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jaloufie fe joignoit aux raisons de politique ; cette princeffe n'avoit d'autre foulagement dans les maux que de pleurer en liberté, & d'être certaine qu'on n'attenteroit pas dumoins à la vie de fon mari.

A peine Poynings s'eft-il remontré aux yeux du prifonnier : La crainte du fupplice qui vous menace, ne peut donc vous arracher cet aveu que vous devez au repentir & à la vérité ? —— Je me fuis expliqué; eh ! puiffé-je devancer cette mort qui va me frapper !.. je parle à un Anglais que je crois affez généreux pour ne pas m'immoler dans quelqu'un qui m'est bien plus cher que moi-même, & qui n'est point coupable; je le prie feulement d'obtenir de Henri qu'on épargne mon épouse; qu'elle retourne en Ecoffe, qu'elle m'oublie ; & moi... chevalier, avezvous connu l'amour ? · Oui, j'ai connu l'amour, & en ce moment il vous preffe lui-même par ma bouche de déclarer tremblez, vous êtes donc bien attaché à votre femme? -- Je donnerois mille fois ma vie, pour conferver la fienne. Eh bien ! malheureux jeune homme fes jours font en danger;

·

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fa tête, aujourd'hui, en cet inftant, des bourreaux...

fon crime? de m'avoir aimé ? j'ai fait tous les malheurs !.. je ne mourrai point affez tôt ! - Vous pourriez la fauver. Je détournerois le coup... à quel prix ? parlez, parlez: faut-il épuifer la fureur des fupplices? qu'on vienne, qu'on accoure me déchirer le cœur, s'abbreuver de mon fang, & que la duchesse vive; oui, que j'expire dans les tortures avec l'efpérance qu'elle ne partagera point mon horrible destinée. -Vous devez m'entendre: ce n'est point votre mort qu'on demande ; vous fauvez vos jours, ceux de votre épouse; peut-être même vous rendra-t-on la liberté mais chargez-moi d'un aveu pour le roi... Que me propofez-vous? - Clifford fçavoit tout, & il a tout révélé ; Fryon -lui-même... - Comment? Fryon... A quitté la ducheffe de Bourgogne, & eft revenu auprès du roi ; c'est vous inftruire affez que vos artifices font découverts. Fryon auffi! ah! ciel ! ciel !

Le roi n'ignore donc rien mais il veut que cette déclaration foit appuyée de votre aveu, & de votre feing. J'entends on ne fe contenteroit point de me faire expirer dans les tourments : on brûle de me couvrir d'humiliations, d'opprobres ; & on a la barbarie d'éxiger que je confacre moi

même le monument de ma honte... Où font les bourreaux? - Ils vous apporteront la tête de Elle feroit ma victime? - Vous

votre femme...

allez être couvert de fon fang. Adieu.

Qu'on fe transporte dans une prison ; qu'on descende au fond d'un cachot éclairé d'une lampe dont la fombre lueur eft bien plus affreufe que les ténèbres; que les yeux aillent s'attacher fur un jeune-homme de la figure la plus belle & la plus intéressante, chargé de chaînes, pâle, échevelé, pleurant, s'écriant, tombant à terre, se relevant, répétant cent fois : ah chère épouse, chère épouse, tu perdrois la vie ! & ce feroit moi qui t'affaffinerois ! cette tête adorée... Chevalier, revenez ... revenez ... un mot que mon barbare vainqueur fufpende de quelques jours ce crime atroce, ce crime bien digne du meurtrier de Stanley, de fon ami. On ne dif férera point. Demain... Aujourd'hui ; dans

une heure ; à l'inftant. e;

Un inconnu entre dans la prison, & parle bas à Poynings vous ne voulez donc pas, continue ce dernier s'adreffant au duc d'Yorck, fauver votre

décidée, & vous le ferez, cet aveu: il ne fera plus tems. Je vous quitte. Un moment, mon épouse...

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Elle étoit dans les mains de l'exécuteur, dit l'inconnu : on n'attend que votie réponse pour frapper... Ah! courez, volez, qu'on fufpende... (Se tournant vers fir Poynings) : j'avouerai ... à quelle extrémité je fuis réduit! ce feroit là le prix de tant d'amour! allez donc ... on pourroit il le faut; oui, je révélerai... Je fuccombe à mille tourments. Eh bien! reprend Poynings, êtes-vous déterminé à conferver fes jours ? N'en doutez point; c'eft à moi de mourir. Vous me donnerez donc cette confeffion que le roi éxige?

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Que ma femme foit fauvée. Hâtez-vous, dit le chevalier à l'inconnu, qu'on retarde l'exécution jufqu'a mon retour: furtout informez notre monarque que je cours lui porter ce qu'il demande. En fortant de ce féjour, ordonnez de ma part qu'on apporte ici de l'encre & du papier.

Le duc d'Yorck éprouvoit dans tous fes fens un foulevement inexprimable; un ruiffeau de fang jaillit de la bouche, tant fa fituation le tourmentoit! il pouffoit de fombres gémiffements. Les volontés de

Poynings ont été remplies. Quand le duc voit le papier, il s'écrie: plutôt me faire expirer dans les fupplices! - Songez-vous qu'il s'agit de la comtesse de Huntley? A ce mot, cet infortuné prend l'encre & le papier avec un faififfement répandu dans tout fon corps, puis après un moment d'un fombre filence, elle vivra, s'écrie-t-il ! Le roi tiendra fa promeffe...

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procher. Il prend la plume d'une main frémissante, & en prononçant ces paroles au milieu des fanglots: ô femme que j'adore!.que pouvois-je faire de plus pour toi ? il écrit ce qui fuit :

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Quand un homme, quelqu'il foit, s'eft fenti > l'ame affez grande pour concevoir un projet digne de fon ambition, il doit tout tenter pour l'exécu» ter; s'il ne réuffit point, il doit mourir. Mais qu'eft-ce que la mort aux yeux des tyrans ? la » cruauté ingénieuse fçait imaginer des coups bien > au-deffus de ceux qui nous délivrent de la vie : il > est donc un fupplice qui m'effraye! & je cède à » l'horreur qu'il m'inspire. C'est pour une épouse

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