COMMIS EN LA PERSONNE DE HENRY LE GRAND
Que direz-vous, races futures, Si quelquefois un vray discours Vous recite les avantures De nos abominables jours? Lirez-vous sans rougir de honte Que nostre impieté surmonte Les faits les plus audacieux Et les plus dignes du tonnerre Qui firent jamais à la terre Sentir la colere des cieux?
prosperes Ont un change bien apparent!
O du siecle de nos peres que Le nostre s'est fait different!
La France, devant ces orages, Pleine de mœurs et de courages Qu'on ne pouvoit assez loüer, S'est faite aujourd'huy si tragique Qu'elle produit ce que l'Afrique Auroit vergogne d'avoüer.
Quelles preuves incomparables Peut donner un prince de soy, Que les rois les plus adorables N'en quittent l'honneur à mon Roy? Quelle terre n'est parfumée
Des odeurs de sa renommée? Et qui peut nier qu'aprés Dieu Sa gloire, qui n'a point d'exemples, N'ait merité que dans nos temples On luy donne le second lieu?
Qui ne sçait point qu'à sa vaillance Il ne se peut rien adjouster, Qu'on reçoit de sa bien-veillance Tout ce qu'on en doit souhaitter, Et que, si de cette couronne, Que sa tige illustre luy donne Les loix ne l'eussent revestu, Nos peuples, d'un juste suffrage, Ne pouvoient, sans faire naufrage, Ne l'offrir point à sa vertu?
Toutesfois, ingrats que nous sommes, Barbares et dénaturez
Plus qu'en ce climat où les hommes Par les hommes sont devorez, Tousjours nous assaillons sa teste De quelque nouvelle tempeste; Et, d'un courage forcené Rejetant son obeïssance, Luy deffendons la jouïssance Du repos qu'il nous a donné.
La main de cet esprit farouche, Qui, sorty des ombres d'enfer, D'un coup sanglant frappa sa bouche, A peine avoit laissé le fer, Et voicy qu'un autre perfide Où la mesme audace reside, Comme si détruire l'Estat Tenoit lieu de juste conqueste, De pareilles armes s'appreste A faire un pareil attentat.
O soleil, ô grand luminaire! Si jadis l'horreur d'un festin Fit que de ta route ordinaire Tu reculas vers le matin, Et d'un émerveillable change Te couchas aux rives du Gange,
D'où vient que ta severité, Moindre qu'en la faute d'Atrée, Ne punit point cette contrée D'une eternelle obscurité!
Non, non, tu luis sur le coupable, Comme tu fais sur l'innocent; Ta nature n'est point capable Du trouble qu'une ame ressent : Tu dois ta flamme à tout le monde, Et ton allure vagabonde
Comme une servile action
Qui dépend d'une autre puissance, N'ayant aucune cognoissance, N'a point aussi d'affection.
Mais, ô planete belle et claire, Je ne parle pas sagement; Le juste excez de la colere M'a fait perdre le jugement; Ce traître, quelque frenesie Qui travaillast sa fantaisie, Eut encor assez de raison
Pour ne vouloir rien entreprendre, Bel astre, qu'il n'eust veu descendre Ta lumiere sous l'orizon.
Au point qu'il écuma sa rage, Le dieu de Seine estoit dehors
A regarder croistre l'ouvrage Dont ce prince embellit ses bords. Il se resserra tout à l'heure
Au plus bas lieu de sa demeure; Et ses nymphes, dessous les eaux, Toutes sans voix et sans haleine, Pour se cacher furent en peine De trouver assez de roseaux.
La terreur des choses passées, A leurs yeux se ramentevant, Faisoit prevoir à leurs pensées Plus de malheurs qu'auparavant; Et leur estoit si peu croyable Qu'en cet accident effroyable Personne les pust secourir, Que, pour en estre dégagées, Le Ciel les auroit obligées, S'il leur eust permis de mourir.
Revenez, belles fugitives;
Dequoy versez-vous tant de pleurs? Asseurez vos ames craintives, Remettez vos chapeaux de fleurs. Le Roy vit, et ce miserable, Ce monstre vrayment deplorable, Qui n'avoit jamais epreuvé Que peut un visage d'Alcide,
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