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recevoir les remontrances que le zèle du parlement pourroit lui dicter sur le fond de l'affaire, et s'il ne trouveroit pas bon qu'en ce cas on lui fit une députation. Le Roi répondit : J'envoyerai mes ordres à mon oncle.

Il fallut enfin délibérer, et en présence du bâtard de Savoye. On employa des palliatifs pour empêcher que cette complaisance du parlement ne parût une foiblesse, et ne tirât à conséquence. Les assemblées durèrent depuis le 13 juillet jusqu'au 24. L'arrêté définitif fut que le parlement ne pouvoit ni ne devoit enregistrer le concordat; qu'il tiendroit plus que jamais la main à l'exécution de la pragmatique, qu'il donneroit audience à l'université qui demandoit qu'on entendit ses plaintes contre le concordat ; que si le Roi persistoit à vouloir faire de ce traité une loi de son royaume, il falloit qu'il employât les mêmes moyens que Charles VII avoit employés pour l'établissement de la pragmatique, c'est-à-dire, qu'il convoquât un concile national; qu'au reste le parlement étoit prêt à instruire le Roi par une députation des motifs de son refus.

Le premier président remit cet arrêté au bâtard de Savoye, et lui dit : «< allez, portez au Roi le vœu de « la compagnie; puisse-t-il sentir combien ce vœu est « conforme à ses vrais intérêts! vous savez à présent «< comme nous tous les inconvéniens du concordat ; ne <«<lui déguisez rien, dites-lui ce que vous avez vu et << entendu dans le parlement. »

On ne peut nier que cette noble fermeté n'élève l'âme et ne flatte en secret la liberté naturelle; on ne peut nier non plus que le parlement n'eût des raisons bien fortes à exposer en faveur de la pragmatique. Il

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alloit travailler, mais toujours lentement par le même 1518. principe, à rassembler ces raisons dans des remontrances; le Roi voulut qu'avant tout on terminât ce procès du maréchal de Lautrec et du roi de Navarre, qui avoit servi de prétexte à tant de longueurs. Cet ordre avoit l'air d'une précaution sinistre ; il sembloit annoncer qu'on vouloit punir le parlement, sans nuire aux illustres cliens intéressés dans cette affaire. Le parlement n'en fut point ébranlé, il jugea le plus lentement qu'il put l'affaire de Lautrec (1), mais il la jugea ; il travailla ensuite aux remontrances, il les lut, les examina dans l'assemblée des chambres; le Roi les envoya demander plusieurs fois, elles n'étoient toujours point faites; son impatience croissoit à chaque instant; il écrivoit sans cesse à Rome pour s'excuser de ces délais, et pour en demander de nouveaux, que le Pape accordoit toujours, quoique toujours en murmurant, car le Roi avoit promis que tout seroit conclu dans six mois; enfin, le parlement nomma des commissaires pour aller à Amboise porter au Roi les remontrances, le 14 janvier 1518.

Les conseillers Verjus et de Loynes furent chargés de cette fâcheuse commission. Ils s'adressèrent d'abord au chancelier, qui les brusqua et les renvoya au grandmaître. Celui-ci les reçut plus doucement; il leur dit qu'ayant su dès la veille qu'ils devoient arriver, il avoit

(1) On trouve, à la date du 7 octobre 1517, un arrêt qui adjuge à Henri II, roi de Navarre, les vicomtés de Nebousan, Tursan " Marsan et Gavardan, contre la reine douairière d'Arragon. Cette époque se rapporte assez à celle du procès dont il s'agit, et peutêtre y a-t-il 'erreur dans le manuscrit, en ce qu'il met Lautrec à la place de la reine douairière d'Arragon, sa cousine.

pris soin de l'annoncer au Roi, qui avoit répondu avec colère : je les traînerai à ma suite aussi long-temps qu'ils m'ont fait attendre. Cependant Boisy les servit bien; il reparla au Roi, qui se fit donner les remontrances, disant qu'il vouloit les communiquer aux gens sages de ses autres parlemens; on ne sait s'il les communiqua en effet à des membres de quelques parlemens, mais il les communiqua au chancelier, et le chancelier y répondit par son ordre.

Les remontrances rouloient sur deux points principaux, l'éloge de la pragmatique et la critique du concordat. On conçoit aisément, d'après tout ce qui vient d'être dit, quels étoient les avantages que le parlement relevoit dans la pragmatique ; il falloit d'ailleurs observer une irrégularité frappante dans la révocation de ce décret. La pragmatique avoit été formée des canons du concile de Bâle, et de quelques-uns du concile de Constance; révoquer la pragmatique, c'étoit donc révoquer ces canons, c'étoit rejeter l'autorité de ces conciles généraux. De plus, le Pape, dans l'acte d'abrogation de la pragmatique, traitoit le concile de Bâle de conciliabule et de conventicule. Si la France souscrivoit à cette abrogation, que devenoit son respect pour l'œcuménicité de ce concile? que devenoit cette maxime si chère ét si utile de la supériorité du concile général sur le Pape, maxime établie par les conciles de Constance et de Bâle, adoptée par la pragmatique, et qui ne reparoît plus dans le concordat?

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Le chancelier ne se tiroit de cette objection qu'en disant que le concile de Bâle étoit abandonné par toute

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la chrétienté, à la réserve de la France; il ne s'expliquoit point sur le concile de Constance.

Dans la critique du concordat, le parlement s'attache principalement à deux articles: la clause de l'expression de la vraie valeur des bénéfices, et la substitution du droit de nomination royale au droit d'élection.

La clause veri valoris avoit évidemment deux objets, l'un d'établir l'annate, jugée simoniaque par plusieurs canonistes (1), l'autre de l'établir sur un pied plus fort, car la cour de Rome avoit une ancienne taxe qu'elle auroit pu suivre, mais la valeur des biens avoit augmenté et ne pouvoit qu'augmenter par la suite; c'est pourquoi le Pape vouloit changer cette taxe pour la régler sur le revenu actuel; il devoit envoyer en France un légat pour travailler à la nouvelle taxe avec des commissaires François. Par ce changement il auroit gagné sur plusieurs bénéfices, il auroit perdu sur quelques-uns, mais le gain eût été considérable sur la totalité. De plus, l'expression de la vraie valeur étant exigée pour les bénéfices de toute espèce, aussi bien pour les collatifs que pour les consistoriaux, faisoit craindre que Rome ne voulût étendre l'annate jusque sur les bénéfices collatifs, comme elle avoit fait autrefois, ce qui auroit entraîné chaque année un transport con

(1) Le P. Berthier a mis à la tête du quinzième tome de l'Histoire de l'église Gallicane un discours sur les annates, qui est proprement une apologie de ce droit que le P. Alexandre avoit déjà justifié contre le docteur de Launoy, et M. de Marca contre Duarenus et Charles Dumoulin. Il n'y a presque rien qu'on ne puisse ou attaquer ou défendre; tout dépend du point de vue, des dispositions et du talent.

M. de Marca semble dire que, dans l'annate, le roi céde au pape son droit sur le temporel.

sidérable d'argent à Rome. Cet article de la vraie valeur étoit celui qui faisoit le plus de peine au parlement.

Le chancelier osoit répondre que la clause veri valoris étoit étrangère à l'annate, qu'elle n'avoit pour objet que de connoître si le mérite du sujet nommé répondoit à la valeur du bénéfice; mais, tandis qu'il vantoit le désintéressement de Léon X, Léon X se pressa de le désavouer par un décret (1) qui, en modifiant la clause veri valoris, suppose l'annate établie, et en exige le paiement.

Le chancelier ajoutoit que dans le fait la pragmatique n'avoit point empêché la levée de l'annate (2), tant des bénéfices collatifs que des électifs, tant à Rome qu'en France même, où les prélats de Normandie la levoient sur les bénéfices à leur collation; que la nouvelle taxe empêcheroit les voyages que faisoient souvent à Rome les nouveaux pourvus, pour marchander et tromper sur l'annate.

Le parlement pouvoit répliquer sur tout cela qu'un abus ne détruit pas la loi, et que c'est à la loi à détruire l'abus; que si des prélats François levoient une annate à leur profit, l'abus, quoique très-grand, étoit moins funeste au royaume, puisque l'argent n'en sortoit pas.

Quant à l'élection, à laquelle le concordat substituoit la nomination royale, le parlement alloit jusqu'à dire qu'elle étoit de droit divin, et il accumuloit en

(1) Ce décret a pour titre De Annatis ; il fut ajouté au concordat dont il forme le titre 21.

(2) En effet des auteurs parlent de sommes exorbitantes, tirées du seul diocèse de Paris par la cour de Rome, sous le règne de Louis XII, au mépris de la pragmatique.

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