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fongez que c'est votre roi, Edouard qui tombe à vos genoux.

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Sire, que

Et en effet le monarque n'avoit pas achevé ces paroles, qu'il étoit aux pieds de la comteffe ; elle s'empreffe de le relever: faites-vous? c'est moi qui me reflouviens de votre rang; vous l'oubliez. N'eft-ce pas à mon maître à défendre la femme du lord Salisbury contre tout ce qui pourroit blesser son honneur ? Si je n'étois point mariée, fi

Si je n'étois point mariée &c. On ne fera pas faché d'avoir sous les yeux la converfation d'Edouard & de la comteffe de Salisbury, rendue avec cette naïveté Gauloise qui fait le charme de nos anciens écrivains. Jamais, dit le roi à madame de Salisbury, je ne vis fi noble, fi frisque, ne fi belle dame. Le doux maintien, le parfait fens, la grace, la grande nobleffe & la beauté que j'ai treuvez en vous, m'ont fi fort furpris, qu'il convient que je vous ayme; car nul éconduit ne m'en pourroit ofter, Chier fire, répond la comtesse, ne me veuillez mye mocquer', ne tenter. Je ne pourrois cuider que ce fuft à certes ce que vous dietes, ne que fi noble & gentil prince comme vous eût penfé à deshonnorer moy & mon mari lequel eft fi vaillant chevalier, & qui tant vous a fervi & encore git pour vous en prison.(Le roi redouble ses empressemens) Chier fire, Dieu le père glorieux vous veuille conduire & after de vilaine penfée; car je fuis & feray toufiours appareillée de vous Servir à votre honneur & au mien &c.

j'étois libre; fi le ciel m'eût fait naitre votre égale... fouffrez que je me retire, & pardonnez fi je m'interdis pour jamais votre présence.

Edouard veut fuivre la comteffe: - Je ne pense pas,Sire,que vous armiez la puiffance fuprême ! Vous qui êtes fi grand, fi généreux, le modèle des fouverains, voudriez-vous devoir à la puiffance ce que l'amour ne fçauroit vous donner? Exigez mes tributs de respect, de reconnaissance, d'admiration ; ils vous font entiérement confacrés : mais attendre de moi le moindre retour qui feroit contraire à ma gloire, à la vôtre; l'idée feule eft une offense... Je mérite votre estime; daignez, Sire, triompher de vous-même comme vous triomphez de vos ennemis. Je forme mille vœux pour votre bonheur , pour l'étendue d'un règne qui fera un des plus brillants de notre monarchie : j'en crois mon cœur... & vous avez tous ses sentimens, hors ceux de l'amour... Qui! moi! je vous aimerois ! Sire,je vous le répète : je fuis l'époule du comte de Salisbury; après ce mot,qu'ai-je à dire à votre majefté?.. j'ai prononcé notre arrêt à tous deux.

Madame de Salisbury, à ces dernières paroles, s'étoit féparée brufquement du monarque, & avoit

défefperé du peu de fuccès de fa démarche, de mande vainement à voir la comteffe: il ne peut l'obte nir ; il part en proie à différents transports. Quelquefois il s'accufoit de trop de retenue, & formoit le projet de parler en maître; d'autres fois il concevoit le deffein de se montrer encore plus tendre, & il vouloit ne tenir que de fon amour & du temps une conquête qui le touchoit déjà plus que celle de l'Écoffe. Truffel entretenoit cette ardeur qu'irritoit la résistance. Edouard n'étoit pas accoutumé à céder ; cependant il se détermine à ne point employer l'autorité, & court à Londres l'ame remplie d'une paffion dont il auroit craint d'offenfer l'objet.

Que le roi eût été bien vengé de tout ce qu'il fouffroit, s'il avoit eu les yeux de Maly! Le cœur de madame de Salisbury leur étoit exposé dans tous les divers orages qui l'agitoient; elle a eu la force de quitter Edouard, de s'imposer l'espèce de loi de ne jamais le revoir : elle n'est pas arrivée dans fon appartement que fon courage l'abandonne :- Maly, il n'étoit que trop vrai qu'on partageoit mes fentiments! je fuis aimée ; je fuis aimée d'Edouard; il m'en a fait l'aveu, & je n'ai point démenti ... ce que je devrois être ... ce que

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je ne fuis point. Non, Maly, non, mon cœur n'est plus à moi : ô Dieu ! qu'il eft difficile de réfifter, lorfque l'auteur de notre égarement nous eft fi cher ! Cependant je ne le verrai plus, je ne le verrai plus je n'en fuis pas moins coupable enyers mon mari. Eh puis-je me juftifier à mes propres regards? arrache donc le trait qui me déchire. Où eft mon époux ? qu'il vienne, qu'il accoure! Hélas! aurois-je bien le front de fupporter la présence, tandis que dans mon ame... je la vaincrai, je l'anéantirai cette passion tyrannique qui femble être née avec moi. Ne me parle jamais du roi ; ne me prononce jamais le nom d'Edouard; Edouard eft mon ennemi; Edouard fait mon malheur, ma honte ; Edouard ah! Maly, Maly, je fens que je l'adore, que j'expire de cet amour 2 qu'il eft offenfant pour mon honneur, que le comte de Salisbury... je lui avouerai tout, il me punira, & m'arrachera la vie !.. Du moins je puis bien pro mettre qu'Edouard ignorera toujours l'empire qu'il a fur ma raison, fur tous mes penchants; c'eft la dernière fois que je l'aurai vû ; c'est la dernière fois que je t'entretiendrai de mon état déplorable. Ma chère Maly, digne & feule amie que le ciel m'ait laissée

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pour me confoler, reçois mes larmes & ma vie ; que je meure dans ton fein!

Et en difant ces mots, la comteffe étoit tombée dans les bras de Maly. Elle reçoit une lettre de fon époux : Le comté revient ! il foutiendra ma faibleffe! fon arrivée empêchera qu'Edouard, & moi, nous n'écoutions un fentiment que tous deux nous devons étouffer.

Mylord Varuccy vient voir fa fille ; il lui demande la cause du profond abbattement où il la trouve plongée : elle craint de lui répondre,& d'employer l'artifice. Alix, votre mari sera bientôt de retour; la cour de France le renvoye fur fa parole: ceffez donc de vous allarmer fur fon fort. S'il a effuyé quelques difgraces, elles font bien réparées: il a fçu fervir l'Angleterre par une médiation qui fait honneur à fes lumières politiques; il est plus d'une fource de gloire pour les hommes qui connaissent le prix de la véritable réputation; vous verrez le comte dans peu de jours. Ma fille, n'allez donc pas lui montrer une douleur qui altéreroit le plaifir qu'il aura de fe trouver dans le fein de fa famille & de fes amis.

Que

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