas & les plus dégoutans, & fe relevoit même la nuit pour les faire fecretement, Après avoir été ainfi caché pendant trois ans, quoique fes freres le cherchaffent par tout le païs enfin quelqu'un, qui venoit de la baffe Egypte, le vit & le reconnut à grande peine; le trouvant avec un méchant habit, qui labouroit la terre tout courbé, pour femer des herbes, & qui portoit du fumier. Il douta très-long-tems fi c'étoit lui ... mais l'ayant reconnu au vifage & à la voix, il se jetta à fes pieds, au grand étonnement des moines de Tabenne qui le regardoient comme le dernier de la communauté. Ils furent bien plus furpris quand ils apprirent fon nom, que la renommée avoit rendu celebre. Touchez d'une fenfible douleur, ils lui demanderent pardon de la maniere indigne dont ils l'avoient traité par ignorance. Lui de fon côté pleuroit abondamment d'avoir été dé couvert; & d'avoir perdu l'occafion de s'humilier, qu'il avoit tant cherchée. Ses freres le ramene rent à fon monaftere, le gardant avec grand foin, de peur qu'il ne leur échapât encore.

Toutefois il s'enfuit quelque tems après & c.1. paffa en païs étranger, pour n'être point reconnu. Etant forti de nuit, il s'embarqua, & vint en Paleftine au monaftere de Bethleem, où Caffien & Germain demeuroient alors. Il y fut reçû comme novice, & l'abbé le mit dans la même cellule qu'eux. Mais il y demeura peu de tems des moines Egyptiens qui étoient venus aux lieux faints faire leurs prieres, le reconnurent bien-tôt, & le ramenerent à fon monaftere. Caffien & Ger- c.32 33. Coll.xx.c.2. main étant venus en Egypte, le chercherent avec grand foin; & furent témoins d'une inftruction A 6

qu'il

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