de la comteffe, lorfqu'elle lui avoit remis le dépôt entre les mains; Maly vint à foupçonner que la fille de Varuccy nourrissoit une passion secréte qu'elle avoit de la répugnance à s'avouer ; ces foupçons fe fortifièrent; cédant enfin à la curiofité, trahiffant la confiance l'amitié l'honneur, voulant peut-être fe rendre utile à fon amie, elle écoute un tranfport indifcrèt : elle ouvre ce dépôt le premier objet qui s'offre à sa vûe eft le portrait du roi, avec un écrit affez étendu, tracé de la main d'Alix, & qui contenoit ce qu'on pourroit appeller un journal exact où la fille du lord s'étoit rendu un fidèle compte de fes moindres fentiments. Voici à peu près ce que renfermoit cet écrit fingulier : » Qu'est-ce que je fens ? quels mouvements plus forts que tous ceux que j'ai éprouvés jufqu'à → ce jour, entraînent mon ame? feroit-ce là ce qu'on nomme de l'amour ? & qui auroit excité en moi » cette impreffion dont tout m'ordonne de triompher? perfonne ne m'entend-il, ne me voit-il ? ah! je rougis, je crains moi-même de m'interroger, de lire dans mon cœur! quoi ! j'aurois conçu une paffion infenfée pour l'objet de nos homma»ges refpectueux! j'aimercis un monarque, notre » maître, Edouard ! quel aveu vient de m'échap כבר per ! feroit-il bien vrai ? oui, j'aime ; j'aime le plus grand des rois, le plus aimable des homsomes; Edouard eft le héros d'Alix; ah ! il n'eft que trop mon fouverain ! & qui règneroit fur mon ame avec plus d'empire? quel plaifir je reffens à me > faire raconter toutes ces belles actions qui annoncent à l'Angleterre la plus brillante époque de la monarchie ! Mais pourquoi dépofé-je mes plus fecrétes pensées fur ce papier, le feul confident, le feul ami qui reçoive l'épanchement de mon cœur?eft-ce pour fixer fous mes yeux un fujet éternel de reproches, un monument de ma faiblesse » de mon repentir? Ne nous abufons point; ayons le courage d'aller chercher en nous la vérité ; cette image de moi-même, que je me préfente, ces dé» tails d'un sentiment que j'approfondis, où je me plais tant à m'arrêter: c'eft pour flatter, pour en» tretenir un penchant chimérique, condamnable, à mes propres regards. Infenfée que je fuis! tout » me ramène à ce portrait fi précieux pour ma folle » erreur. Oui, cher Edouard, oui, prince digne de toute notre admiration, j'aime à revoir fans ceffe » mon ame; je vous contemple, je vous parle, je » vous répéte que je vous offre avec transport l'hom»mage d'une tendreffe qui n'éclatera jamais ; je ne vi> vrai que pour vous aimer, pour vous adorer en secret; je me dirai à moi-même que mon cœur vous eft > confacré ; & cet aveu ne fuffira-t-il pas à mon bonheur? tout le monde ignorera l'objet de mon atta D chement; je me contenterai de connaître, de fentir > l'amour; n'eft-ce rien que le plaifir d'aimer ? Mais qu'eft-ce que j'écris ! voilà bien un tableau fidèle » du bouleversement total de ma raison ! fçais-je ce » que je veux, ce que je fouhaite ? ce papier ne fert qu'à me couvrir de honte; c'est une glace fidèle » où je me contemple avec humiliation. Alix s'étoit arrêtée à cet endroit, & enfuite elle reprenoit le cours de cet examen d'elle-même. Maly n'eut pas besoin d'en lire davantage pour être éclairée sur la fituation de la comteffe de Salisbury; loin de fe reprocher fon indifcrétion, elle crut devoir s'applaudir; elle efpéra d'amener la comteffe au point de lui réveler fon fecret, & alors elle fe flattoit que fes confeils falutaires rendroient à fon amie un repos qu'elle ne pouvoit acquérir par fes propres réfle Le bruit fe répand que le roi d'Angleterre va époufer une des filles du comte de Haynaut : la comteffe de Salisbury ne fçauroit cacher le trouble où la jette cette nouvelle ; c'eft alors que fa mélancolie augmente; fon cœur a befoin de s'épancher; elle voudroit que ce fut dans celui de Maly: au moment où fon fecret eft prêt à lui échapper, la voix lui manque,& elle ne peut que verfer des larmes. Vous rejettez toujours, lui dit Maly, l'excès de votre chagrin fur la captivité de votre époux. Eh! ma chère comteffe, fon fort eft-il auffi malheureux que vous le prétendez? fon féjour à la cour de France adoucit bien le défagrément d'être prifonnier. Il trouve peut-être dans son esclavage des douceurs qui le dédommagent de fa liberté. Qui vous affurera que quelque aimable Française ne lui a point fait oublier la charmante comtesse de Salisbury, ou du moins ne l'a point rendu infidèle. Qu'il me trahisse s'écrie Alix, qu'il ceffe de m'aimer... ce n'eft point... Elle Du comte de Haynaut. En effet Edouard époufa dans la fuite Philippe, une des filles du comte; Ifabelle, mère du prince Anglais, avoit déjà arrêté ce mariage du vivant » mon ame; je vous contemple, je vous parle, je → vous répéte que je vous offre avec transport l'hom»mage d'une tendreffe qui n'éclatera jamais ; je ne vi> vrai que pour vous aimer, pour vous adorer en se»cret; je me dirai à moi-même que mon cœur vous eft > confacré ; & cet aveu ne fuffira-t-il pas à mon bonheur? tout le monde ignorera l'objet de mon attachement ; je me contenterai de connaître, de fentir > l'amour ; n'eft-ce rien que le plaifir d'aimer ? Mais qu'eft-ce que j'écris ! voilà bien un tableau fidèle » du bouleversement total de ma raison ! fçais-je ce » que je veux, ce que je fouhaite ? ce papier ne fert qu'à me couvrir de honte; c'eft une glace fidèle » où je me contemple avec humiliation. Alix s'étoit arrêtée à cet endroit, & enfuite elle reprenoit le cours de cet examen d'elle-même. Maly n'eut pas befoin d'en lire davantage pour être éclairée sur la fituation de la comtesse de Salisbury ; loin de fe reprocher fon indifcrétion, elle crut devoir s'applaudir ; elle espéra d'amener la comteffe au point de lui réveler fon fecret, & alors elle fe flattoit que fes confeils falutaires rendroient à fon amie un repos qu'elle ne pouvoit acquérir par fes propres réfle |