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réux vainqueur de Richard III fembloit avoir ufur pé avec le fceptre Anglais fur une foule d'enne

prêtre d'Oxford, nommé Richard Simon, faifit la circonftance; il conçut le deffein de tirer de la boutique d'un boulanger un jeune homme qu'on appelloit Lambert Simnel, & d'en faire un prince, le comte de Warwick ; le hazard avoit en effet permis que ce Simnel fut à peu près de l'âge du comte, & qu'il eût même quelques-uns de fes traits. Simon inftruifit au mieux fon pupile, qui fous le nom de Warwick, paffa en Irlande, entierement dévouée au parti d'Yorck; là, aidé dẹ son prêtre impofteur, il fema la nouvelle que le fils du duc de Clarence s'étoit échappé de fa prifon. Le menfonge fut reçu avec avidité on nous represente la ducheffe douairière de Bourgogne comme l'ame invisible de cette intrigue concertée avec beaucoup d'art, & une connaissance fuivie des moindres particularités relatives à la maifon d'Yorck. Simnel fut proclamé roi, fous le nom d'Edouard VI; on plaça même sur sa tête une couronne enlevée à une ftatue de la Vierge ; la troupe des mécontens qui groffiffoit à vue d'œil, lui forma une armée. Le comte de Lin coln embraffa ouvertement les intérêts du faux comte de War wick; il fe déclara le chef des rébelles, & livra bataille au roi d'Angleterre, qui remporta la victoire; Lambert Simnel & fon prêtre demeurèrent prifonniers. Cette entreprife qui auroit pu avoir la fin fanglante de la tragédie, eut le dénouement rifible d'une farce comique : Simon,d'un garçon boulanger avoit fait un roi, & Henri à fon tour fit du roi un mariton; Simnel qui avoit

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mis & de rivaux : rien n'étoit capable de rebuter la haine infatigable de la ducheffe douairière de Bourgogne contre la maifon de Lancastre. Le

ofé afpirer au throne, fe trouva heureux de traîner fa vie dans l'obscurité des cuifines de Henri, qui depuis l'éleva au grade de fon fauconnier. Ce prince qui fans doute connoiffoit toute la force des armes du ridicule, pour se venger des Irlandais, fit fervir, un jour, à fa table leurs députés par ce même garçon de cuifine qu'ils avoient nommé roi.

De la ducheffe douairière de Bourgogne. Marguerite d'Yorck, fœur d'Edouard IV & de Richard III, veuve de Charles duc de Bourgogne, furnommé le Hardi ou le Téméraire, avoit fixé fon féjour en Flandres. N'ayant point eu d'enfant de fon mariage, elle porta toute fa tendreffe fur fa belle fille, l'époufe de Maximilien, archiduc d'Autriche. Cette princeffe mourut à la fleur de fon âge: la ducheffe conferva pour les enfants l'amitié qu'elle avoit eue pour la mère; elle voulut bien fe charger de leur éducation; fa conduite foutenue, fon affabilité, fes talents pour l'adminiftration, lui acquirent parmi les Flamands une autorité bien au-deffus encore de la fuiffance fouveraine, celle des efprits & des cœurs. Cette princesse con naiffoit l'énergie des paffions, furtout celle de la vengeance, & la fource en étoit peut-être respectable: elle adoroit sa famille, & ne voyoit, comme nous l'obfervons, qu'avec une extrême douleur,Henri VII accabler la reine fa femme de dé dains humiliants; Elifabeth étoit nièce de la ducheffe ; tout ce qui tenoit aux Yorcks, lui étoit cher; on peut dire que fa vie n'a

Comte de Richemont affis au thrône des Yorcks étoit pour Marguerite un fantôme odieux qui la pour→ suivoit par-tout, jufques dans les heures du fommeil; elle ne pouvoit entendre prononcer fon nom fans frémir de colère; le fombre désespoir que la fortune conftante de ce prince lui caufoit, l'eût plongée au tombeau : la foif d'une vengeance opiniâtre la retenoit à la vie. Ce qui furtout l'irritoit, c'étoit l'indifférence de Henri, pour ne pas dire sa froideur offenfante à l'égard de fa femme. Elifabeth cependant, en qualité de fille ainée d'Edouard IV,par fon mariage avec le roi, fortifioit la faiblesse des droits de ce prince à la couronne d'Angleterre, & cette raison peut-être qu'il auroit eu de la peine à se dissimuler,étoit la source cachée des dégoûts qu'il faifoit éprouver à la reine. L'ingratitude feroit-elle un vice attaché à notre nature ? voilà où nous conduit l'excès de l'amour propre! rarement aimons-nous l'auteur de notre élévation. A bien étudier le vrai caractère de l'homme

été qu'une espèce d'étude continuelle à chercher les moyens de venger cette maison infortunée ; jamais haine ne fut comparable à celle qui animoit Marguerite contre Henri: auffi l'appel loit on communément la Junon du roi d'Angleterre.

le bienfait l'humilie prefque toujours, & tout ce qu'i peut faire de plus, eft de le pardonner.

Marguerite étoit donc réfolue à renouer de nou velles intrigues pour entraîner la perte d'un fouverain qu'elle haissoit mortellement. Fryon, attaché d'abord à Henri VII en qualité de fécrétaire, & devenu depuis par la trahison, en cette même qualité, le zelé confident de la duchefse, nourriffoit cet efprit de complots & d'animofité qui l'enflammoit. C'est communément en produifant le mal, que les inférieurs fe rendent néceffaires aux grands, & il y a bien plus d'avantage pour les premiers à careffer les paffions de ceux-ci, qu'à tenter de les vaincre. Le vice eft dans le cœur humain ; peu d'efforts l'y éveillent, & lui prêtent des forces: au lieu que la vertu eft souvent hors de nous, & il faut des fecouffes violentes pour la faire entrer dans notre ame, & l'y affermit. Fryon fe li vroit tout entier aux transports de vengeance qui agitoient fa maitreffe. Je ne fuis pas vaincue, lui difoit-elle, par la malheureuse aventure de ce miférable inftrument de mes projets ; Fryon, il faut fufciter à Henri de nouveaux comtes de Warwick, de nou

De nouveaux comtes de Warwick, &c. Ce Simnel dont nous venons de parler, s'étoit d'abord annoncé pour Richard duc d'Yorck; ce fut enfuite à l'inftigation de Simon, qu'il joua le

veaux ducs d'Yorck; l'ufurpateur eft détesté de la noblesse; le peuple court avideminent aux nouveautés, tu le fçais ; ne craignons point de prodiguer le menfon ge, il trouvera des fectateurs,des martyrs ; je ne rougis pas d'employer ces moyens, puifque la force ouverte ne m'eft point permife Quand il s'agit de perdre

rôle de comte de Warwick. Henri retenoit prifonnier dans la Tour ce malheureux fils du duc de Clarence: il le fit fortir durant ces moments de trouble, & promener dans les rues de Londres, pour le rendre bientôt après à fon trifte féjour. La fin des malheurs de Warwick fut d'aller périr sur l'échaffaut. Et qui fe fouilla d'un crime fi abominable? un prince que des courtifans & des hiftoriens auffi vils & auffi méprifables qu'eux, ont furnommé le Salomon de l'Angleterre. Ce Salomon étoit dur, inéxorable, dévoré de la faim honteufe des richeffes; on peut dire fans antithefe, qu'il eût fait couler des fleuves de fang, s'il n'eut mieux aimé amonceler des fleuves d'or dans fes coffres, en impofant des contributions éxorbitantes à une infinité de victimes que fon avarice rachetoit, en quelque forte, de fa cruauté : : on trouva à fa mort dans la cave d'un de fes châteaux, la fomme de dix-huit cent mille livres fterling, fomme prodigieufe pour ces tems. Qu'après de pareils exemples, on croie aux éloges, à ces titres proftitués fans pudeur par la flatterie & l'imbécillité populaire. Les douze Céfars, dont la plûpart ont été des monftres fous la figure humaine, furent appellés les pères de la patrie, & honorés de fuperbes ftatues ; il eft vrai qu'après leur mort ce même fénat, qui pendant leur vie avoit rampé à leurs genoux, rayoit tous ces traits d'une baffe adulation, & brifoit les ftatues & les images. O Henri IV, bon roi des Français, tu ne crains pas qu'on enlève à ta mémoire le nom du

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