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Varbeck, dans l'yvreffe de la joie, court chez fes deux amis; il leur apprend avec tranfport la réception que lui a faite Marguerite; il ouvre fon ame aux illufions les plus éblouiffantes; il marche à pas de géant; il vole dans une nouvelle fphère; l'objet de cet amour qui l'enflammoit, tenoit la première place dans ces fonges ambitieux où il aimoit à s'égarer.

Ce jeune homme joignoit quelques éléments du deffin à fes autres connaiffances: il s'empreffe de crayonner le portrait de la comteffe de Huntley; if lui adreffe les expreffions les plus vives, les plus paffionnées; il le dépose cent fois dans fon sein, pour l'en retirer cent fois,& le couvrir de baifers; il l'invoque comme le génie tutélaire qui va préfider à fon fort. Varbeck n'eft plus dans la claffe des humains : c'est un être d'une nouvelle espèce que l'ambition & l'amour ont créé. Jamais les demi-dieux de la fable, ni les héros de notre chevalerie n'ont montré une ame fi préparée au merveilleux.

La ducheffe revoit Fryon: Il faut achever notre ouvrage. Que Varbeck difparaiffe de la fociété ; qu'il foit tranfporté dans une maison folitaire fituée à quelques lieues de la ville; là, il ne verra que toi, fes deux amis, & quelques domeftiques qui

feront dans le fecret; tu ne le tireras de cet azyle que pour le conduire ici, lorfque je l'ordonnerai. Pénétrons bien ton pupile de l'efprit du rôle que nous voulons lui faire jouer. Quelle image consolante pour moi! Richemont, je vengerai ma nièce ; je t'arracherai la couronne: tu connaitras ce que c'est qu'une femme outragée. Le fang des Yorcks bouillonne dans mes veines. Que je fois précipitée au tombeau & que je goûte le plaifir de t'y entraîner avec moi ! Le fécrétaire ne tarda point à exécuter les ordres de fa fouveraine ; il mit dans fa confidence les deux Aftleys, & leur renouvella les promeffes les plus capables de leur en imposer ; il éxigea leur parole qu'ils ne déclareroient point à Varbeck le personnage auquel on le deftinoit, jufqu'au moment prefcrit où le projet devoit éclater.

Varbeck quitta donc la ville pour aller habiter une maifon de campagne, éloignée de toute communication. Fryon lui fit entendre que cette retraite étoit nécessaire pour l'exécution d'une entreprise qu'il fçauroit dans le tems; il n'étoit fervi que par deux domeftiques, & ne voyoit que les Aftleys, & Fryon qu'on peut appeller fon instituteur, & dont il étoit le docile élève. Jamais comédien n'avoit été mieux

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Varbeck, dans l'yvreffe de la joie, court chez ses deux amis; il leur apprend avec transport la réception que lui a faite Marguerite ; il ouvre fon ame aux illufions les plus éblouiffantes ; il marche à de géant ; il vole dans une nouvelle fphère ; l'objet de cet amour qui l'enflammoit, tenoit la première place dans ces fonges ambitieux où il aimoit à s'égarer.

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Ce jeune homme joignoit quelques éléments du deffin à fes autres connaiffances: il s'empreffe de crayonner le portrait de la comteffe de Huntley; it lui adreffe les expreffions les plus vives, les plus paffionnées; il le dépofe cent fois dans fon fein, pour l'en retirer cent fois,& le couvrir de baifers; il l'invoque comme le génie tutélaire qui va préfider à fon fort. Varbeck n'eft plus dans la claffe des humains: c'eft un être d'une nouvelle espèce que l'ambition & l'amour ont créé. Jamais les demi-dieux de la fable, ni les héros de notre chevalerie n'ont montré une ame fi préparée au merveilleux.

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La ducheffe revoit Fryon: Il faut achever notre ouvrage. Que Varbeck difparaiffe de la fociété; qu'il foit tranfporté dans une maison solitaire fituée à quelques lieues de la ville; là, il ne verra que toi, fes deux amis, & quelques domestiques qui

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feront dans le fecret; tu ne le tireras de cet azyle que pour le conduire ici, lorsque je l'ordonnerai. Pénétrons bien ton pupile de l'efprit du rôle que nous voulons lui faire jouer. Quelle image confolante pour moi! Richemont, je vengerai ma nièce ; je t'arracherai la couronne: tu connaitras ce que c'est qu'une femme outragée. Le fang des Yorcks bouillonne dans mes veines. Que je fois précipitée au tombeau & que je goûte le plaifir de t'y entraîner avec moi !

Le fécrétaire ne tarda point à exécuter les ordres de fa fouveraine ; il mit dans fa confidence les deux Aftleys, & leur renouvella les promeffes les plus capables de leur en imposer; il éxigea leur parole qu'ils ne déclareroient point à Varbeck le personnage auquel on le deftinoit, jufqu'au moment prefcrit où le projet devoit éclater.

Varbeck quitta donc la ville pour aller habiter une maifon de campagne, éloignée de toute communication. Fryon lui fit entendre que cette retraite étoit nécessaire pour l'exécution d'une entreprise qu'il fçauroit dans le tems; il n'étoit fervi que par deux domeftiques, & ne voyoit que les Aftleys, & Fryon qu'on peut appeller fon instituteur, & dont il étoit le docile élève. Jamais comédien n'avoit été mieux

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on lui remettoit fans ceffe devant les yeux Eard IV, la reine fa femme, fa famille ; on moit vivement les moindres circonftances qui regardoient le duc d'Yorck, ce qu'on fuppofoit s'être pale dans l'afyle de Weftminfter, la façon dont il en fut arraché par les artifices du cruel Richard; on s'arrétoit furtout à l'heureux évenement qui avoit fouftrait le duc aux bourreaux prêts à le maffacrer; on prenoit foin que l'écolier répétât ces récits avec cette naivété ingénue qui prête tant de force à la vérité, répand fur les plus faibles expreffions un intérêt, un charme dont ceux qui les entendent, ont de la peine à le défendre.

Lorique Varbeck eut reçu ces premières leçons, Marguerite impatiente de voir fon projet s'exécuter, voulut elle-même mettre le fceau à fon ouvrage. Le

jeune

homme, fans témoins, guidé par le feul Fryon,

parut plufieurs fois devant elle. Un mot de cette femme li Içavante dans l'art des complots, étoit un coup de lumière pour Varbeck; elle lui enfeignoit à prendre le ton & les manières d'un perfonnage du plus haut rang, lui recommandoit de joindre l'affabilité à Ja noblelle de l'extérieur, de jetter un certain air de majefté fur la peinture des infortunes qu'il auroit

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