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le prix... Il ne m'est plus poffible, madame, de contraindre des fentimens... Songez-vous, fire, que je ne puis vous accorder que mon eftime, que je n'ose folliciter que votre compaffion? Vous me parlez de vog bienfaits mettez y le comble: rendez la liberté à un infortuné, & alors cette reconnaiffance...

Vous l'aimez, madame ; eh! ce n'eft pas le moindre de fes crimes: mais il faut abfolument que vous ou→ vriez les yeux, que vous vous rendiez au témoignage de la vérité, qu'enfin vous contempliez dans toute fa baffeffe l'objet d'une paffion qui vous deshonore... Qui me deshonore? le duc d'Yorck... qu'un impofteur. Je vous l'ai dit... Et c'eft

--

-

- N'eft

par

de

tels artifices que votre majefté s'obstineroit à vouloir triompher de mon amour, de mon devoir ! Sire, redoublez le poids des chaînes d'un malheureux qui eft en votre puiffance; trahiffez votre parole royale ; privez-le de la vie : mais, encore une fois, laiffez lui fon nom ce caractère facré qui eft au deffus des caprices injurieux de la fortune. Penfez-vous que j'ignore toutes les calomnies répandues à fon fujet ? elles font l'ouvrage de vos partifans. Un roi ne doit point s'appuyer de ces moyens abandonnés à des ennemis vulgaires; deft les armes à la main qu'il combat fes

,

-

rivaux, & qu'il cherche à les vaincre. Le fort s'eft déclaré pour vous: méritez votre victoire; n'ajoûtez point l'outrage au malheur. Pour être dans vos fers, mon époux en feroit-il moins le rejetton d'une maifon illuftre, le fils d'un fouverain... Dites d'un particulier obfcur dont il n'eft pas même digne d'avoir reçu la naiffance; il a pouffé l'audace jufqu'à vous en impofer. Sire... il m'aime trop pour m'avoir trompée; il eft aifé de le voir : il eft du fang que vous avez profcrit, dont vous voulez répandre jufqu'a la dernière goutte... C'est vous qui prétendez vous jouer de ma crédulité !

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Henri tire un papier de fa poche, & d'un air tranquille le donnant à la duchesse : Vous connaiffez le caractère? - Du duc d'Yorck! - Lifez, madame.

La ducheffe dévore l'écrit des yeux : arrivée à la confeffion de l'impofture, elle s'écrie, en laiffant tomber le papier de ses mains : quoi ! ce n'eft point le duc d'Yorck que j'ai époulé, que j'aimois! Un abbattement inexprimable fuccède à ce transport: elle eft anéantie. Vous le voyez, madame : vous ne fçauriez plus douter que vous n'ayez été le jouet du menfonge, de l'impudence la plus groffière, qui

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feule mériteroit une punition éclatante. Etoit-ce à ce vil mortel à former des vœux, à fe permettre feulement de lever les yeux jufqu'à vous, tandis que les premiers rois du monde fe difputeroient un de vos regards? Oubliez, madame, un époux fi peu fait pour vous être uni.

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La ducheffe, n'écoutant point le roi, reprend le papier, y reporte la vue,& répéte avec un gémiffement douloureux : ce n'eft point le duc d'Yorck! enfuite après l'avoir relu encore plufieurs fois, elle le rejette loin d'elle, & retombe dans un plus profond accablement Je l'avouerai, madame ces revers font terribles: mais votre fermeté doit leur réfifter; vous avez été la victime d'un penchant dont s'honoroit votre fenfibilité; vous avez cru plaindre, aimer, époufer un prince malheureux un homme digne de vous, & vous vous êtes jettéo dans les bras d'un aventurier audacieux. Séparez fon deftin du vôtre; rompez des nœuds qu'a tiffus l'artifice; vous ferez toujours une princeffe, l'alliée des rois, la comteffe de Huntley.

Cette femme qu'on pourroit citer comme un modèle d'héroïfme, femble fe relever du fein même de la mort, & interrompant avec dignité le monarque

Je ferai toujours la femme de Varbeck.

dites-vous? Mon parti eft pris

Que

... il m'aime ; il

eft au comble du malheur ; c'eft pour moi qu'il lui eft échappé cet aveu que les tourments les plus horribles ne lui eussent point arraché. Hélas ! l'infortuné n'a tremblé que pour mes jours ! &... vous alliez ordonner mon fupplice! ah! frappez, percez mon cœur,& fauvez mon époux. Eft-ce à vous, madame, à me foupçonner de cette cruauté? pouvez-vous imaginer que j'ai eu feulement la pensée de vous caufer le moindre chagrin ? vous refuferez donc toujours de connaître mes fentiments? ne voyez-vous point qu'on s'eft fervi de ce détour, qu'on vous a représentée en danger, pour obtenir de Varbeck une déclaration qui importoit à mon autorité, à mon repos... Vous me l'avez ravi ce repos, plus que cette foule d'ennemis qui s'élèvent contre moi ; oui, vous m'êtes bien plus redoutable que Simnel, que Varbeck dont une main, qui m'eft connue, dirigeoit les coups. Sire, eh! dans quel tems... fire, vous ferois-je encore une prière inutile ? j'embraffe vos genoux ; ordonnez que la Tour me foit ouverte

puiffe voir...

...

que je

Vous demanderiez, madame ... au

moment...cet impofteur doit-il encore vous intéreffer?

Vous

& c'est moi qui vous enverrois à fes pieds ! n'avez point youlu me permettre de partager les horreurs de fa prifon...dumoins qu'aujourd'hui...C'est pour la dernière fois que je le verrai, que je lui parlerai ... que j'effuyerai ses larmes... Sire, me refuferiez-vous cette grace? voyez-moi mourante...

La ducheffe étoit aux genoux de Henri, & les arrofoit de fes pleurs. Ce fpectacle fi touchant, le défarme, l'attendrit, lui fait facrifier fon amour:- Je veux bien, madame, vous donner cette preuve de fenfibilité; jugez du pouvoir que vous avez fur mon cœur... Allez fupporter la préfence d'un homme qui vous a outragée, l'affurer encore de votre tendresse, tandis... Madame, fongez que vous abusez de ma faibleffe,qu'après cet inftant... N'efpérez plus... non,n'efperez plus... vous ne le reverrez jamais. Cependant je vous renouvelle ici ma promeffe que j'épargnerai fes jours. Qu'il profite de ma clémence pour céder au repentir, pour nommer fes complices; & vous, madame, fouvenez-vous que la reconnaiffance eft le moindre des fentiments que vous me devez.

L'intérêt du roi d'Angleterre, autant que le defir de plaire à la comtesse, l'engageoit à conserver la vie de fon prifonnier, mais cet infortuné jeune-homme

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