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fon ennemi, tout devient légitime à ceux qui, comme moi, ne connaiffent pas de plus doux plaifir que celui de la vengeance ; que j'expire de mille morts, pourvû que mes derniers regards foient témoins de la chûte de Henri ! Je me flattois qu'en épousant ma nièce, if n'oublieroit point qu'il doit le feeau de fa grandeur à cet hyménée, & il voudroit anéantir jusqu'au dernier rejetton de la maison d'Yorck ! il continue de retenir dans les fers l'infortuné comte de Warwick ! Puniffons cet aventurier de fon infolente profpérité ; les Lancastres mêmes le défavouent. Comment! je ne parviendrai point à troubler le cours de fes fuccès! n'eft-il plus de fantômes que je puiffe armer contre

Puniffons cet aventurier, &c. Ce qu'il y a de fingulier, remar quent plufieurs écrivains, c'est que Henri VII n'étoit peut-être pas gentilhomme; il rapportoit fon origine par les femmes à la maifon de Sommerfet, qui defcendoit, à la vérité, des Lancaf tres, mais par une branche bâtarde. Le grand père de ce monarque étoit un Edmond, comte de Richemont, fils d'un Owen Tudor, homme d'une extraction inconnue, dont les agréments firent la nobleffe & tous les titres. A la faveur d'une très-belle figure, & l'une taille avantageufe, il infpira de l'amour à Cathe rine, veuve de Henri V, qui oubliant le rang de fon premier mari, facrifia tout à fon goût, & fut l'époufe d'un amant obscur. Il y a des hiftoriens qui prétendent qu'après la mort de cette princeffe, Owen puni de fa témérité d'avoir contracté un mariage fi difproportionné, fut mis à la Tour, & même qu'on lui coupa la tête.

Tudor ? fe font-ils tous évanouis avec ce lâche Simnel? Je m'en remets à ton zèle impatient de me servir; ne nous rebutons point; cherche, trouvemoi encore quelque jeune audacieux que j'enyvre de mes fureurs ; la fortune peut-être nous fera plus favo rable, & dans le nombre des traits que je lancerai, il y en aura qui atteindront mon ennemi.

Fryon promit tout à Marguerite : il fit en effet des perquifitions pour découvrir quelque acteur intelligent, capable de jouer le personnage qu'ils méditoient.Le hazard s'obftinoit à trahir le fécrétaire dans ses moindres espérances ; il commençoit à regarder comme impoffible l'exécution d'un plan qui jufqu'ici l'avoit trompé, lorfqu'une de fes créatures lui remêt cette lettre adressée à son frère cadet; ce dernier étoit abfent quand elle tomba dans les mains de l'aîné; le jeu bizarre des évenements voulut que celui-ci l'ouvrit,& faifissant avec transport l'occasion d'être utile à Fryon qui lui avoit accordé fa confiance,il s'empreffa de lui porter cette lettre, en difant qu'il croyoit être parvenu à lui rendre un service fignalé; Fryon se hâte de fatisfaire fa curiofité; l'écrit étoit conçu en ces termes :

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Non, mon cher Aftley, non, vous ne vous

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ner des preuves qui ne vous laifferont aucun doute fur mes fentiments; fongez que je m'ouvre à vous > fans réserve, que ces épanchements ne font que pour » mon ami feul; je prétends que pour tout autre ma » vie foit un myftère impénétrable. J'ai de l'ambi» tion, de l'amour ; que fçait-on ? ces deux paffions » portées dans mon cœur au dégré de flamme où je » puis les élever, me conduiront peut-être à des » destinées qu'une ame moins forte que la mienne redouteroit d'envisager.

» Mon vrai nom est Ofbeck ou Varbeck; mon » père avoit amaffé une fortune confidérable dans

le commerce; il demeuroit à Tournai; il quitta le judaïsme pour embraffer la religion chrétienne. Il » vint s'établir à Londres fous le règne d'Edouard IV:

ce monarque fut, dit-on, sensible à la beauté de » ma mère qui me donna la naiffance environ deux ans après notre arrivée en Angleterre. Tous ceux qui ont approché le roi, me trouvent avec ce monarque une reffemblance frappante; des bruits > mêmes ont couru que ma mère avoit payé de quel que complaifance les éloges continuels qu'Edouard faifoit de fes charmes. Tout ce dont je fuis bien affuré, mon cher Aftley, c'eft que l'idée d'être le fils d'un roi aggrandit mon ame,& l'enorgueillit au point

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pas

qu'il y a des moments où je regrette de n'avoir > un fceptre dans les mains. Je crois fentir que la cou>> ronne ne chargeroit point mon front; cette image, » que j'aime à me former, me remplit de cette fu

blime audace qui élève l'homme au-deffus de lui» même, & devient la fource des grandes actions. » Mon ami, laiffe-moi rêver que ma place feroit » un trône ; je t'y ferois affeoir à mes côtés ; il y a » tant de chimères qui nous dégradent ! celle-là du > moins ennoblit l'imagination. Un fait certain, c'est • que je fuis le filleul d'Edouard IV, & qu'il me

combloit de fes careffes; il me donna le nom de » Peter; dans la fuite, on y ajoûta le furnom de King. Ce prince defcendu au tombeau, ma famille » revint dans les Pays-Bas, Notre séjour à la cour » m'avoit éloigné de la profeffion de mon père : il » ne me fut pas poffible de me rabaisser aux détails » du négoce qui me paraiffoient petits & même avi

Il me donna le nom de Peter,&c. De ce nom,fe forma le diminutif de Peterkin ou Perkin. Tout ce qu'on fait dire ici à ce jeune homme eft conforme à l'hiftoire : il fçavoit parfaitement plufieurs langues, entre autres l'Anglais qu'il parloit auffi bien que le Flamand; la nature lui avoit donné une ame grande toutes les graces, & ces heureufes difpofitions,les vrais titres peut

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liffants: je me livrai aux exercices de la nobleffe, » à l'étude ; j'appris plufieurs langues que je possède - parfaitement. Un defir inquiet, qui, malgré moi » me domine, & qui eft devenu pour mon ame un » befoin impérieux, me promena de pays en pays; je m'arrêtai en Écoffe : c'étoit là que m'attendoit » une passion plus violente encore que cette ambi➡tion,le feul tourment que jufqu'alors j'euffe éprouvé: » je connus tous les charmes ou plutôt toutes les fureurs de l'amour. Tu vas me traiter d'extravagant, quand tu fçauras quel eft l'objet de ces tranfports qu'il m'eft impoffible de maitrifer. Affuré»ment jugé par la raison,j'ai tous les torts; non, mon > erreur n'eft point excufable: mais, c'est au cœur que j'en appelle le fentiment eft-il foumis à des loix? a-t-il pour lui des bienséances, des rangs, des dignités? Sçache donc, Aftley, que je fuis l'a» dorateur fecret de la beauté même ; eh! que c'est » une faible image pour te représenter la jeune comteffe de Huntley! que de charmes réunis ! » eft-ce bien une mortelle ? tu me diras qu'elle eft de la plus haute naiffance, parente même du fouverain de l'Écoffe; encore une fois mon

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Parente même du fouverain d'Ecoffe. Tous les mémoires da temps s'accordent pour nous repréfenter la comteffe de Hunte

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