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de la main de fa pupile en faveur d'un prince, parent du roi de Dannemarck Quelle nouvelle foudroyante pour le duc d'Yorck il court à Marguerite, lui montre l'écrit de fon ami, verfe des larmes, se jette à fes pieds. La princeffe qui vouloit remettre l'exécution de fon projet à des tems plus favorables, fe laiffe fléchir : elle donne des troupes, des vaiffeaux, & Fryon regardé toujours comme le moteur de cette grande affaire, eft chargé par les ordres fecrets de fa fouveraine, de ne point quitter fon élève. Le duc defiroit que quelque action d'éclat précédât fon arrivée à la cour d'Écoffe. Ils s'arrêtent près de Sandwich dans la province de Kent ; le courage de l'un, & l'adreffe de l'autre n'opérèrent point ce qu'ils s'étoient promis: les habitans, loin d'embraffer leur parti, cherchèrent par quelque ftratagême à les attirer, & à s'emparer de leurs per¬ fonnes. Fryon vit le piège qu'on leur tendoit : ils fe retirèrent ; le peu de leurs foldats defcendus à terre fut taillé en pièces ; on n'en réserva que cent cinquante qui furent attachés à des gibets dreffés le long des côtes de Kent, de Suffex & de Nolfolk.

La fortune ne fervit pas mieux cette fois les deux aventuriers dans leurs tentatives fur l'Irlande. Le

chevalier Edouard Poynings, d'un mérite également reconnu pour la guerre & pour l'adminiftration, préfidant comme député dans ce royaume, fous le fecond fils de Henri étouffa toutes les fernen

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ces de rébellion qui auroient pu éclater. Il faut croire, dit le duc d'Yorck que fes difgraces ne déconcertoient point, qu'un fort plus heureux nous attend en Ecoffe : hâtons-nous de gagner ces bords; l'amour peut-être nous dédommagera des rigueurs de la fortune.

Le chevalier Edouard Poynings, &c. C'eft à lui que l'Angleterre eft redevable de ce parlement, fi célèbre dans l'histoire dont les actes fubfiftent encore, & favorifent les Anglais établis en Irlande; Poynings fut auffi député avec fir Guillaume Watcham de la part de Henri vers l'archiduc Philippe, pour se plaindre de la ducheffe de Bourgogne, & demander qu'on lui livrât le prétendu fils d'Edouard IV : le confeil répondit qu'en confidération de l'amitié qui regnoit entre leur fouverain, & le roi d'Angleterre, on promettoit de ne donner aucun fecours à fon concurrent: mais ils ajoûtèrent que Philippe n'avoit nulle autorité fur la conduite de la ducheffe douairière, & qu'elle étoit maitreffe de fes volontés. Henri piqué de cette réponse, rompit tout commerce avec les Pays-Bas, chaffa les Flamands de fon royaume, & rappella fes fujets qui fe trouvoient en Flandres.

La comtesse de Huntley étoit prête à former un engagement qu'elle n'avoit contemplé que de loin : elle fentit alors toute la péfanteur du joug qui alloit lui être impofé. L'époux qu'on lui donnoit avoit pour lui la richefle, la naiffance, la grandeur: mais que ces avantages touchent peu une ame qui ne connaît d'autre fatisfaction que celle que procure la fenfibilité ! & il n'y a que le rapport des cœurs, la tendreffe mutuelle, qui rempliffent les vœux de cette fenfibilité fi difficile à contenter. Hélas! difoit la comteffe à fon amie, n'aurois-je pas été trop heureuse de vivre & de mourir dans cet état d'indépendance qui me laissoit maitresse de moi-même ? Si mon cœur demandoit un objet d'attachement qu'il trouvoit point, je goûtois du moins la consolation de n'être pas obligée à feindre,à me parer defentiments...que je n'aurai jamais pour le tiran auquel on veut m'affervir. Eft-ce l'amour qui nous unit? ce font les volontés du roi, les bizarres convenances, la cruelle politique. Ah! mon amie ! quel deftin pour la comteffe de Huntley ! & combien de fois je me fuis indignée contre mon rang! j'en ferai la victime!

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Le jour étoit arrivé pour la cérémonie du mariage. On faifoit à la cour d'Écoffe les préparatifs d'une fète

brillante, tandis que la comteffe fe livroit à la plus profonde trifteffe; fa beauté en recevoit un nouvel éclat ; elle étoit auprès du roi qui lifoit des lettres de la ducheffe de Bourgogne, lorfque le duc d'Yorck arrivé à Edimbourg, fait demander audience à ce monarque.

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Qu'on fe figure un jeune-homme de vingt-deux ans réunissant un port noble & majestueux aux graces les plus touchantes, dont l'abord feul répandoit une forte de féduction inexprimable qui le rendoit maître des cœurs, & faifoit defirer ardemment de le revoir, de l'entendre fans ceffe, d'en être remarqué, de lui plaire enfin ; qu'on ajoûte à ces dons de la nature fi précieux, l'appareil de la grandeur auquel, pour ainfi dire, l'infortune prêtoit encore plus de dignité,& l'on n'aura qu'une faible idée de l'enchanteur (car c'est le nom qu'on peut donner au duc d'Yorck) qui s'offroit aux yeux du roi d'Écoffe, & sur• tout à ceux de la comteffe de Huntley. Une émotion rapide la faifit ; elle a été frappée d'un trait de flamme; à peine a t-elle la force d'attacher fes regards fur fon vainqueur; elle ne le voit qu'à travers un nuage; fes genoux fe dérobent fous elle; elle a fenti tout l'empire de l'amour. Ce jeune homme l'a déjà apperçue;

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partage ce trouble fubit; il alloit fe précipiter à

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fes pieds,quand Fryon arrête fes tranfports indifcrets, & lui fait observer le roi qui lui tendoit la main Le duc prend la parole; l'enchantement qu'il a produit, augmente; comme l'ame de la comteffe vole au-devant de fes expreffions! comme elle reçoit dans son sein tout le feu d'une paffion que jusqu'alors elle avoit ignorée ! de quels traits fon cœur eft déchiré au récit que fait le duc d'Yorck de ses malheurs, avec cette nobleffe qui relevoit fes moindres difcours! il ne lui échappe pas un mot qui n'aille se graver dans çe cœur dont il eft déjà l'arbître abfolu. La belle Huntley ne peut même cacher ses larmes.

Jacques n'a point attendu que le jeune-homme ait ceffé de parler, pour se décider en sa faveur ; il brûle d'embraffer fa défense ; le monarque lui donne sa pa_ role royale qu'il le rétablira fur le trône. Pour montrer qu'il ne fe rend qu'à la vérité, il mande fon confeil, & se fait répéter en sa présence le détail

Lui donne fa parole royale, &c. » Jacques (felon RapirThoyras) parut touché des infortunes de ce prince, & lui dit que quoiqu'il en fût, il ne fe repentiroit jamais de s'être mis en fes mains. « Ce monarque en effet fut féduit l'adroit impofteur; la jaloufie qui régnoit entre les deux cours ne contribuoit pas peu à entretenir ces fentiments.

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