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clare tout haut que j'ai combattu en ennemi, et autant qu'il m'a été possible contre le pape Jules II, et que je ne me suis point mis en peine des censures fulminées à cette occasion. A ce discours, qui attira l'attention de l'assemblée surprise, le Roi dit tout haut qu'il étoit dans le même cas, la plupart des seigneurs de sa suite en dirent autant; tous demandèrent l'absolution, le Pape la leur donna sur le champ de peur qu'ils ne s'en passassent encore. François I, absous comme les autres, lui dit tout haut: Saint Père, ne soyez point surpris que tous ces gens-ci aient été ennemis du pape Jules; car c'étoit bien aussi le plus grand de nos adversaires, et nous n'avons jamais connu d'homme plus terrible dans les combats. Il auroit été mieux à la tête d'une armée que sur le trône de Saint-Pierre.

Il faut observer que Léon X lui-même, trois ans auparavant, n'étant à la vérité que cardinal, avoit été pris les armes à la main par les François à la bataille de Ravenne.

Après ce petit discours assez ferme, le Roi reprit ses humbles fonctions, et donna à laver au Pape.

L'affaire de la pragmatique étoit trop délicate pour pouvoir être terminée dans les quatre jours que François passa dans Bologne; le Pape demandoit une révocation absolue de la pragmatique, le Roi vouloit un concordat qui en tînt lieu. Ils se séparèrent; mais en quittant Bologne, le Roi y laissa le chancelier Duprat pour traiter cette affaire avec les cardinaux d'Ancône et de Santiquatro, nommés par Léon X. Ce pontife, pour se rendre le Roi plus favorable, avoit donné le chapeau à l'évêque de Coutance, frère du grand-maître de Boisy, depuis évêque d'Albi, et légat en France.

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Le chancelier Duprat étoit veuf et chargé d'une assez nombreuse famille; la faveur de la duchesse d'Angoulême, en l'élevant de la profession d'avocat aux plus éminentes dignités de la magistrature, ne l'avoit point enrichi (1); on ne s'enrichissoit que dans l'état ecclésiastique; mais tant que les élections auroient lieu, le chancelier ne pouvoit rien espérer. Des enfans des plus grands seigneurs avoient eu soin d'entrer dans les chapitres ou dans les monastères pour pouvoir être élus un jour. Le choix de ces corps ne tomboit ordinairement que sur leurs membres; le chancelier n'avoit pour lui que la faveur du Roi et de la duchesse il falloit donc que la nomination des prélatures appartînt au Roi. Le Pape étoit peu jaloux de ce stérile honneur, le profit lui suffisoit, les annates furent son partage, et la nomination celui du Roi (2). On ne fit pourtant aucune mention de l'annate dans le concordat, on prévoyoit trop bien les cris qu'eût excités une pareille clause, si elle eût été expresse; le silence suffisoit pour faire revivre ce droit; il n'avoit été suspendu que par la pragmatique, et au moyen du concordat, la pragmatique n'étoit plus. D'ailleurs le Roi ne faisoit que nommer aux bénéfices, le Pape devoit donner les

(1) Il exerça la profession d'avocat à Paris, et fut successivement lieutenent-général au bailliage de Montferrand en Auvergne, avocat général au parlement de Toulouse, maître des requêtes, président du parlement de Paris, chancelier, puis cardinal; et il fut successivement, ou en même temps archevêque de Sens, évêque de Meaux, d'Alby, de Valence, de Die, de Gap, et abbé de Fleury ou S. Benoît-sur-Loire.

(2) « On ne vit jamais d'échange plus bizarre, dit Mezerai: «le Pape, qui est une puissance spirituelle, prit le temporel pour a lai, et donna le spirituel à un prince temporel. »

provisions, et l'annate devoit tacitement en être le prix. De plus une clause formelle exigeoit que la vraie valeur des bénéfices fût exprimée, à peine de nullité des provisions. Cette clause n'étoit pas sans objet, et le parlement s'en aperçut bien.

Le Pape fait quelques sacrifices sur les réserves; le concordat a même un titre exprès: de la suppression des réserves, mais qui promet plus qu'il ne tient. A la vérité, les grâces expectatives disparoissent, mais il reste des mandats apostoliques, au moyen desquels le Pape pourvoit d'un bénéfice sur un collateur qui en a dix à sa collation, et de deux sur un collateur qui en a cinquante. Ces mandats apostoliques ont depuis été abrogés par le concile de Trente.

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Il reste la vacance in curid, mais par mort seulement. Il reste la prévention, mais la pragmatique l'avoit laissé subsister. L'abus des évocations à Rome reste supprimé comme dans la pragmatique.

La pragmatique fixoit le nombre des cardinaux à ving-quatre, le concordat ne dit rien sur cet article.

Le concordat fut conclu le 15 août 1516. Par ce décret, Léon X porta le dernier coup à cette pragmatique, l'horreur de Rome, que tous ses prédécesseurs, depuis OEnéas Sylvius, n'avoient cessé d'attaquer, et que quelques-uns d'entre eux avoient ébranlée, sans pouvoir l'abattre. Il recueillit les débris des prétentions pontificales, il les mit à couvert de l'orage, il en fixa le sort. François I, de son côté, croyoit par une habile condescendance pour le Pape, avoir travaillé utilement pour ses propres intérêts, et peut-être s'applaudissoit-il d'assurer la paix à l'église Gallicane, en acquérant ou en rendant à sa couronne un de ses plus

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beaux droits; il étoit content, Léon étoit flatté, le concile de Latran partageoit le triomphe de son chef, et substituoit avec éclat le concordat à la pragmatique ; il ne s'agissoit plus que de faire approuver cet arrangement aux parlemens et au clergé de France, le Roi s'en étoit chargé. Le Pape, pour exciter son zèle, fut libéral envers lui du bien d'autrui; il lui accorda une décime sur le clergé, avec la condition secrète que les Médicis en partageroient le profit; il voulut aussi, dit Mézerai, lui conférer le titre d'empereur d'Orient, comme tant d'historiens ont dit qu'Alexandre VI l'avoit conféré à Charles VIII à qui André Paléologue avoit cédé ses droits; mais François I n'aimoit à prendre que les titres de souveraineté qu'il pouvoit réaliser; il refusa ce chimérique honneur.

Il croyoit avoir pris des précautions suffisantes pour s'assurer de l'aveu du parlement en faveur du concordat; il avoit employé à Rome, dans toutes les négociations relatives à cette affaire, Roger de Barme, son avocat général au parlement de Paris (1). Ce magistrat devoit n'y avoir rien laissé, soit dans le fond des dispositions, soit dans la rédaction, qui blessât les usages et les lois du royaume; mais quelque part que Roger de Barme eût eue au concordat, ce n'étoit point son ouvrage, c'étoit celui du chancelier.

C'en étoit assez pour rendre ce décret suspect, surtout au parlement de Paris; cette compagnie haïssoit Duprat qu'elle connoissoit et qui la connoissoit. Elle l'avoit eu quelque temps pour chef, elle savoit que, propre à toutes les places et se pliant à toutes les

(1) Depuis président au même parlement.

situations, il avoit changé en fermeté despotique l'esprit aristocratique qu'on prend toujours un peu dans ces grands corps. Elle redoutoit ses talens éprouvés, ce génie entreprenant, systématique, inépuisable en ressources, souple pour l'invention, ferme pour l'exécution, irrité, jamais découragé par les obstacles, incapable de faire céder l'autorité à laquelle il sembloit toujours prêter les armes de la raison. Le parlement eut à lui reprocher d'avoir flétri ce corps qu'il avoit présidé, en y introduisant avec la vénalité des charges tout l'avilissement qui sembloit devoir en être la suite. Le concordat, vu à travers ces dispositions, parut une vénalité des bénéfices, semblable à celle des charges (1), un trafic honteux entre un pontife avide et un jeune roi imprudent, de droits qui n'appartenoient ni à l'un ni à l'autre, un lâche sacrifice des lois du royaume fait à la fortune par un chancelier intéressé, un renversement scandaleux des libertés de l'église Gallicane. Le peuple, ordinaire écho du parlement son défenseur, répétoit ces reproches, les exagéroit dans ses déclamations. La faveur, l'argent peut-être, alloit désormais tout faire, le mérite alloit languir inconnu ou méprisé. Car c'est un préjugé mal développé dans la tête du vulgaire, mais assez général, que la cour toujours trompée ou mal intentionnée, n'a ni des yeux pour voir le mé

(1) Il n'y a rien qui ne puisse être diversement envisagé; le parlement auroit pu voir, par le concordat, le clergé, son rival, soumis pour jamais à l'autorité royale; et par la vénalité des charges, la magistrature devenue plus indépendante de la faveur des grands, qui jusqu'alors avoient rempli les tribunaux de leurs créatures, et qui en exigeoient souvent une reconnoissance contraire au bien de la justice.

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