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Vincent de Lérins, quod ubique, quod semper, quod ab omnibus ; ce qui a été observé dans tous les temps, dans tous les lieux, par tout le monde; cette règle excellente en matière de foi, n'est qu'une belle chimère en matière d'histoire et lorsqu'il s'agit simplement de discipline; et, pour ne pas sortir de l'objet particulier de la nomination aux prélatures, écoutons sur cet article le savant Dupuy (1).

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<«<La provision aux prélatures et dignités de l'Eglise << s'est faite de tout temps si diversement et par des «< formes le plus souvent si contraires les unes aux au«< trés, qu'il est difficile de dire celle qui a été jugée la plus légitime. L'on ne peut pas nier que les élections << n'aient eu lieu dès le temps des apôtres; l'on peut aussi << montrer que dès lors l'on a varié et usé d'autre voie « que de l'élection. Le pape a prétendu que ce droit «< lui appartenoit privativement à tout autre : le prince « a eu cette même prétention : l'un et l'autre en ont « joui. Quelquefois les évêques de la province seuls << ont pourvu : en autre temps le clergé et le peuple éli<< soient leurs pasteurs : en autre temps le prince et le «< clergé par communs suffrages; quelquefois tout le clergé ensemble sans le peuple, quelquefois les cha« noines seuls sans le clergé. »

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Dans ce dédale historique la raison est le seul fil qui puisse guider, mais la raison n'a rien de contraire au système de la nomination royale; on conçoit sans peine que les titres de fondateurs et de protecteurs aient donné lieu à un pareil droit. On voit d'ailleurs entre

(1) Pierre Dupuy, sur l'art. 68 des Libert. de l'église Gallicane.

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le droit de régale (1) et ce droit de nomination aux prélatures, des rapports si sensibles, que quelques auteurs ont regardé le droit de nomination aux évêchés comme faisant partie du droit de régale (2); or le droit de régale n'est plus contesté; le droit de nomination paroît avoir la même source, quelle que soit cette source (3).

Ce système de la nomination royale est soutenu par

(1) La régale est le droit qu'ont les rois de jouir des fruits de l'évêché vacant, et de nommer aux bénéfices simples qui en dépendent, jusqu'à ce que le nouvel évêque ait prêté serment de fidélité, et obtenu des lettres patentes de main-levée de la régale, qui doivent être enregistrées à la chambre des comptes. Dans l'usage actuel, le Roi remet au nouvel évêque les produits de la vacance.

(2) Voir le traité des Droits du Roi sur les bénéfices de ses états, imprimé en 1152, liv. 2, chap. premier.

(3) On a beaucoup disputé sur l'origine de la régale. Droits de fondation, de patronage, de garde, de protection, de dépouille, etc. tout a été allégué. Plusieurs auteurs attribuent cette origine au droit féodal; ils observent que les fiefs ecclésiastiques sont nommés régales dans quelques vieux livres, et que tous les fiefs indistinctement s'appeloient bénéfices sous la première race, mais on leur conteste que les bénéfices de la première race soient la même chose que les fiefs; car, à la faveur des ténèbres de l'antiquité, on peut tout nier et tout soutenir, pourvu qu'on respecte d'autant plus les droits établis, que leur origine est plus ancienne et moins connue. Au reste les divers droits auxquels on rapporte l'origine de la régale, sont communs à tous les souverains, et cependant le droit de régale propre aux rois de France; mais les mêmes causes peuvent produire des effets différens, et les mêmes objets peuvent être envisagés diversement chez les différens peuples. Toutes les monarchies n'ont-elles pas le même intérêt, le même droit et le même désir d'empêcher leur couronne de passer à des étrangers? la France est pourtant la seule qui ait opposé aux étrangers la barrière éternelle de la loi salique.

des auteurs qui joignent la critique à l'érudition (1), et l'autorité de la raison à l'autorité des faits bien discutés.

Mais pourquoi opposer l'un à l'autre, et vouloir exclure l'un par l'autre, deux systèmes que nous voyons se donner la main, et marcher de front dans le cours de l'histoire ? depuis que les bienfaits des souverains et des grands ont été répandus sur l'Eglise avec tant de magnificence, les prélatures ne sont-elles pas des espèces d'objets mixtes qui, joignant à des titres spirituels, à des charges sacrées, de grands avantages temporels (la puissance et les richesses), semblent demander pour la nomination le concours des deux pouvoirs?

L'Eglisé a intérêt de veiller au choix de ses pasteurs, les rois n'en ont pas moins de placer leurs bienfaits d'une manière utile à l'état. Ce double intérêt, qui au fond n'en forme qu'un, a été senti dans tous les temps et dans tous les pays. Depuis Constantin nous voyons les empereurs prendre part aux élections, du moins pour les grands sièges et pour les lieux de leur résidence; en France, depuis Clovis jusqu'à François I, on voit presque toujours le même accord, le même exercice concerté des deux droits; et on peut dire que cette réunion de la nomination royale et des élections forme le droit commun de la France, interrompu seu

(1) L'abbé de Vertot, de la nomination aux évêchés de France. Le P. le Cointe, Annales Ecclésiast. sur l'an 822 et ailleurs. L'auteur des Mémoires du Clergé, t. 10, pag. 551 et suiv. M. Le Vayer de Boutigny, traité de l'Autorité des rois touchant l'administration de l'Eglise, pages 295 et suiv. L'auteur du nouveau traité des Droits du Roi sur les bénéfices, imprimé en 1752, en deux volumes in-4°.

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lement par quelques exemples de nomination simple de la part des rois, ou d'élection simple de la part du clergé, exemples qui ont ordinairement pour époque des temps de trouble. Les meilleurs et les plus grands rois ont favorisé les élections, soit par une pieuse déférence pour le clergé, soit par une crainte encore plus religieuse du compte qu'ils auroient à rendre à l'Etre Suprême, des ministres qu'ils auroient osé lui donner. Ils ont le plus souvent borné l'exercice de leur droit à permettre les élections, à y maintenir l'ordre par des commissaires qui les représentoient, à confirmer ces mêmes élections, à recevoir le serment du prélat élu. En effet, le droit de nomination n'est-il pas compris dans tout cela? Celui sans l'agrément duquel l'élection ne peut se faire, celui qui veille et qui préside par ses représentans à toutes les opérations de l'assemblée, celui qui peut, à son choix, agréer ou rejeter la personne élue, n'est-il pas le véritable maître de l'élection, n'est-il pas le véritable collateur, et cet exercice modéré de sa puissance ne remplit-il pas toute l'étendue de ses droits, sans avoir les inconvéniens de la nomination simple? ce concours du prince et du clergé, qui a fait imaginer à Pinsson que l'ancien droit du peuple dans les élections avoit été transporté au roi, est la cause des variations, des incertitudes, des contradictions apparentes qu'on trouve dans divers auteurs (1). Voilà ce qui fait que Du Moulin, par exemple, appelle

(1) Voyez sur toute cette question le grand recueil de ChezalBenoist.

tantôt les élections (1) tantôt les nominations royales, le droit commun de l'Eglise et de la France.

Les vrais ennemis des élections, ce n'étoient pas les rois, c'étoient les papes. Tant que ceux-ci respectèrent l'autorité des conciles, ils respectèrent les élections, mais lorsque les fausses décrétales (2) et le décret de Gratien eurent accrédité ce qu'on appelle aujourd'hui les opinions ultramontaines; lorsque des appels trop directs, des évocations trop fréquentes portèrent à Rome les contestations qui s'élevoient au sujet des élections, les papes voulurent insensiblement attirer à eux tous les détails du gouvernement de l'Eglise : ils comprirent combien la collation des bénéfices pouvoit étendre et affermir l'empire pontifical; le titre de chef de l'Eglise pouvoit, dans des temps d'ignorance, colorer à leurs propres yeux cette prétention.

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glise.

Au douzième siècle, leurs entreprises commencèrent Douzième à éclater, mais sourdement encore et avec des pré- siècle de l'Ecautions; ils prennent des prétextes, ils profitent des conjonctures, ils font valoir adroitement leurs prétentions sans trop les annoncer. Souvent des pontifes modérés les abandonnent de bonne foi, mais des pontifes ambitieux les reprennent bientôt ; quelquefois, pour séduire les peuples et pour abaisser les rois, ils protègent ouvertement ces élections qu'ils brûlent en secret de détruire; quelquefois, pour mettre les rois

(1) Du Moulin, de infirmis resignationibus, n° 402, Comment. sur l'édit des petites dates, gl. 15, n. 31 et suiv.

(2) Elles furent publiées dans le neuvième siècle, et elles acquirent beaucoup d'autorité dans les siècles suivans. Le décret de Gratien parut, selon l'opinion commune, en 1151.

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