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fois interrompu, & qu'il n'avoit entrepris que pour faire voir à l'Académie de la Crufea, qu'il n'étoit pas indigne de la place qu'elle lui avoit donnée dans fon corps. Cet ouvrage fit du bruit dans toute l'Italie, & donna occafion à M. Ménage de s'appliquer ce mot de Ciceron *: Conturbavi Gracam nationem. Il difoit lui-même, qu'il s'étonnoit comment étant François il avoit ofé entreprendre de rendre raifon d'une langue qui ne lui étoit pas naturelle. Cet ouvrage imprimé in 4o à Paris l'an 1669, fut réimprimé à Genève in fol. en 1685, avec des additions confidérables.

En 1660, il compofa cette fameufe Elégie à M. le Cardinal Mazarin qui commence par ces mots, Kerum certa jalus, &c. où parmi les louanges qu'il lui donne, on prétendoit avoir trouvé une Satire injurieufe contre une députation que le Parlement fit alors à ce Miniftre. Cependant il eft vrai que M. Ménage avoit fait cette Elegie trois mois avant la députation dont on vient de parler. Elle avoit été vûe & lûe de tous fes meilleurs amis, qui n'y trou verent rien à redire ; mais fes ennemis qui peutêtre ne la virent qu'après cet

* 2. ad Attic. I.

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te députation, croiant avoir trouvé l'occafion de le perdre, ne manquerent pas de donner une interprétation maligne à quelques vers de cette piéce, entre autres à celui-ci, où M. Ménage, parlant de ces lâches Courtisans qui après avoir attendu longtems à la porte du Cardinal, fuivent fa chaife ou fon carroffe, pour l'accompagner par tout où il va, ce qui eft une action indigne d'un homme libre dit: Et puto tam viles defpicis ipfe togas. Ils fi rent entendre dans le monde que M. Ménage avoit prétendu par ce vers, défigner Meffieurs du Parlement; & ils gagnerent quelques Confeillers, qui en firent leurs plaintes à la Grand Chambre; mais M. Ménage fit connoître à M. le Premier Préfident de Lamoignon, que bien loin d'avoir prétendu parler de Meffieurs du Parlement il n'en avoit pas même eu la pensée, puifqu'il avoit compofé cette Elégie trois mois avant cette députation, qu'il ne pouvoit pas deviner fe devoir faire. Il fit même cette proteftation folennelle que l'on rapporte * ici, & que l'on a trouvée écrite de fa propre main, où il explique le mot Toga, felon que les

* Voyez après ces Mémoires.

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Anciens l'ont toûjours entendu, & où il fait voir par un grand nombre d'illuftres témoins, qu'il avoit compo fé cette Elégie avant la Députation du Parlement. Après cela il ne refta aucun doute à M. de Lamoignon de la vérité de la chose & de l'innocence de M. Ménage; & dans la fuite il ne fit aucune attention à tout ce qu'on lui put dire contre lui.

Cela n'empêcha pas les ennemis de M. Ménage de continuer leurs difcours injurieux contre fa perfonne & contre fes écrits, & de donner à quelques vers de fon Elégie le tour & l'explication la plus maligne qu'ils pouvoient, en difant malicieusement, comme on l'a dit . encore après fa mort, que M. Ménage ne s'étoit tiré de ce mauvais pas qu'en avouant fa faute. S'il étoit vrai que M. Ménage eût avoué fa faute, comme on le dit, n'auroit-il pas fupprimé lui-même cette Elégie, ou du moins n'auroit-il pas changé les vers que l'on difoit être les plus injurieux; mais il n'a fait ni l'un ni l'autre, & cette Piéce a toûjours paru de la même façon qu'il l'avoit faite, fans alteration & fans changement, comme on la peut voir dans les différentes Editions ἐν

qu'il a fait faire de fes Poëfies. Il est étonnant que de tant d'amis qu'avoit alors M. Ménage ( car c'étoit dans le tems de fa plus haute réputation), il ne s'en foit trouvé qu'un fort petit nombre qui ait pris la défense; que ceux mêmes qui lui avoient de fortes obligations, l'aient abandonné lâchement ; & que les autres qu'il avoit protegez, comblez de bienfaits & de louanges, aient été les premiers à l'attaquer. M. Nublé, que l'on peut appeler un parfait ami, refifta prefque feul au torrent: il prit en main la défenfe de fon ami, repoufla avec chaleur les difcours qui tendoient à ternir la réputation de M. Ménage, & fit connoître avec autant de force que d'érudition l'erreur de ces faux Savans, qui n'entendant pas le mot de Toga, lui donnoient une explication contraire à cel le que tous les Anciens lui ont donnée.

Si cette défense ne fit pas taire entierement les ennemis de M. Ménage, elle fufpendit du moins les effets de leur jaloufie & augmenta le nombre de fes défenfeurs. On revint tout à coup de cette accufation groffiére, & l'on s'eft étonné plufieurs fois comment elle a pu trouver créance dans le monde, principa

lement parmi les Savans car enfin, à regarder la chose naturellement & de bonne foi, pouvoit-on s'imaginer que M. Ménage, qui avoit toute fa vie négligé de répondre à tant d'écrits que l'on avoit faits, & que l'on faifoit encore contre lui, eût écrit contre un Corps auffi célebre & auffi illuftre qu'eft celui du Parlement de Paris, qui bien loin de lui avoir jamais caufé aucun déplaifir, l'avoit au contraire honoré de fa protection en plufieurs rencontres? On dit plus : Quand même il feroit vrai que M. Ménage eût fait cette Satire contre cette augufte Affemblée, auroit-il ofé la faire imprimer, comme il fit, dans la Ville Capitale du Roiaume, aux yeux de tout le monde? Y auroit-il mis fon nom? s'en feroit-il declaré auteur ? Et ce qui eft de plus fort, l'auroit-il préfenté lui même, comme il fit, à tous les membres du Parlement? à ceux mêmes qui pouvoient le profcrire, & qui auroient dû le faire? Mais, comme on a déja dit, il avoit alors, comme il a tou jours eu, des jaloux & des envieux de fa gloire, qui ne cherchoient que les occafions de la ternir ou de la diminuer: Ingrati erunt, disoit-il *, invidi, malefici, * Dans l'Epitre dédicatoire de ses Amenitez de Droite

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