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allez, laiffez-moi feule... Mon amie, daignez me donner votre bras, & ... tachons de nous éloigner.... Prince, j'ai tout entendu, & ... c'eft pour mon malheur. Pour votre malheur, madame! le mien dût-il augmenter, duffé je en perdre la vie, il faut que vous fçachiez tout l'empire que vous avez fur l'infortuné duc d'Yorck. Apprenez qu'il eft déjà venu en Ecoffe, fans fe faire connaître. A peine vous ai-je vûe, j'ai fenti que l'amour devoit me déchirer ; j'ai porté partout cette ardeur dont j'étois confumé ; ma tendresse a essayé de fe retracer une image qui n'étoit que trop empreinte dans mon ame ; je parlois fans ceffe à ce portrait l'objet de mon culte, de mes hommages, de l'amour le plus paffionné, le plus pur; hélas ! en ce moment encore je l'arrofois de mes pleurs. Je fors d'une nuit de douleur. Je veux réparer le défaftre de ma maison, reprendre une place qui m'est due : mais, belle Huntley, que m'importe le trône, fi vous n'y montez avec moi? Je n'ai rien fait pour mériter votre amour ... vous ne me refuserez pas votre pitié : dumoins vous différerez un hymen

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vous

l'accompliriez ! non, qu'on ne me parle plus de vende gloire, de fceptre : mon fort eft résolu ;

geance,

ce n'eft pas le trône qui m'attend, c'eft le tombeau; il s'ouvre pour moi en Écoffe, & c'est à vos pieds, madame je n'irai pas plus loin pour terminer une existence qu'il ne m'eft plus poffible de fupporter, s'il faut renoncer à mon amour... Vous m'aime

plus faible fentiment!..

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riez, prince! & pourquoi me parler de couronne ?.. je ne puis... Sulton, arrachons-nous de ces lieux. Quoi, madame, je ne vous infpirerois pas le Je n'ai rien à vous dire; plaignez-moi... Adieu ... faut-il que le fort qui me pourfuit, m'ait entraînée dans ces lieux ?.. je voudrois ignorer je ferai mille fois plus malheureuse que vous. Vous me quittez, madame! & c'est vous qui me percez le cœur qui irritez mes maux, ou plutôt c'est vous qui les caufez !.. elle ne m'entend plus !

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Le duc d'Yorck court vers Aftley qui venoit à lui avec la même précipitation: Je fuis perdu: j'ai tout découvert à la comteffe, & je ne sçais si j'ai fujet de me flatter ou de craindre mon amour lui aura déplu. Qu'un autre objet vous occupe en cet inftant, interrompt Aftley ; je vous cherchois : c'est le roi lui même qui m'a ordonné de vous amener

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La comteffe, de retour chez elle, va fe jetter fur un fiège, en verfant un torrent de larmes : Sulton, ma chère Sulton, qu'ai-je fait? le duc d'Yorck... eh il ne peut plus ignorer que je l'aime. Je ne fuis plus maitreffe de cacher ce malheureux amour; la honte va fuivre ma faibleffe, mon égarement!.. à l'heure même où le prépare une chaîne ... ma mort préviendra ces funeftes liens. Mais, Sulton, dis, quelle eft ma fatale destinée! je fuis aimée de tout ce qu'il y a de plus charmant ; tu l'as entendu : fa tendreffe l'emporte peut-être fur la mienne, & je ferois condamnable, fi je lui laiffois voir des fentiments... qu'il ne mérite que trop. Quelle tyrannie accable notre sèxe ! toujours diffimuler ! toujours renfermer, déguiser ses transports! les étouffer : quelle eft, encore une fois,la bizarrerie inconcevable de mon fort! j'ai trouvé le cœur que le mien demandoit, vers lequel voloit toute mon ame,&,Sulton... cet amour fe. roit ma félicité fuprême ! le duc d'Yorck m'aime ; il m'en fait l'aveu ; il le jure à mes genoux... A-t-il befoin d'un diadème pour fixer tous mes vœux? ce n'est point -le fils d'Edouard, l'héritier du trône d'Angleterre,le duc d'Yorck qui m'a captivée : c'eft le plus intéressant, le plus aimable,le plus touchant des hommes ; conçois

tu quel feroit mon bonheur, fi le roi m'avoit donné un tel époux ? Partager fon infortune, vivre au bout du monde avec lui, ne nous occuper que de notre feule tendreffe, n'exifter que pour nous aimer encore davantage : voilà les plaifirs... que je ne goûterai jamais. Encore, fi j'avois la liberté de verser mes pleurs dans ton fein, de ne dépendre que de moi, de nourrir ma douleur d'un sentiment, qui, quoique fans espérance, suffiroit à l'adouciffement de mes peines ... envain tu m'as oppofé tes confeils tes efforts: oui, je vais trouver le roi; il n'aura point la barbarie d'ordonner qu'on me traîne aux autels; il me rendra à moi-même, & je pourrai vivre dumoins, en donnant mon dernier soupir à ce prince... Que mes derniers regards ne peuvent-ils le voir fur le trône! Cruelle amie! c'eft toi qui m'as preffée de venir dans ces jardins fi funeftes! j'aimois, je brûlois ... j'adorois... j'ignorois encore tous mes malheurs : je fuis aimée, je fuis aimée ; je vais redoubler les infortunes de l'homme le plus digne d'être heureux, & l'on difpofe de ma liberté, de mon fort, de ma vie !

Le duc d'Yorck étoit entré chez le roi : le mo

en lui présentant la main : approchez, prince, je vais commencer à vous donner des preuves de l'intérét que vous m'avez infpiré ; j'avois écrit à la duchefse de Bourgogne que je fufpendrois le mariage de la comteffe de Huntley; des raisons d'état m'obligeoient à retirer, en quelque forte, ma parole: mais Fryon m'apprend que vous êtes prévenu pour la comtesse d'une paffion à laquelle eft attaché votre bonheur, & mon deffein étant d'y contribuer, je cède, malgré des motifs puissants, au plaifir de vous accorder ce premier témoignage de mon affection : recevez donc de mes mains la comteffe pour épouse. Je ne doute point qu'elle ne fe conforme fur cet engagement à mes defirs; vous l'allez voir; je l'ai mandée.

Le duc, transporté de joie, veut exprimer sa reconnaissance, sa voix se perd, s'éteint; & il tombe prefque évanoui aux pieds du monarque. La comtesse paraît elle craignoit que Jacques ne l'eut appellée pour conclure un hymen odieux : quelle révolution inexprimable elle éprouve, quand elle entend le roi lui dire : vous voyez, madame, le duc d'Yorck accablé, en quelque forte, de l'excès de fon bonheur; il vous aime éperdument & je le nomme votre époux ; je ne crois point gêner votre choix, en vous

unillant

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