en effet, fi elle recevoit la motion neceffaire pour cela, ce qui met l'ame au rang des êtres purement paffifs, & détruit la moralité de toutes nos actions. Il y a plus ce fentiment ôte à Dieu le pouvoir de créer des êtres libres; en voici la preuve.

Dieu fçait neceffairement toutes les actions, ou les circonftances de l'éxistence, des êtres qu'il peut créer; or felon ce fyftême, il ne peut tirer cette fcience que des motions invincibles par lefquel. les il conduit fes creatures fpirituelles auffi-bien que les êtres corporels, ces motions font incompatibles avec la li

berté, donc Dieu ne peuE créer d'êtres libres.

C'est ainfi que ce lyftême met des bornes à la Puiffance Divine, & qu'en détruisant la liberté, il ôre à Dieu fa fage fle puifqu'il luy fait corrompre fon ouvrage, fa justice puifqu'il luy fait punir éternellement les creatures pour des fautes qu'il les a mis dans la neceffité de commettre; & fa fainteté puifqu'il le rend auteur du crime : ce font là les confequences naturelles & inévitables de cette opinion; consequences que je n'impute point à ceux qui la deffen; parce qu'ils les défavoüent, quoyque s'ils vou

dent

loient raisonner tant foit peu confequemment, ils feroient contraints d'abandonner leur fyftême, ou de les admettre, l'on voit affez où elles condui

roient.

SECONDE OBJECTION.

Tout ce que l'on propose ci-deffus eft fondé fur ce que l'on prétend que la fcience de Dieu ne feroit pas infinie s'il ne connoiffoit neceffairement les actions libres des intelligences; mais ne pouroit on pas dire qu'il n'a point cette connoiffance, lans que pour cela il en foit moins connoif fant: de même qu'il ne laisse pas d'être tout-puissant, quoy

qu'il ne puiffe faire ce qui im plique contradiction,ni changer les veritez éternelles, ou du moins qu'il peut fçavoir dans un temps ce qu'il ne sçait point dans un autre, de même qu'il produit dans un temps ce qu'il ne produit point dans

un autre.

REPONSE.

Cette objection eft fondée fur deux comparaisons, dans la premiere on veut que comme Dieu ne peut faire ce qui implique contradiction, ni changer les veritez éternelles, il ne puiffe auffi fçavoir des veritez déterminées telles que font toutes les actions li

bres des efprits, confiderées fe. lon l'éxiftence actuelle qu'elles doivent avoir, mais il y a une difference infinie entre ces deux impuiffances; en ce que la premiere eft une perfection en Dieu; au lieu que F'autre feroit une veritable imperfection, car Dieu ne peut faire ce qui implique contradiction, parce que cela ne peut recevoir aucune perfection, on n'a aucune reffemblance poffible avec la fubftance Divine, il ne peut auffi changer les veritez éternelles, parce qu'il ne peut fe changer luy-même, ces veritez ne fub fiftant qu'en luy, mais il n'en feroit pas de même de l'im