Imágenes de páginas
PDF
EPUB

1536.

quelques abus introduits dans les églises particulières sans aucune autorité certaine..... Nous ne méprisons pas le consentement de l'église catholique... C'est l'autorité de l'ancienne Eglise qui nous a poussés à embrasser cette doctrine..... C'est la doctrine des prophètes, des apôtres, des Saints-Pères, de Saint-Anbroise, de Saint-Augustin, de toute l'Eglise. Seulement il ne falloit pas prendre pour doctrine de l'église Romaine tout ce qu'approuvoient le Pape, quelques cardinaux, évêques, théologiens, moines.

Luther, qui avoit mille fois dit le pour et le contre sur cet article, écrivoit encore, vers 1534, que l'église catholique étoit la véritable église, le soutien et la colonne de la vérité, et le lieu très-saint:

Mélanchthon s'exprimoit encore plus fortement : Que la terre, disoit-il, s'ouvre sous mes pieds, plutôt qu'il m'arrive de m'éloigner du sentiment de l'Eglise dans laquelle Jésus-Christ règne. Je me soumets à l'église catholique. Bucer eût pu mettre de l'équivoque jusque dans ces mots d'église catholique, Mélanchthon n'en mettoit point; 'on peut en croire ce passage Nos gens demeurent d'accord que la police ecclésiastique, où l'on reconnoit des évêques supérieurs de plusieurs églises, et l'évéque de Rome supérieur à tous les évéques, est permise. Il a aussi été permis aux rois de donner des revenus aux églises : ainsi il n'y a point de contestation sur la supériorité du Pape et sur l'autorité des évêques, et tant le Pape que les évêques peuvent aisément conserver cette autorité; car il faut à l'Eglise des conducteurs pour maintenir l'ordre, pour avoir l'œil sur ceux qui sont appelés au ministère ecclésiastique, et sur la doctrine des prêtres, et pour

1537. Mél. resp.

ad Bell.

exercer les jugemens ecclésiastiques: de sorte que, s'il n'y avoit point de tels évéques, il en faudroit faire. La monarchie du Pape serviroit aussi beaucoup à conserver entre plusieurs nations le consentement dans Bossuet. la doctrine; ainsi on s'accorderoit facilement sur la Variat.liv.5. supériorité du Pape, si on étoit d'accord sur tout le reste; et les rois pourroient eux-mêmes facilement modérer les entreprises des papes sur le temporel de leurs royaumes.

Enfin voici ce que les luthériens disoient à l'Empereur, dans la préface de la confession d'Ausbourg : Votre majesté impériale a déclaré qu'elle agiroit auprès du Pape, pour procurer l'assemblée du concile universel. Elle réitéra l'an passé la méme déclaration dans la dernière diète tenue à Spire..... Ajoutant que, les affaires qu'elle avoit avec le Pape étant terminées, elle croyoit qu'il pouvoit étre aisément porté à tenir un concile général..... Si les affaires de la religion ne peuvent être accommodées à l'amiable, nous offrons en toute obéissance à votre majesté impériale de comparoître et de plaider notre cause devant un tel concile général, libre et chrétien

François I se fondoit sur cette soumission apparente à l'Eglise pour justifier l'appui qu'il prêtoit aux protestans d'Allemagne, et il se joignoit à eux de bonne foi pour proposer un concile. L'offre fut acceptée contre toute espérance, d'abord par Clément VII ensuite par Paul III. Les protestans se repentirent alors de s'être trop avancés, et ils revinrent sur leurs pas. Assemblés à Smalcalde en 1537, pour délibérer sur la bulle de convocation, ils convinrent qu'ils avoient demandé un concile, mais un concile libre, pieux et

1537.

Mél. liv. 10.

Ep. 76.

cade. Conc.

chrétien. Or qu'étoit-ce qu'un concile libre, pieux et chrétien? Grande matière à disputer. Luther, qui dressa les articles de Smalcalde, fit passer en maxime générale que le Pape étoit l'antechrist. Comment un concile convoqué par l'antechrist seroit-il libre, pieux et chrétien? Il falloit donc en exclure le Pape. Les évêques étoient tous ses esclaves, il falloit donc les exclure aussi; enfin il ne falloit admettre que les seuls luthériens, encore falloit-il ne les assembler qu'en Allemagne et que dans une ville luthérienne. Luther reprenoit à Smalcalde tout l'empire que Mélanchthon avoit exercé à Ausbourg; il détruisoit à plaisir l'ouvrage de son disciple, il affectoit de pousser jusqu'à l'excès, dans les articles de Smalcalde, tout ce que la confession d'Ausbourg avoit laissé dans les bornes de la modération. Mélanchthon s'efforça vainement de ramener l'assemblée à des résolutions moins schismatiques, Luther l'entraîna lui-même; Luther, qui disposoit de lui souverainement, lui avoit déjà fait signer malgré lui : Qu'il n'approuveroit jamais que le Pape eût aucun pouvoir sur les autres évêques; il le força encore de signer les articles de Smalcalde et de rejeter le concile qu'il désiroit.

Mélanchthon osa pourtant modifier sa souscription aux articles de Smalcalde; il y mit cette restriction: Art. Smal- « Pour le Pape, mon sentiment est que, s'il vouloit re«< cevoir l'Evangile, pour la paix et commune tranBossuet, «<< quillité de ceux qui sont déjà sous lui, ou qui y seront «‹ à l'avenir, nous lui pouvons accorder la supériorité « sur les évêques, qu'il a déjà de droit humain. »

p. 338.

Hist. des Va

riat. liv. 4.

Tel fut l'avis du seul Mélanchthon; pour tout le reste de la réforme le Pape ne fut que l'antechrist. La réforme

n'avoit plus aucun ménagement pour ses ennemis, mais on va voir qu'elle étoit bien indulgente pour ses défenseurs.

Philippe, landgrave de Hesse, le plus zélé d'entre eux, prince incontinent, dévot et artificieux, venoit d'avoir une maladie qui commençoit dès lors à ne pas respecter les princes même; il en guérit avec peine, elle lui laissa des remords; il détesta l'adultère, qui lui avoit si mal réussi, et résolut de ne plus goûter que des plaisirs légitimes; mais, comme il n'aimoit point sa femme (1), il voulut en avoir une autre, sans prendre, comme le roi d'Angleterre, la voie du divorce; il prétendoit conserver sa première femme, qui consentoit à tout, pour laquelle il étoit d'ailleurs plein de respect, et à laquelle il ne reprochoit qu'un peu d'odeur et d'ivrognerie; il vouloit enfin avoir à la fois deux femmes, l'une qui seroit toujours la landgrave et quelquefois sa femme, l'autre qui ne seroit que sa femme, mais femme honnête, légitime et nullement concubine. Il consultoit sur ces arrangemens Luther et Mélanchthon; et, comme la négociation étoit délicate, il en chargea Bucer. Voici en substance ce que le landgrave exposoit aux docteurs.

« Je ne veux ni vivre dans l'adultère, parce qu'il << faudroit me priver de la participation au sacrement, << ni me passer de femmes, car mes médecins savent << que j'en ai besoin, ni me borner à la mienne, parce qu'elle sent et qu'elle boit; mais je ne trouve point << dans l'Ecriture qu'il soit défendu d'avoir deux « femmes; je vois au contraire la polygamie pra

[ocr errors]

(1) Christine, fille de George, duc de Saxe.

1539.

sollicitare debeat, etc.

[ocr errors]
[ocr errors]

tiquée par Lamech, Abraham, Jacob, David, Salo1539. << mon, tous personnages pieux, et vantés non-seuleInstruct. «ment dans l'Ancien, mais encore dans le Nouveauquid Doct. Mart.Bucer « Testament; je retrouve des exemples de polygamie << sous la loi de grâce; Ambroise loue l'empereur Va«<lentinien, qui pourtant eut deux femmes et qui «< permit à ses sujets d'en avoir deux. Je trouve qu'un «comte qui visitoit le saint sépulcre (1) ayant cru « sa femme morte et s'étant remarié, un pape lui << permit de conserver ses deux femmes à la fois. Je fais << peu de cas des décisions des papes; je veux suivre aveuglément les avis de Luther et de Mélanchthon, « mais je sais qu'ils ont conseillé au roi d'Angleterre d'épouser Anne de Boulen sans répudier Catherine « d'Arragon. C'est la même grâce que je demande aujourd'hui. Je ne veux écarter la princesse de Saxe << ni de mon trône ni de mon lit; ses enfans seront « seuls héritiers de mes états; je continuerai de porter <«< ma croix, mais je désire une autre femme qui me « l'adoucisse; s'ils m'accordent cette consolation, ils << m'en trouveront plus ardent à défendre la cause de « l'Evangile, et à disposer selon leurs vues des biens << des monastères; s'ils me refusent, ils m'obligeront << de recourir, non au Pape, encore un coup, je mé<< prise trop toute décision papale, mais à l'Empereur, << à qui je dois cette déférence, et qui sans doute m'ob<< tiendra malgré moi une dispense du Pape; à la vé<< rité il m'en coûtera quelque argent par cette autre « voie, aussi j'aimerois bien mieux avoir l'obligation

[ocr errors]

(1) Le comte de Gleichen, seigneur Allemand. On peut voir dans Bayle le cas qu'il fait de cette histoire; mais on voit qu'il a tort de croire qu'elle n'a point été alléguée par les protestans.

« AnteriorContinuar »