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LE dénouement prefque honteux, d'ane intri gue conduite avec toutes les précautions & toute

Varbeck. On écrit Warbeck, ou Waerbeck; on a cru pou voir retrancher le double W pour la facilité de notre prononciation. Ce fujet emprunté de l'hiftoire, a déjà été traité par un M. la Paix de Lizancourt, ce qui cependant ne m'a point arrêté. Tout ce que je puis dire en ma faveur, c'eft que j'ai

T'habileté de la politique, le tems qui détruit la vivacité des paffions, l'ascendant fingulier que l'heu

cherché à devoir à mon prédéceffeur le moins qu'il m'a été poffible; nous n'avons de commun ensemble, que quelques fituations dont j'aurois voulu profiter mieux : il y a encore bien loin de fentir fortement, au talent de s'exprimer.

Je faifis ici l'occafion de me juftifier fur un prétendu reproche que l'on pourroit me faire. Je prens plaifir à indiquer les fources où je puife, & à profeffer la fincérité aux dépens de l'amour - propre : J'avouerai donc avec franchise que j'ignorois qu'il éxiftat parmi nous un roman qui a pour titre la Comteffe de Salisbury. On me croira fans peine, lorfqu'on sçaura que j'ai lu dans ma vie très-peu de romans. Les feuls qui m'ont paru mériter de l'attention, font Ciariffe, le chevalier Grandiffon, & quelques autres compofés dans ce goût; qu'eft ce qu'un roman dont la morale & le fentiment n'animent point le fonds, qui n'eft qu'un tiffu de menfonges invraifemblables & rebattus, ou bien un petit cadre étieci, dans lequel on nous offre jusqu'à la fatiété une image mefquine de nos mœurs fans caractère, ou d'aventures amoureufes fans chaleur, & dénuées de fituations; le roman vú fous ces traits, eft, fans contredit, la dernière production de la littérature.

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Le dénouement prefque honteux, &c. On avoit répandu un bruit fourd que Henri VII à qui la maison d'Yorck étoit odieufe, vouloit fe défaire du comte de Warwick, prifonnier à La Tour, & le feul mâle qui reftât de cette illuftre maison. Un

reux vainqueur de Richard III fembloit avoir ufur

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pé avec le fceptre Anglais fur une foule d'enne

prêtre d'Oxford, nommé Richard Simon, faifit la circonftance; il conçut le deffein de tirer de la boutique d'un boulanger un jeune homme qu'on appelloit Lambert Simnel, & d'en faire un prince, le comte de Warwick ; le hazard avoit en effet permis que ce Simnel fut à peu près de l'àge du comte, & qu'il eût même quelques-uns de fes traits. Simon instruifit au mieux fon pupile, qui sous le nom de Warwick, paffa en Irlande, entierement dévouée au parti d'Yorck; là, aidé dẹ son prêtre impofteur, il fema la nouvelle que le fils du duc de Clarence s'étoit échappé de sa prison. Le mensonge fut reçu avec avidité è on nous reprefente la ducheffe douairière de Bourgogne comme l'ame invifible de cette intrigue concertée avec beaucoup d'art, & une connaissance suivie des moindres particularités relatives à la maifon d'Yorck. Simnel fut proclamé roi, fous le nom d'Edouard VI; on plaça même sur sa tête une couronne enlevée à une ftatue de la Vierge; la troupe des mécontens qui groffiffoit à vue d'œil, lui forma une armée. Le comte de Line coln embraffa ouvertement les intérêts du faux comte de Wara wick; il fe déclara le chef des rébelles, & livra bataille au roi d'Angleterre, qui remporta la victoire; Lambert Simnel & fon prêtre demeurèrent prifonniers. Cette entreprise qui auroit pu avoir la fin fanglante de la tragédie, eut le dénouement rifible d'une farce comique : Simon,d'un garçon boulanger avoit fait un roi, & Henri à fon tour fit du roi un mariton; Simnel qui avoit

mis & de rivaux rien n'étoit capable de rebuter la haine infatigable de la ducheffe douairière de Bourgogne contre la maifon de Lancastre. Le

ofé afpirer au throne, fe trouva heureux de traîner sa vie dans l'obfcurité des cuifines de Henri, qui depuis l'éleva au grade de fon fauconnier. Ce prince qui fans doute connoiffoit toute la force des armes du ridicule, pour se venger des Irlandais, fit fervir, un jour, à la table leurs députés par ce même garçon de cuifine qu'ils avoient nommé roi.

De la ducheffe douairière de Bourgogne. Marguerite d'Yorck, fœur d'Edouard IV & de Richard III, veuve de Charles duc de Bourgogne, furnommé le Hardi ou le Téméraire, avoit fixé fon féjour en Flandres. N'ayant point eu d'enfant de fon mariage, elle porta toute fa tendreffe fur fa belle fille, l'époufe de Maximilien, archiduc d'Autriche. Cette princeffe mourut à la fleur de fon âge: la ducheffe conferva pour les enfants l'amitié qu'elle avoit eue pour la mère; elle voulut bien fe charger de leur éducation; fa conduite foutenue, fon affa bilité, fes talents pour l'adminiftration, lui acquirent parmi les Flamands une autorité bien au-deffus encore de la fuissance fouveraine, celle des efprits & des cœurs. Cette princesse con naiffoit l'énergie des paffions, furtout celle de la vengeance, & la fource en étoit peut-être respectable : elle adoroit fa famille, & ne voyoit, comme nous l'obfervons, qu'avec une extrême douleur,Henri VII accabler la reine fa femme de dédains humiliants; Elifabeth étoit nièce de la ducheffe ; tout ce qui tenoit aux Yorcks, lui étoit cher; on peut dire que fa vie n'a

Comte de Richemont affis au thrône des Yorcks étoit pour Marguerite un fantôme odieux qui la pour fuivoit par-tout, jusques dans les heures du fommeil; elle ne pouvoit entendre prononcer fon nom fans frémir de colère; le fombre défespoir que la fortune conftante de ce prince lui caufoit, l'eût plongée au tombeau : la foif d'une vengeance opiniâtre la retenoit à la vie. Ce qui furtout l'irritoit, c'étoit l'indifférence de Henri, pour ne pas dire fa froideur offenfante à l'égard de fa femme. Elifabeth cependant,' en qualité de fille ainée d'Edouard IV,par fon mariage avec le roi, fortifioit la faibleffe des droits de ce prince à la couronne d'Angleterre, & cette raison peut-être qu'il auroit eu de la peine à se diffimuler,étoit la source cachée des dégoûts qu'il faifoit éprouver à la reine. L'ingratitude feroit-elle un vice attaché à notre nature? voilà où nous conduit l'excès de l'amour propre! rarement aimons-nous l'auteur de notre élévation. A bien étudier le vrai caractère de l'homme

été qu'une espèce d'étude continuelle à chercher les moyens de venger cette maison infortunée ; jamais haine ne fut comparable à celle qui animoit Marguerite contre Henri: auffi l'appelloit on communément la Junon du roi d'Angleterre.

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