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le père,la fille,la fille même ... je ne me connais plus ... funeste paffion! quelle flamme tu allumas dans mon fein! elle va tout dévorer.

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Madame de Salisbury parait, & dans quelle fituation! quel fpectacle pour les regards d'un amant qui n'étoit plus maître de contenir fes transports! Ses beaux cheveux épars,& flottants fur un fein d'albâtre, des yeux enchanteurs couverts de larmes, qui leur prêtoient un nouveau pouvoir, tous les attraits, tout l'intérêt dont le défordre de la douleur anime la beauté : c'est fous cet afpect que la comteffe s'offre à la vûe du roi ; elle court fe jetter à fes pieds, & au milieu des fanglots: Sire... fire... dez-moi mon père ; j'embraffe vos genoux... j'y mourrai, fire. Edouard s'empreffe de la relever; il eft frappé de tant de charmes ; il ordonne à madame de Salisbury de s'affeoir : Pardonnez madame, au défespoir d'un amant que vous contraignez à fe fervir de l'autorité, lorsqu'il ne vouloit faire valoir auprès de vous, que les droits de la tendreffe la plus vive: mais votre infenfibilité, votre hauteur ne connaiffent aucun ménagement. Vous fçavez que vos premiers regards allumèrent dans mon ame un feu que j'ai moi-même combattu pendant la vie de votre époux. Je me fuis

foumis à ce qu'exigeoit un engagement qui causoit mon fupplice. Salisbury eft au tombeau ; vous n'avez plus à m'opposer cette foi tyrannique que reclame l'hyménée, & vous me refusez jusqu'au plaifir de vous voir, de lire dans vos yeux !.. vous ne me répondez que par des larmes ! !- Eh! fire, il ne me refte que des pleurs pour ma défense

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ils ne vous

touchent point ! Ils ne me touchent point ! eft-ce à vous, madame, à douter de l'empire que vous avez fur mon cœur ? ah! ces larmes y portent tous les tourments. Eh! que vous demandé je? que des sentiments de reconnaissance de pitié pour le plus ardent amour qui me dévore? Belle Salisbury, je ne fuis plus maître d'impofer des loix à cette paffion que Vous payez de trop d'ingratitude : Non, fire, non, je ne fuis point ingrate; fi mon ame vous étoit connue !.. fire, je retombe à vos pieds: mon père eft dans les fers... Ils vont être brifés; il reprend auprès de moi fa place, ma faveur, mon amitié; après Edouard, ce fera lui qui régira l'Angleterre ; je vous en donne ma parole; que voulezvous de plus ? mais que fa fille... Sire, n'achevez point; je fauve à votre gloire une explication qui

vole au-devant de vos coups; hélas ! c'eft vous mon trer mon bienfaiteur, mon père, que de m'arracher la vie. Sçachez que je n'ignore point l'amour du roi, qu'il m'a écrit, qu'il m'a parlé, que mon ame...

Tu aurois pour ton maître d'autres fentiments que ceux du respect & de la reconnaissance ? La ten'dreffe la plus vive, mon père, reprend la comteffe, en verfant un torrent de larmes. Que dis-tu, malheureufe? Oui, mon père, oui mylord, l'amour le plus violent me déchire; il eft né avec moi, cet amour qui fait mon fupplice!mon cœur avoit prévenu l'aveu de notre monarque ... vous me regardez d'un œil d'indignation? fufpendez votre colère ; j'ai pû avoir une faibleffe: je l'ai étouffée dans mon fein ; je me fuis toujours montrée votre fille ; j'ai repouffé, j'ai rejetté les vœux du roi ; il n'a furpris aucun de mes fentiments. Voilà ce qui me faifoit embraffer la retraite ... voilà ce qui caufera ma mort... oui; Edouard eft mon matre: je le fens à l'empire qu'il a fur ma raifon même ; mon père, cette raison ne me foutient plus, elle m'abandonne; je fuis toute à la douleur: mais, encore une fois, foyez affuré que vous n'aurez point à rougir de m'avoir donné la vie, que jamais Edouard.... tous les ferments, mon père, vous

pouvez les éxiger ; cet amour dont je fuis la proye, ne triomphera point. Que dis-je ? faut-il montrer au roi de la haine...- Quelle expreffion vous échappe; 'Alix ! non, ce n'eft point par des fentiments de haine que vous devez combattre un penchant qu'il ne vous appartient pas de faire naitre, & d'entretenir : c'eft par une conduite noble, foutenue & modefte; que vous rappellerez le prince à fes devoirs, & que vous remplirez les vôtres ; je ne veux point entrer dans les détails de cette paffion qui ne peut qu'être insensée & criminelle ; j'ai votre parole... que vous ferez toujours digne de moi ; je compte fur vous, comme fur moi-même ; c'est tout vous dire; adieu. Le roi va fçavoir ce qu'il doit attendre de nous deux.

La comteffe envoye chercher Maly, qui la trouve mourante, & noyée dans les pleurs : — O ma seule amie ! viens recevoir mes derniers foupirs; mon père fçait tout, qu'Edouard m'aime, qu'il est aimé, que jamais je ne trahirai ma vertu ... que je me meurs, Maly; eh! le moyen de résister à ces affauts! mon père eft allé chez le roi ; quels nouveaux malheurs réfulteront de cette entrevûe!

Varuccy se présente devant Edouard qui fait re

caché que dois-je espérer de votre complaisance.. de votre amitié pour moi ? votre fille... — Sire, viens d'avoir avec elle une converfation où elle m'a développé fon cœur.-Elle me hait? —— 'Alix rend avec plaifir à votre majefté tous les hommages qui lui font dûs; elle difpute même de foumiffion & de zèle avec tous vos fujets : mais ma fille, la comtefle de Salisbury, n'eft point faite pour être la rivale de la princeffe de Haynaut, & tout autre rang que celui de votre époufe... Je viens apporter à vos pieds, la tête d'un vieux ferviteur qui a fçu vous aider de fon courage, de fes confeils... & qui fçaura mourir... Qu'ai-je entendu? — La vérité, fire, la vérité qu'on s'obtine à vous cacher, & qui vous parle par ma bouche ... ah! prince, ah ! mon maître, vous éxigeriez... Que vous foyez puni, ingrat, d'avoir offenfé votre bienfaiteur... Non, fire, je ne vous ai point offenfé: mais je dois vous ouvrir les yeux fur l'excès de votre égarement, & j'aime affez votre gloire pour vous empêcher de la compromettre,en vous livrant à un amour... qui nous deshonoreroit tous deux, fire; je puis vous facrifier ma vie, mais mon honneur... Perfide, fans doute, c'eft vous qui encouragez votre fille dans ces mépris... -Sire, ma fille n'apprit

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