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l'avouerai : je demeure interdite ; ces expreffions dans votre bouche font nouvelles pour moi ! Varuccy éxamine encore quelques inftants fa fille, & reprend fon entretien ; je vous l'ai dit : j'ai vécu ; l'expérience m'a détrompé de cet enthousiasme que les courtifans regardent d'un œil de compaffion; s'éle! ver à quelque prix que ce foit, & faire ramper les autres voilà, ma fille, à quoi fe réduit l'art de représenter fur ce brillant théâtre que dévorent tous les yeux; le fort vous y deftine une place qu'envieront nos ladys ; je me fuis apperçu que notre monarque pouvoit vous préferer ... vous pénétrez dans ma pensée ... fon mariage avec la princesse de Haynaut eft différé ... ma fille, il ne tient qu'à vous peut-être de voir à vos genoux la cour, toute l'Angleterre ; la fortune vous appelle, lui résisteriezvous ? - Quoi ! mylord Varuccy voudroit... non; il ne fçauroit avoir changé à ce point ; & fi ma malheureuse destinée avoit égaré ce père fi vertueux, fi refpectable, ce feroit moi qui oferois le ramener fur fes premières traces, lui rappeller fes leçons, fes exemples à jamais gravés dans mon cœur... - Ma fille ! tu te fentirois la force de fouler aux pieds cet éclat qui t'attend... de facrifier tout à la vertu ?.. de mourir pour elle? -En doutez-vous, mon père? &

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croyez-vous que votre fille pût balancer ? plutôt expirer cent fois... Varuccy fe lève avec transport, &fe jettant dans les bras de madame de Salisbury: Embraffe-moi, Alix, ma fille, ma chère fille ! tu es donc digne de ton père !.-Qu'ai-je entendu tomber?. ô ciel ! un poignard, mon père ... échappé de votre fein! C'étoit ... pour te frapper, pour m'immoler moi-même fur ton corps palpitant, fi je n'euffe retrouvé ma chère Alix,'une fille qui fera ma confolation, l'honneur de ma vieilleffe ; eh! que tu as bien connu ton père, quand tu n'as pû imaginer qu'il fût capable de fe démentir! Alix, je n'ai donc rien à craindre; mon deffein a été de t'é¬ prouver, de te donner une idée des fentiments, & des entretiens de ce monde corrompu ; fi ma fille eût hélité, je te le répéte: je devenois fon meurtrier, & ma mort fuivoit la fienne : mais je puis me reposer fur ta vertu. Apprends donc le plus grand des malheurs pour nous, pour l'état : le roi alloit époufer la princeffe de Haynaut, & tu lui as infpiré une paffion... tu pâlis!

Madame de Salisbury fe précipite aux genoux de Mylord, connaissez votre fille, tous les tourments qui l'accablent; lifez dans ce cœur qui

Varuccy

vole au-devant de vos coups; hélas ! c'est vous mon trer mon bienfaiteur, mon père, que de m'arracher la vie. Sçachez que je n'ignore point l'amour du roi, qu'il m'a écrit, qu'il m'a parlé, que mon ame...

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Tu aurois pour ton maître d'autres fentiments que ceux du refpe&t & de la reconnaislance? La tendreffe la plus vive, mon père, reprend la comteffe, en verfant un torrent de larmes. Que dis-tu, malheureufe? Oui, mon père, oui mylord, l'amour le plus violent me déchire; il eft né avec moi, cet amour qui fait mon fupplice!mon cœur avoit prévenu l'aveu de notre monarque... vous me regardez d'un œil d'indignation? fufpendez votre colère ; j'ai pû avoir une faibleffe: je l'ai étouffée dans mon fein ; je me fuis toujours montrée votre fille ; j'ai repouffé, j'ai rejetté les vœux du roi ; il n'a furpris aucun de mes fentiments. Voilà ce qui me faifoit embraffer la retraite voilà ce qui caufera ma mort... oui, Edouard eft mon matre: je le fens à l'empire qu'il a fur ma raifon même ; mon père, cette raison ne me foutient plus, elle m'abandonne; je fuis toute à la douleur: mais, encore une fois, foyez affuré que vous n'aurez point à rougir de m'avoir donné la vie, que jamais Edouard.... tous les ferments, mon père, vous

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pouvez les éxiger ; cet amour dont je fuis la proye, ne triomphera point. Que dis-je ? faut-il montrer au roi de la haine...Quelle expreffion vous échappe; 'Alix non, ce n'eft point par des fentiments de haine que vous devez combattre un penchant qu'il ne vous appartient pas de faire naitre, & d'entretenir : c'eft par une conduite noble, foutenue & modefte; que vous rappellerez le prince à fes devoirs, & que vous remplirez les vôtres ; je ne veux point entrer dans les détails de cette paffion qui ne peut qu'être infenfée & criminelle ; j'ai votre parole que vous ferez toujours digne de moi; je compte fur vous, comme fur moi-même ; c'eft tout vous dire ; adieu. Le roi va fçavoir ce qu'il doit attendre de nous deux.

La comtesse envoye chercher Maly, qui la trouve mourante, & noyée dans les pleurs : —-~- O ma feule amie ! viens recevoir mes derniers soupirs; mon père fçait tout, qu'Edouard m'aime, qu'il est aimé, que jamais je ne trahirai ma vertu... que je me meurs, Maly; eh! le moyen de réfister à ces afsauts! mon père eft allé chez le roi ; quels nouveaux malheurs résulteront de cette entrevûe!

Varuccy se présente devant Edouard qui fait re

vole au-devant de vos coups; hélas ! c'eft vous mon trer mon bienfaiteur, mon père, que de m'arracher la vie. Sçachez que je n'ignore point l'amour du roi, qu'il m'a écrit, qu'il m'a parlé, que mon ame...

Tu aurois pour ton maître d'autres fentiments que ceux du respect & de la reconnaissance ? La tendreffe la plus vive, mon père, reprend la comteffe, en verfant un torrent de larmes. -Que dis-tu, malheureufe? Oui, mon père, oui mylord, l'amour le plus violent me déchire; il eft né avec moi, cet amour qui fait mon fupplice!mon cœur avoit prévenu l'aveu de notre monarque ... vous me regardez d'un œil d'indignation? fufpendez votre colère ; j'ai pû avoir une faibleffe: je l'ai étouffée dans mon fein ; je me fuis toujours montrée votre fille ; j'ai repouffé, j'ai rejetté les vœux du roi ; il n'a furpris aucun de mes fentiments. Voilà ce qui me faifoit embrasser la retraite... voilà ce qui caufera ma mort... oui, Edouard eft mon matre: je le fens à l'empire qu'il a fur ma raifon même ; mon père, cette raison ne me foutient plus, elle m'abandonne; je fuis toute à la douleur: mais, encore une fois, foyez affuré que vous n'aurez point à rougir de m'avoir donné la vie, que jamais Edouard.... tous les ferments, mon père, vous

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