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peuples; vous manquez à vous-même, fire ; ressouvenez-vous que vous êtes roi, & roi d'Angleterre ; je parle à Edouard qui, dépouillé de l'éclat du thrône, feroit encore digne de nos refpects & de notre admi

ceffe. Jean étoit plein du noble fanatifme de la chevalerie, & brûloit de l'ardeur de tirer l'épée en faveur des Dames; il fçur raffembler autour de lui une foule de gentilshommes distingués par leur naiffance & leur valeur; ce fut cette petite troupe qui ne montoit pas dans l'origine à deux mille combattants, dont la bravoure opéra une révolution en Angleterre, & mit le jeune. prince de Galles, Edouard III fur le trône. On ne fauroit exprimer jufqu'à quel point l'efprit de chevalerie élevoit l'homme au-deffus de lui-même. On le répete : il feroit à défi→ rer que quelque plume énergique nous traçât un rapide tableau des actions éclatantes qu'à enfantées cette celèbre inftitution ; ce feroit un recueil bien utile à notre jeune nobleffe dont cette lecture enflammeroit le courage,& affermiroit les bonnes mœurs. Il n'y a point de leçons qui vaillent des exemples; un figne eft au-deffus de tous les préceptes. Voyez les Sauvages, ils ne se conduifent que parce qu'ils voyent. Autrefois chez les Corfes, une mère vouloit venger le meutre de fon mari: elle ne faifoit que montrer au fils la chemise enfanglantée du père, & cette image produifoit plus d'effet que tous les difcours que

me parlez d'amour, fire: eft-ce là une paffion qui doive maitriser les fouverains? ils font foumis à la politique ; elle exige que vous vous hâtiez de donner votre main à la princeffe Philippe. — Mylord, fi vous fçaviez quelle beauté dans ma cour a fçu m'enflammer, vous pouriez moins preffer cette union. Je ne connais, fire, que votre intérêt & votre honneur : tous deux font attachés au mariage projetté depuis fi longtems par la reine votre mère, & je ne cefferai de vous préfenter, j'ose le dire, vos devoirs. Pardonnez à la franchise d'un vieux ferviteur; il n'y a, je le répéte, nul motif qui puiffe reculer l'instant de cet hymen.-Nul motif, Varuccy? on voit bien que l'âge a réfroidi vos fens.. Sire, je brûle plus que jamais de vous fervir: mais vous êtes trop grand, trop généreux, pour m'interdire le langage de la vérité, & il eft de mon honneur de vous la montrer dans toute fa force: fi ce mariage ne se termine pas, vous mécontentez un fouverain puiffant, fon frère à qui vous devez de la reconnaissance, vos

Son frère à qui vous devez, &c. Jean de Haynaut, frère de Philippe comte de Haynaut, touché des malheurs d'Ifabelle mère d'Edouard III, qui étoit venue implorer le fecours du comte, avoit embraffé avec tranfport la caufe de cette prin÷

peuples; vous manquez à vous-même, fire; ressouvenez-vous que vous êtes roi, & roi d'Angleterre ; je parle à Edouard qui, dépouillé de l'éclat du thrône, feroit encore digne de nos respects & de notre admi

ceffe. Jean étoit plein du noble fanatifme de la chevalerie, & brûloit de l'ardeur de tirer l'épée en faveur des Dames; il fçut raffembler autour de lui une foule de gentilshommes diftingués par leur naiffance & leur valeur ; ce fut cette petite troupe qui ne montoit pas dans l'origine à deux mille combattants, dont la bravoure opéra une révolution en Angleterre, & mit le jeune prince de Galles, Edouard III fur le trône. On ne fauroit exprimer jufqu'à quel point l'efprit de chevalerie élevoit l'homme au-deffus de lui-même. On le répete : il feroit à défi→ rer que quelque plume énergique nous traçât un rapide tableau des actions éclatantes qu'à enfantées cette celèbre inftitution; ce feroit un recueil bien utile à notre jeune nobleffe dont cette lecture enflammeroit le courage,& affermiroit les bonnes mœurs. Il n'y a point de leçons qui vaillent des exemples; un figne eft au-deffus de tous les préceptes. Voyez les Sauvages, ils ne fe conduifent que parce qu'ils voyent, Autrefois chez les Corfes, une mère vouloit venger le meutre de fon mari: elle ne faifoit que montrer au fils la chemise enfanglantée du père, & cette image produifoit plus d'effet que tous les difcours que

ration. Nous nous reverrons, Varuccy, & vous fçaurez mes intentions. Laiffez-moi.

Edouard fait appeller Truffel: Je viens de voir le lord Varuccy ; je voulois lui parler de fa fille, d'un amour qu'il n'eft plus en mon pouvoir de fubjuguer je ne fçais pourquoi j'ai hélité à m'expliquer... Cet homme a une infléxibilité que j'estime, & qui cependant me déplait; il m'a, en quelque forte, accablé de sa vertu : feroit-il au-deffus de la féduction? il s'eft obftiné à me repréfenter que je devois hâter un hymen arrêté pour mon malheur. Truffel, vas le voir de ma part, promets-lui ... toutes les richesses, les places les plus brillantes ; qu'il engage fa fille à fe montrer à la cour: fais-lui entrevoir, en ménageant cette fierté d'ame qui me pèle, qu'il peut tout attendre de fon fouverain. Vous croyez, fire, à cette fermeté inébranlable? ce fafte de févérité échouera devant l'attrait des grandeurs. Ce qui réfultera de cette hauteur de fentiments dont votre majefté s'étonne, c'eft que le lord Varuccy mettra fa complaifance à un plus haut prix qu'il n'auroit dû faire; notre devoir, fire, eft de vous obéir, & de briguer la gloire de vous affervir jufqu'à nos moindres vo

lortés pourrions-nous penfer autrement ? vous avez daigné écouter ce Français ! ne fçavez-vous pas que cette nation se pique de fingularité, & d'une certaine galanterie qui n'eft que l'abus de la tendreffe? on diroit que leurs rois ne font que de fimples che valiers, tant ils font attachés à cet honneur prétendu, dont les vrais monarques peuvent s'affranchir, quand il contrarie leurs plaifirs ou leurs intérêts! J'ofe vous répondre, & je ne crois point l'avancer lége rement, que Varuccy fera le premier à preffer fa fille de ne plus fe cacher à vos regards.

Truffel court chez le lord, & demande à lui parler: Varuccy pénétré d'indignation & d'horreur pour le vil courtisan, ne fçauroit pourtant lui refufer l'entretien qu'il follicite ; il pouvoit être envoyé par le roi, & le lord étoit bien éloigné de vouloir manquer à fon fouverain ; une vertu févère ne fait que nous rendre plus facrée la foumiffion que nous devons à nos fupérieurs. Truffel met en ufage tous les refforts d'un génie délié, nourri dans l'artifice & la foupleffe des cours, pour faire entendre quel étoit l'objet de fa vifite; le lord l'écoutoit avec une attention froide & même dédaigneufe; enfin il prend la pa

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