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poient, c'étoit le fort de fon époufe qui les faifoit couler; nous l'avons dit: l'amour feul le retenoit à la vie. Le roi, lui dit Poynings en l'abordant, vous a donné fa parole qu'on épargneroit vos jours ; vous devez fentir que c'est à une condition qu'il eft en votre puiffance de remplir: il faut qu'un écrit figné de votre main contienne votre histoire détaillée depuis votre berceau jusqu'à ce moment, que tout ce qui concerne vous & votre famille,y foit offert avec ingénuité; vous ajoûterez à cette confeffion éxacte les noms de vos complices ; vous n'oublierez point leurs fuggeftions, leurs manœuvres, & alors le fouverain tiendra fa promeffe. Le jeune-homme fecoue fes chaînes, en regardant l'émiffaire de Henri d'un air dédaigneux : C'est un roi qui vous envoye! & telle est sa parole! j'ai besoin en cet instant plus que jamais de me ressouvenir que je fuis le duc d'Yorck. Mes complices font tous ceux qui déteftent l'ufurpation & le parjure; c'eft là ma réponse. Mais qu'efpérez-vous en perfiftant dans votre menfonge? Si Henri ne fçait point régner, je fçaurai mourir... C'eft pour une épouse seule que mon ame eft troublée. Quoi! vous ne voulez point

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avouer... -

Je fuis le duc d'Yorck, le fils d'Edouard IV, le frère du malheureux Edouard V ; je me fens digne de mon rang, & le petit fils d'Owen Tudor eft fait pour trahir fa promeffe facrée, & pour achever d'exterminer une famille dont un faible refte étoit échappé aux coups de l'inhumain Richard III. Voilà tout ce que j'aurai à dire jufqu'au dernier foupir. Songez-vous que l'echaffaut vous

attend? trône.

J'y monterai, comme j'aurois monté au

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Poynings revole auprès de fon maître & lui fait part de l'obftination dn prifonnier, & de fon audace. Le roi garde quelque tems le filence, puis le rompant tout à coup : Chevalier, l'intrépidité de Varbeck cédera au nouvel affaut que je lui prépare; foyez bien fûr qu'il ne fçauroit résister ; oui, j'obtiendrai l'aveu que je defire.

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Henri explique à Poynings le moyen victorieux qu'ils doivent employer, & ce dernier fe hâte de retourner à la prison.

La ducheffe avoit demandé à être renfermée dans la Tour avec fon époux: Henri s'étoit opiniâtré à lui refufer cette grace; il n'avoit pas même voulu lui accorder la confolation de le voir une feule fois. La

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jaloufie fe joignoit aux raifons de politique ; cette princeffe n'avoit d'autre foulagement dans fes maux que de pleurer en liberté, & d'être certaine qu'on n'attenteroit pas dumoins à la vie de fon mari. A peine Poynings s'eft-il remontré aux yeux du prisonnier : La crainte du fupplice qui vous menace, ne peut donc vous arracher cet aveu que vous devez au repentir & à la vérité? Je me fuis ́expliqué ; eh ! puiffé-je devancer cette mort qui va me frapper !.. je parle à un Anglais que je crois affez généreux pour ne pas m'immoler dans quelqu'un qui m'eft bien plus cher que moi-même, & qui n'est point coupable; je le prie feulement d'obtenir de Henri qu'on épargne mon épouse; qu'elle retourne en Ecoffe, qu'elle m'oublie ; & moi ... chevalier, avezvous connu l'amour? Oui, j'ai connu l'amour, & en ce moment il vous preffe lui-même par ma bouche de déclarer tremblez, vous êtes donc bien attaché à votre femme? -- Je donnerois mille fois ma Eh bien ! malheu

vie

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, pour conserver la fienne.

reux jeune-homme

ses jours font en danger;

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fa tête, aujourd'hui, en cet instant, des bourreaux...

ne ferois pas en butte aujourd'hui à toutes les douleurs... Mais, Sulton, s'il étoit vrai qu'il m'en eût impofé... il ne feroit point le duc d'Yorck! ah! il ne peut être que d'un fang illuftre, que du fang des rois. On n'a point tant de grandeur d'ame, tant de charmes; on n'eft point le plus féduifant des hommes, lorfqu'on ne fort que d'une origine vulgaire... c'eft encore un des crimes de Henri que je ne lui pardonnerai jamais. Qu'il eft dur d'avoir à folliciter ceux qu'on détefte ! mais je ne vois que le fort de mon époux ; il faut que je brife fes liens ; nous irons nous aimer ... mourir au bout de la terre. Non, j'en fuis affurée, il n'est point un impofteur il eft le prince le plus à plaindre ! eh! il n'a d'appui que moi.

Quels étoient les fentiments que le roi d'Angleterre avoit éprouvés à l'afpect de la ducheffe ? il étoit embarraffé lui-même à déméler la nature de fon trouble. On fe rappellera que la politique avoit préfidé seule à fon mariage; les douceurs de l'amour lui étoient inconnues. Aigri par les ennemis continuels, les révoltes, les dangers qu'il avoit à furmonter, dur par néceffité peut-être autant que par caractère, dévoré de la foif de l'or, il ne lui étoit guères poffible de

recevoir des impreffions de tendreffe: ce fut cependant ce que la vûe de la duchesse d'Yorck lui fit res‐ fentir. Mylord, difoit-il au lord Daubeney qu'il honoroit de fa confiance, je ne fçais ce qui agite mon cœur ; les larmes de la comteffe de Huntley ont coulé jufqu'au fond de ce cœur, étonné de ses mouvements: elles y font reftées! Que cette femme eft belle ! qu'elle me touche! faut-il qu'un vil aventurier ait été le poffeffeur de tant de charmes ? & il eft aimé, tandis que peut-être avec tout mon pouvoir,je n'exciterois pas un fentiment... Pourquoi mon épouse ne reffemble-t-elle pas à la comteffe de Huntley? je veux qu'on ait tous les égards pour cette princeffe infortunée ; je lui donne même, dès ce moment, une penfion je tâcherai, par mes bienfaits, de mériter du-moins fa reconnaissance. Sire, interrompt le lord, un grand roi tel que vous, peut bien céder à un penchant qui le diftrairoit de ces chagrins inféparables de la couronneIl est inutile de vous l'apprendre la comteffe de Huntley vous a infpiré de l'amour. Ce que j'éprouve feroit de l'amour, reprend vivement le monarque! j'aimerois la femme d'un intriguant que je devrois punir du dernier fupplice ! & d'ailleurs me convient

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