Imágenes de páginas
PDF
EPUB

cri horrible lui fait détourner la tête : elle voit fon époux défarmé, & Aftley,qui fe débattoient entre les mains d'une troupe de foldats. Les gens de l'efquif veulent l'arrêter, & la dérober au fort qui l'attend: on ne fçauroit la retenir; elle s'élance; elle court, veut défendre fon mari, & n'a que la force d'aller tomber fans connaissance à fes pieds, tandis qu'on le chargeoit de fers; il eft enfin conduit à Londres, replongé à la Tour; fon ami fubit la même deftinée, & l'on amène devant le roi la comtesse expirante.

Ces coups de foudre s'étoient fuccédés rapidement. Les preffentiments d'Aftley n'avoient été que trop fondés; on l'avoit foupçonné, & fuivi; plufieurs fatellites cachés derrière une petite éminence n'avoient paru que pour s'affurer de ces malheureux, au moment qu'ils envifageoient la fin de leurs infortunes.

Henri avoit médité plufieurs projets de vengeance. Varbeck, par les ordres, alloit recevoir la mort ; il se préparoit même à joindre à cette victime la comteffe de Huntley; l'amour outragé s'abandonne aux plus vifs ressentiments. L'épouse de son ennemi étoit en fa puiffance, fous les yeux : mais, fi les orages de la jaloufie s'élevent aisément, ils fe calment avec la même facilité. Les premières paroles qui échappent

à la comteffe, font Varbeck: pour

...

- Sufpendez vos coups foyez affez généreux pour épargner mon mari... c'eft moi qui lui ai donné le confeil de briser fes fers ; c'eft moi... qui ai tout fait ; j'attends la mort à vos pieds: mais, que Varbeck ne foit point enveloppé dans la punition que je mérite ! me refuferiezvous cette grace?.. mes malheurs vous touchoient.

Elle étoit profternée aux genoux de Henri ; fa beauté n'avoit jamais eu plus d'empire; ce prince la regarde le fouverain furieux n'eft plus qu'un amant défarmé; c'etoit la feconde fois qu'il éprouvoit la même révolution : vos malheurs me touchoient ! & c'est le faible nom d'intérêt que vous donneriez à mes fentiments?.. cruelle, ils l'emportent fur tout ce que je dois à vous, à moi-même ; ma générofité me laffe! tout ne vous a-t-il pas inftruite que l'amour le plus tendre... Sire, fi mon époux

alloit être immolé !.. commandez qu'on n'attente ... vous connaîtrez mon cœur .....

point à fa vie, & ...

[merged small][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small]

à la prifon qu'on n'exécute point l'ordre que j'ai donné. (S'adreffant à la comteffe) vous voyez,

vivra... Il vivra! ah! fire Il vivra! ah! fire... ma reconnaissance... fire, écoutez-moi, écoutez-moi : je parle à un mo→ narque digne du trône : que me demandez-vous ? je n'eus jamais de fenfibilité que pour l'homme le moins pardonnable peut-être à mon égard, mais le plus à plaindre, & je ne vois aujourd'hui que fes revers & fon amour ; je ne vois que ma tendreffe: car il ne faut point vous en imposer, elle est encore plus forte que mon devoir. J'en conviendrai : Varbeck m'a trompée : je croyois aimer un mortel de ma condition, le duc d'Yorck: mais Varbeck eft mon époux; & c'est cette fatale paffion dont je l'ai enflammé, qui l'a précipité dans tous ses égarements qui l'a fait fi coupable, fi malheureux ! eh! fire quand il ne me feroit point cher; quand je ne ferois pas conduite par tout l'amour qu'il a fçu m'infpirer, fon infortune ne fuffiroit-elle pas pour me le rendre un objet facré ? Je vous l'ai déjà dit : je ne fuis plus la comteffe de Huntley, je suis la femme de Varbeck. Sire, c'eft vous montrer ce que nous nous devons mutuellement ; je fuis la victime d'un engagement que le ciel lui même à revêtu de ce qu'il y a de plus folemnel; ce lien n'eft point rompu par un artifice dont l'amour le plus violent a été

la

[ocr errors]

la feule caufe. Mon eftime, mon admiration, la reconnaissance la plus vive, voilà les fentiments auxquels il m'eft permis de m'abandonner en votre faveur, & le tems ne fera que les augmenter. Confervez mon époux ; accordez-lui un pardon qui expose à l'univers votre clémence dans toute fa généro fité. Je vous le redis encore : c'eft moi qui l'ai engagé à s'affranchir de fes chaînes ... c'eft moi que vous devez punir. Eh! le puis-je, madame? fans doute je devrois vous oublier, vous immoler à ma juste colère, à l'intérêt de mon royaume, à celui de tous les fouverains. Quoi ! il faudra que Varbeck re pire,& qu'il foit aimé ! & vous penfez que sa présence...

[ocr errors]

Sire, qu'elle me foit ravie; que je ne le voie jamais; jamais ! quelle condition je m'impose! mais qu'il vive: vous me l'avez promis, & que j'expire dans l'obscurité, dans les larmes, enfevelie dans ma douleur profonde. Non, vous ne le verrez plus; vous avez abufé de ma faibleffe ; fes jours...

Sont

en fûreté j'en crois la promeffe d'un roi tel que Mais, madame, ces fentiments...

vous...

On vient annoncer l'arrivée d'un ambaffadeur qui demande audience à l'inftant même ; elle lui eft accordée ; il remet au monarque une lettre de fon

fouverain. Madame, dit Henri, en fe tournane vers la comteffe, le roi d'Ecoffe fenfible à votre for vous preffe de revenir à sa cour. — Que je retourne dans un pays qui m'a rejettée, qui a profcrit Varbeck? ah! que mon ingrate patrie n'efpère point me revoir ; qu'elle m'oublie comme je l'ai oubliée ! J'irai mourir dans un défert, où il me fera permis de pleurer un infortuné dont je chérirai toujours la mémoire. (S'adreffant à l'ambassadeur :) c'eft votre roi qui eft l'auteur de tous mes maux, qui me déchire le fein ! je ne fuis plus fa parente; je ne fuis plus Écofla plus malheureufe des femmes =

faise

je fuis

[ocr errors]

qu'on me laiffe à mes tourments!

La comteffe avoit à peine prononcé ces derniers mots: elle quitte Henri, noyée dans les larmes, & va retrouver la généreufe Sulton qui avoit revole auprès d'elle.

Le lord Daubeney fiattoit l'erreur de fon maître Henri croyoit qu'il viendroit à bout de triompher de la comteffe: elle feroit obligée d'oublier un mari qu'elle ne reverroit plus, & les rois font des amants auquels il eft difficile de réfifter.

Varbeck, renfermé dans fa prifon, accablé de chaînes pefantes, livré à toute l'horreur de la nou

« AnteriorContinuar »