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mis & de rivaux rien n'étoit capable de rebuter la haine infatigable de la ducheffe douairière de Bourgogne contre la maifon de Lancastre. Le

ofé afpirer au throne, fe trouva heureux de traîner fa vie dans l'obscurité des cuifines de Henri, qui depuis l'éleva au grade de fon fauconnier. Ce prince qui fans doute connoiffoit toute la force des armes du ridicule, pour fe venger des Irlandais, fit fervir, un jour, à fa table leurs députés par ce même garçon de cuifine qu'ils avoient nommé roi.

De la ducheffe douairière de Bourgogne. Marguerite d'Yorck, fœur d'Edouard IV & de Richard III, veuve de Charles due de Bourgogne, furnommé le Hardi ou le Téméraire, avoit fixé fon féjour en Flandres. N'ayant point eu d'enfant de fon mariage, elle porta toute fa tendreffe fur fa belle fille, l'époufe de Maximilien, archiduc d'Autriche. Cette princeffe mourut à la fleur de fon âge: la ducheffe conferva pour les enfants l'amitié qu'elle avoit eue pour la mère; elle voulut bien fe charger de leur éducation; fa conduite foutenue, fon affa bilité, fes talents pour l'administration, lui acquirent parmi les Flamands une autorité bien au-deffus encore de la puissance fouveraine, celle des efprits & des cœurs. Cette princesse con naiffoit l'énergie des paffions, furtout celle de la vengeance, & la fource en étoit peut-être refpectable : elle adoroit fa famille, & ne voyoit, comme nous l'obfervons, qu'avec une extrême douleur,Henri VII accabler la reine fa femme de dé dains humiliants; Elifabeth étoit nièce de la ducheffe ; tout ce qui tenoit aux Yorcks, lui étoit cher; on peut dire que fa vie n'a

Comte de Richemont affis au thrône des Yorcks étoit pour Marguerite un fantôme odieux qui la pour→ fuivoit par-tout, jufques dans les heures du fommeil; elle ne pouvoit entendre prononcer fon nom fans frémir de colère; le fombre désespoir que la fortune conftante de ce prince lui causoit, l'eût plongée au tombeau : la foif d'une vengeance opiniâtre la retenoit à la vie. Ce qui furtout l'irritoit, c'étoit l'indifférence de Henri, pour ne pas dire sa froideur offenfante à l'égard de fa femme. Elifabeth cependant, en qualité de fille ainée d'Edouard IV,par fon mariage avec le roi, fortifioit la faiblesse des droits de ce prince à la couronne d'Angleterre, & cette raison peut-être qu'il auroit eu de la peine à fe diffimuler,étoit la source cachée des dégoûts qu'il faifoit éprouver à la reine. L'ingratitude feroit-elle un vice attaché à notre nature? voilà où nous conduit l'excès de l'amour propre ! rarement aimons-nous l'auteur de notre élévation. A bien étudier le vrai caractère de l'homme.

moyens

de

été qu'une espèce d'étude continuelle à chercher les venger cette maison infortunée ; jamais haine ne fut comparable à celle qui animoit Marguerite contre Henri: auffi l'appelloit on communément la Junon du roi d'Angleterre.

le bienfait l'humilie prefque toujours, & tout ce qu'i peut faire de plus, eft de le pardonner.

Marguerite étoit donc résolue à renouer de nou velles intrigues pour entraîner la perte d'un fouverain qu'elle haissoit mortellement. Fryon, attaché d'abord à Henri VII en qualité de fécrétaire, & devenu depuis par la trahifon, en cette même qualité, le zele confident de la ducheffe, nourriffoit cet efprit de complots & d'animofité qui l'enflammoit. C'est communément en produifant le mal, que les inférieurs fe rendent néceffaires aux grands, & il y a bien plus d'avantage pour les premiers à careffer les paffions de ceux-ci, qu'à tenter de les vaincre. Le vice eft dans le cœur humain ; peu d'efforts l'y éveillent, & lui prêtent des forces: au lieu que la vertu eft souvent hors de nous, & il faut des fecouffes violentes pour la faire entrer dans notre ame, & l'y affermit. Fryon fe livroit tout entier aux transports de vengeance qui agitoient fa maitreffe. Je ne fuis pas vaincue, lui difoit-elle, par la malheureuse aventure de ce miférable inftrument de mes projets ; Fryon, il faut fufciter à Henri de nouveaux comtes de Warwick, de nou

De nouveaux comtes de Warwick, &c. Ce Simnel dont nous venons de parler, s'étoit d'abord annoncé pour Richard duc d'Yorck; ce fut enfuite à l'instigation de Simon, qu'il joua le

veaux ducs d'Yorck; l'ufurpateur est détesté de la noblesse; le peuple court avidemment aux nouveautés, tu le fçais ; ne craignons point de prodiguer le menfon ge, il trouvera des fectateurs,des martyrs ; je ne rougis pas d'employer ces moyens, puifque la force ouverte ne m'eft point permife Quand il s'agit de perdre

rôle de comte de Warwick. Henri retenoit prifonnier dans la Tour ce malheureux fils du duc de Clarence: il le fit fortir durant ces moments de trouble, & promener dans les rues de Londres, pour le rendre bientôt après à fon trifte féjour. La fin des malheurs de Warwick fut d'aller périr fur l'échaffaut. Et qui fe fouilla d'un crime fi abominable? un prince que des courtifans & des historiens auffi vils & auffi méprifables qu'eux, ont furnommé le Salomon de l'Angleterre. Ce Salomon étoit dur, inéxorable, dévoré de la faim honteufe des richeffes; on peut dire fans antithèse, qu'il eût fait couler des fleuves de fang, s'il n'eut mieux aimé amonceler des fleuves d'or dans fes coffres, en impofant des contributions éxorbitantes à une infinité de victimes que fon avarice rachetoit, en quelque forte, de sa cruauté: on trouva à sa mort dans la cave d'un de fes châteaux, la fomme de dix-huit cent mille livres fterling, fomme prodigieufe pour ces tems. Qu'après de pareils exemples, on croie aux éloges, à ces titres proftitués fans pudeur par la flatterie & l'imbécillité populaire. Les douze Céfars, dont la plupart ont été des monftres fous la figure humaine, furent appellés les pères de la patrie, & honorés de fuperbes ftatues; il eft vrai qu'après leur mort ce même fénat, qui pendant leur vie avoit rampé à leurs genoux, rayoit tous ces traits d'une baffe adulation, & brifoit les ftatues & les images. O Henri IV, bon roi des Français, tu ne crains pas qu'on enlève à ta mémoire le nom du

l'habileté de la politique, le tems qui détruit la vivacité des paffions, l'afcendant fingulier que l'heu

cherché à devoir à mon prédéceffeur le moins qu'il m'a été poffible; nous n'avons de commun ensemble, que quelques fituations dont j'aurois voulu profiter mieux : il y a encore bien loin de fentir fortement, au talent de s'exprimer.

Je faifis ici l'occafion de me juftifier fur un prétendu reproche que l'on pourroit me faire. Je prens plaifir à indiquer les fources où je puife, & à profeffer la fincérité aux dépens de l'amour propre : J'avouerai donc avec franchise que j'ignorois qu'il éxiftat parmi nous un roman qui a pour titre la Comteffe de Salisbury. On me croira fans peine, lorfqu'on fçaura que j'ai lu dans ma vie très-peu de romans. Les feuls qui m'ont paru mériter de l'attention font Ciariffe, le chevalier Grandiffon, & quelques autres compofés dans ce goût; qu'eft ce qu'un roman dont la morale & le fentiment n'animent point le fonds qui n'eft qu'un tilfu de menfonges invraifemblables & rebattus, ou bien un petit cadre métieci, dans lequel on nous offre jusqu'à la fatiété une image mefquine de nos mœurs fans caractère, ou d'aventures amoureufes fans chaleur, & dénuées de fituations; le roman vû fous ces traits, eft, fans contredit, la dernière production de la littérature.

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Le dénouement prefque honteux, &c. On avoit répandu un bruit fourd que Henri VII à qui la maison d'Yorck étoit odieufe, vouloit fe défaire du comte de Warwick, prifonnier à La Tour, & le feul mâle qui reftât de cette illuftre maifon. Un

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