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c'est l'existence qui eft un tourment difficile à fupporter, & je me foumets à cette peine, dans l'efpoir que nous nous reverrons, que notre fort » pourra changer, que je vous ferai toujours chère, que mon amour eft-ce ma destinée qu'il vous foit funefte? n'appréhendez rien pour votre fidelle époufe; elle ne craint ni Henri, ni la mort. Encore » une fois, cher duc, ofez vivre, & le ciel peut-être » viendra à notre secours. <<

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Cet écrit retient une ame prête à s'exhaler. Le duc d'Yorck le met dans fon fein: je vivrai, dit-il, en s'adreffant au religieux, puifque l'amour l'ordonne... quelle plus forte preuve de tendresse puis-je donner? mon père, qu'ils font heureux ces mortels, qui loin des paffions, coulent ici leurs destinées ! its ne disputent point de trônes ! ils n'aiment point!` quel fort m'eft réservé !

Henri victorieux avoit fait inveftir le monastère ;' plufieurs de fes courtisans penfoient qu'il lui étoit permis d'employer l'autorité foutenue des armes, qu'il falloit arracher fon ennemi à fa retraite, & l'envoyer au fupplice : d'autres d'avis contraire, ne vouloient point que le roi manquât au pape,en violant les

Henri ne viendrait jamais à bout de perfuader que son concurrent étoit un impofteur, fi ce dernier ne convenoit pas lui-même du mensonge; ils ajoû→ toient, qu'en lui laiffant la vie,c'étoit l'engager à payer cette grace d'un aveu fincère & détaillé. Le monarque prudent fuivit ce confeil. Poynings revenu d'Ir lande auprès de fon maître, fut chargé d'aller retirer de Bowley le duc d'Yorck, avec la promeffe qu'on lui affuroit la vie, s'il vouloit fe rendre volontairement le malheureux jeune-homme accepte la propofition; fon amour, comme nous l'avons obfervé, lui faifoit aimer l'éxistence; il a pris enfin le chemin de la Tour.

Il n'étoit que trop vrai que la ducheffe d'Yorck avoit été enlevée de fa retraite ; on s'étoit empreffé de l'amener au vainqueur ; jamais elle n'avoit eu plus de charmes. Que la beauté a de pouvoir lorfqu'elle eft réunie à la douleur ! cette femme livrée à tout l'abandon du défespoir, s'élance du milieu des foldats qui l'entouroient, fe précipite aux pieds du roi, qu'elle inonde de fes larmes : Sire fire, j'apprends qu'un malheureux époux eft entre vos mains; j'implore votre générofité; daignez lui faire grace; qu'il víve dumoins, & que je fois la feule

victime

victime sacrifiée à votre reffentiment; c'eft moi qui ai caufé tous les malheurs ! A ces mots, fes pleurs re→ doublent. Henri, dont jufqu'alors l'ame févère & infléxible n'avoit connu de paffion que l'avarice, eft furpris de fe fentir un mouvement qu'il n'avoit point encore éprouvé ; le spectacle d'une belle femme défolée excite en lui un trouble qu'il cherche à maîtrifer: - J'ai donné ma parole, madame; je laisse la vie à Varbeck: mais j'éxige un aveu détaillé de toutes ses impostures... Un impofteur, s'écrie la duchesse! lui ! le duc d'Yorck! ah! fire, n'eft-ce pas affez de l'avoir vaincu, de le retenir prisonnier, d'être le maître de fes jours ? ne lui ôtez point le nom qui lui est dû : hélas ! c'est tout ce qui lui refte. Je veux croire, madame, que vous êtes dans l'erreur: une princesse auffi refpectable que la comteffe de Huntley n'étoit pas faite pour donner fa main au fils d'un misérable Juif; je vous plains d'avoir été vous-même le jouet de fes artifices ... tant de charmes devoient-ils être fon partage? Son deftin eft fixé ; il fera enfeveli dans les cachots de la Tour, jusqu'à ce qu'il révèle fon intrigue & fes complices. Peut-être ma compaffion, en l'épargnant, l'enverra-t-elle ramper dans la foule obfcure à côté de Simnel: c'eft tout ce qu'il

peut attendre de la clémence d'un roi dont il a ofé fe dire l'égal & le concurrent. Pour vous, madame foyez libre dans ma cour, & croyez qu'il est des cœurs fenfibles qui peuvent vous faire oublier un mari trop indigne de vous.

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Henri commande aux gardes de fe retirer; il ajoûte avec une espèce d'attendriffement : madame mon palais fera votre azyle; la reine se chargera du foin de vous rendre tous les honneurs dûs à une princesse du fang royal d'Écoffe, dont les vertus les malheurs, les attraits ... vous pleurez ! je ferai tout, madame, pour effuyer vos larmes; soyez perfuadée du vif intérêt...

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Il n'achève point, fait quelques pas vers la du

De vous rendre tous les honneurs, &c. En effet la comteffe de Huntley fut traitée comme une princeffe du fang royal d'Ecoffe: Henri la fit conduire auprès de la reine, & lui affigna fur fon tréfor une pension confidérable dont elle jouit pendant toute la vie de ce monarque, & même plufieurs années après fa mort. L'hiftorien (RapinThoyras) dont j'emprunte cette anec. dote, ajoûte; » on l'appelloit à la cour d'Angleterre la Rose

blanche, tant à caufe de fa beauté, qu'à caufe du nom que → la ducheffe de Bourgogne avoit donné à son époux. « ( Elle avoit auffi furnommé Varbeck la Rofe blanche).

chesse,& veut lui baiser la main : elle s'empreffe de la retirer; il s'éloigne, après lui avoir dit à voix basse : vous vouliez être reine,madame? vous regnez déjà fur un cœur... qui eft pénétré de votre fituation. Il parle haut:

Que la comteffe de Huntley foit traitée,

en fouveraine, & qu'on reçoive ses ordres.

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Obligée d'accepter les offres de Henri, elle vivoit au palais de Weftminfter, près de la reine, qui s'efforçoit d'adoucir fes peines. Juge de mon tourment, difoit la ducheffe d'Yorck à Sulton qui lui reftoit attachée ! être contrainte d'habiter le même féjour que mon cruel ennemi, de m'exposer à fouffrir souvent sa présence! aurois-je fait entrer la pitié dans cette ame jufqu'ici infenfible? eh! Sulton,pour qui ai je fupporté la vie? pour qui me fuis-je domptée au point de revoir Henri, de l'entendre ? ah! trop cher époux, je ne fens que vos maux ; je fuis prête à me foumettre à toutes les humiliations, fi, à ce prix, je conferve vos jours, fi je romps vos fers... C'est moi, tendre amie, qui l'ai précipité dans ce gouffre d'infortunes! il a volé à mon fecours ; il m'a immolé un royaume, sa gloire, sa vie même ; sans moi, il eût combattu à la tête de fon armée ... il auroit remporté la victoire: je n'en doute point; je

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