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prince étoit échappé à la main des bourreaux par la compaffion qu'il leur avoit infpirée ; on difoit qu'il les avoit engagés à le fouftraire à la barbarie de Richard, qu'ils avoient fui de la Tour avec le duc, & qu'enfin il fortoit de la retraite où il étoit refté trop longtems. enfeveli. L'amour des nouveautés & des factions plus ardent peut-être en Angleterre qu'en tout autre pays adoptoit ces rumeurs; un mécontentement marqué indifpofoit les grands contre leur monarque; il les avoit abbaiffés en foulageant le joug fous lequel le peuple avoit gémi jufqu'alors. D'ailleurs les espèces de contributions qu'il levoit fur les gens riches excitoient un murmure général :

Il les avoit abbaiffés, &c. On ne fçait trop fi le projet de Henri, en diminuant l'autorité féodale, & délivrant les vaffaux des vexations de leurs feigneurs, fut de faire remplacer la fervitude par l'opulence : il y a lieu de croire qu'il n'étoit conduit que par fon intérêt perfonnel. Mais ce qu'on peut affurer, c'est que l'Angleterre lui doit les premiers fondements de fa grandeur; le peuple fe releva de la pouffière où il paraiffoit être condamné à refter enfeveli, & fut plus heureux en raifon de l'abbaiffement des grands; le commerce naquit de l'induftrie favorisée; l'agriculture furtout fut protégée par ce fouverain qui la regardoit comme la force de la monarchie anglaife.

tout defiroit, tout appelloit un rejetton des Plantagenets.

Malgré la prévention favorable qui fembloit annoncer cette forté de réfurrection, Varbeck ne se faifoit point connaître en Portugal: il se contentoit d'irriter la curiofité; le peuple amoureux de l'extraordinaire aime à tirer de la claffe commune des hommes quiconque paraît enveloppé d'un voile mystérieux; c'est une des erreurs de l'efprit humain : il fe plaît à jetter de l'ennobliffement fur les illufions. Il faut fe refsouvenir auffi que la nature sembloit être d'intelligence avec ce jeune impofteur pour lui concilier la faveur publique, & qu'il réuniffoit tous les talents néceffaires au fuccès d'une révolution.

Fryon avoit foin d'écrire à sa souveraine les progrès que faifoit son élève. Les premiers de Lisbonne s'emprefsèrent d'accueillir Varbeck qui poffédoit l'art d'entretenir une incertitude plus favorable peut-être que nuifible à fa vanité: mais au milieu de cet éclat qui commençoit à le diftinguer, il n'oublioit point que Marguerite lui avoit promis d'appuyer fa tendreffe pour la comteffe de Huntley; il le rappelloit fans ceffe à Fryon, qui fe fervoit de cet amour comme d'un aliment de l'incendie qu'il devoit allu,

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mer. C'étoit furtout dans le fein de fon cher Aft

ley que Varbeck répandoit les divers transports.
qui l'agitoient. Ces épanchements fi doux multiplient
les plaifirs de l'ame, & elle a besoin de les partager
avec l'amitié. Aftley, difoit Varbeck, parle - moi
de l'objet enchanteur que j'idolâtre. Connais-tu bien
l'excès de mon bonheur? épouser tout ce que j'aime...
Mais, mon ami, ne puis-je être heureux que par une
groffière impofture? quand je m'attache à cette image,
c'eft alors que je m'indigne contre le fort. Que ne
m'eft-il permis de m'élever par moi-même au rang
du premier monarque de l'univers, de me montrer,
fans
en un mot, tel que je fuis, Varbeck,
ayeux, fans
extraction, mais le plus grand des hommes, devant
tout à la noble ambition, à l'amour, à l'amour ! j'aime
à croire, que fi la fortune m'eût fait naître fur un
trône, j'aurois été le bienfaiteur du monde entier.
Quelle eft la félicité d'un roi ? il a le pouvoir de
faire le bien, de fécher les larmes du malheureux, de
tendre la main à l'innocence abbatue ; il peut donner
des témoignages éclatants de fa tendreffe à l'objet
qui règne fur fon cœur, l'enorgueillir de fes hom-
mages, élever, enflammer fon ame par le defir de
lui plaire... Aftley, je fuis le plus à plaindre des
hommes.

Cet ami, un des inftruments dociles qu'employoit l'adroit Fryon, & qui d'ailleurs étoit extrêmement attaché à Varbeck, écartoit fes incertitudes, ramenoit fon efprit flottant au grand projet qu'avoit conçu Marguerite; l'amour au refte étoit de moitié avec eux pour foumettre le jeune homme à ce qu'ils avoient projetté.

Varbeck ne pouvoit plus demeurer en Portugal; les bruits augmentoient, & l'on fe difoit déjà tout bas qu'il pouvoit être le comte de Warwick, ou le jeune duc d'Yorck. Il brûloit de se rapprocher de l'Écoffe. Fryon muni des ordres de la duchesse, va déclarer à fon difciple que tout eft prêt pour fon départ de Lisbonne, qu'il faut pour l'accompliffement de leurs deffeins, se transporter en Irlande, qu'enfin le moment eft arrivé où le duc d'Yorck doit s'expofer aux yeux dans tout l'appareil de fon personnage. Varbeck quitte donc le Portugal, comblé des marques d'amitié de toute la nation, & fe prépare à s'acquitter avec tous les talents du rôle important qu'on lui a confié.

Ils étoient débarqués fur les côtes d'un pays où ils n'avoient qu'à paraître pour s'attirer une foule de partifans. Fryon s'écrie: je rends mes hommages au

duc d'Yorck; qu'on oublie jusqu'au nom de Varbeck: j'envisage, je fers un prince véritable, & digne d'occuper un des premiers trônes du monde. Allons, mes amis, pouríuit-il, en s'adreffant aux deux Aftleys,& au peu de gens qui compofoient leur fuite, c'eft à la gloire qu'il faut marcher; renversons Henri d'une place qu'il n'a point méritée, & immolons l'ufurpateur aux juftes reffentiments d'une princeTe qui fe pique de reconnaissance; elle ne mettra point de bornes à fes bienfaits.

Corck eft la première ville de l'Irlande qui reconnait Richard Plantagenet, fecond fils d'Edouard IV pour le fouverain légitime de la Grande-Bretagne. Le duc d'Yorck (car déformais nous n'appellerons plus autrement Varbeck) écrit aux comtes de Kildare & Defmond, pour les engager à fe déclarer en fa faveur; fa lettre étoit une espèce de manifefte où le prince exposoit fes droits au trône ; an y représentoit Henri VII comme le tyran de la noblesse, comme un concuffionnaire fans pudeur qui facrifioit tout à son insatiable avarice;ces récits étoient appuyés de détails qui donnoient les couleurs de la vérité à l'apparition d'un defcendant des Yorcks, Le maire de cette ville que, felon les apparences, Fryon avoit fçû enroler au nom

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