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l'efprit de leurs Auteurs, on n'a pas aufli négligé les maximes de morale fi néceflaires pour fe conduire dans la vie civile. Les Mahométans citent fort fouvent les Sentences & les Inftructions de Noufchirvan, ancien Roi de Perfe, de qui ils exaltent la fageffe & la justice, & qui leur eft connu d'ailleurs , parce que Mahomet eft né fous fon regne. Ils rapportent auffi les Confeils de Bourzourgemhir, grand Vizir du même Roi, qu'ils propofent comme le modele d'un Miniftre accompli. De plus, ils gardent dans leurs Bibliotheques le Teftament de Locman l'Efope des Arabes, qu'ils appellent le Philofophe, ou le Sage: & ce Teftament, à proprement parler, eft le recueil des maximes de fa morale, qu'on a eu foin de mettre en un corps.

Outre l'Alcoran, les Mahométan ont encore de gros volumes, non feulement des Inftructions de Mahomet qui ont force de Loi parmi eux ; mais encore des bons mots,des Sentences & des Maximes qu'on lui avoit entendu prononcer pendant fa vie, le tout re cueilli avec grande exactitude. Ils confervent auffi les paroles d'Aboubecre, d'Ali, d'Omar, & d'Ofman, les quas

tre premiers Succeffeurs de Mahomet de même que de la plûpart de leurs Califes, de leurs Imams, de leurs Scheichs, & de leurs Savans, dont ils ont plufieurs recueils.

Marc Aurele dans les Mémoires qu'il a écrits pour foi même, fait voir combien il étoit perfuadé qu'il ne faloit rien perdre des paroles des grands Hommes lorfqu'il marque le profit qu'il avoit fait fous chaque different maître qu'il avoit fréquenté & écouté.

Chez les Grecs Pythagore, un des premiers fondateurs de la Philofophie, n'a point laiffé d'écrits, comme en con viennent prefque tous les Auteurs, qui ne lui attribuent pas même les vers qui comprennent les principes de fa morale, qu'ils veulent avoir été mis fous cette forme par un de fes Difciples. D'autres Difciples, après le long filence que leur Maître exigeoit d'eux, ont publié en profe les mêmes maximes.

Socrate, l'admiration de fon fiecle, qui préchoit, pour le dire ainfi, la plus belle morale, tant par fes actions que par fes paroles, & qui n'avoit d'autre vûe que d'enfeigner la pratique de ce qu'il pratiquoit lui même, ne crut_pas auffi devoir s'occuper à écrire: mais Pla

ton & Xénophon, deux de fes meilleurs Difciples, ont eu foin de conferver dans leurs écrits ce qu'ils lui avoient entendu dire; & on pourroit donner à ces écrits le nom de Socratiana, puifqu'ils contiennent ce qu'ils avoient appris dans les converfations qu'ils avoient eues avec lui. C'eft auffi de la même fource que viennent tant de Sentences admirables d'Euripide, qui étoit auffi un des Difciples de Socrate.

Le Talmud eft, comme tout le monde fait, le recueil des Traditions des Juifs, confervées feulement de bouche en bouche par leurs Ancêtres qui fe les apprenoient les uns aux autres, & qu'ils ont été obligez de ramaffer & de réduire par écrit fous ce titre, de peur de les perdre entierement. On trouve auffi parmi ces traditions, un recueil de belles maximes de plufieurs de leurs Docteurs fous le titre de Pirké-Avot.

Pour ce qui regarde les remarques d'érudition curieufes & hiftoriques, quoique nous n'aions prefque qu'Aulu-Gelle qui ait rempli fon ouvrage en partie de ce qu'il avoit recueilli dans fes entretiens avec Hérôdès - Atticus avec Favorin, avec Taurus, avec Marcus Fronto & d'autres perfonnes illuftres

qu'il pratiquoit à Athenes & à Rome ; il n'y a pas de doute néanmoins que ce ne fût une chofe fort en ufage parmi les Grecs & parmi les Romains : & fi l'on veut bien examiner les ouvrages de Plutarque, d'Athénée, de Paufanias & de Pline, on verra qu'ils font remplis de ces fortes de remarques.

Pour venir à quelque chofe de plus ferieux, les fciences mêmes ont pris leur origine de ce principe de recueillir. Il ne faut pas croire que ceux qui les ont inventées les premiers en aient d'abord fait des livres. Leurs Difciples ont recueilli leurs découvertes, & les axiomes fur lefquels ils avoient bâti leurs premiers fondemens. Ces Dif ciples en ont eu fucceffivement d'autres qui aiant perfectionné ces découvertes les ont mifes dans l'état où nous les avons depuis reçues : & c'eft de cette maniere que les Elemens de Géométrie ont été réduits par Euclide dans l'ordre où ils font, après avoir été inventez par les Mathématiciens qui l'avoient précédé. Cela eft indubitable, puifqu'il eft conftant que les Philofophes ne favoient prefque rien que ce qu'ils apprenoient des autres Philofophes qu'ils écoutoient ; car il ne faut pas s'imaginer que la Philo

fophie & les Sciences s'appriffent alors de la maniere qu'on les apprend aujourd'hui dans les écoles : les Philofophes ne dictoient pas ; ils difcouroient devant leurs Difciples, affemblez ou chez eux, ou dans quelque lieu commode & leur faifoient des entretiens fur les principes qu'ils foutenoient, & fur toutes les matieres qui en dépendoient. Ceux qui les écoutoient en profitoient autant que leur mémoire étoient heureuse pour garder fidèlement ce qu'ils entendoient, ou ce qu'ils écrivoient fur le champ, ou Joríque l'entretien étoit fini. C'est ce que Cicéron & tous les Romains ont pratiqué dans la Grece, lorfqu'ils ont écouté les Philofophes les plus célebres de leur temps.

Il ne faut donc pas s'étonner qu'en, ce fiécle on fe foit attaché à recueillir les paroles de quelques grands Hommes, comme de Scaliger, du Cardinal du Perron, de M. de Thou & d'autres. Je trouve même qn'on s'y eft pris trop tard, & qu'on y a apporté trop de négligence depuis qu'on s'en eft avifé. Nous aurions une infinité de belles chofes dont nous fommes privez, fi l'on avoit eu le même foin auprès des Savans & des. Illuftres dans les belles Lettres & dans

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