Imágenes de páginas
PDF
EPUB

ODE IV

SUR L'ATTENTAT

COMMIS EN LA PERSONNE DE HENRY LE GRAND

LE 19 DÉCEMBRE 1605

1606

Que direz-vous, races futures,
Si quelquefois un vray discours
Vous recite les avantures
De nos abominables jours?
Lirez-vous sans rougir de honte
Que nostre impieté surmonte
Les faits les plus audacieux
Et les plus dignes du tonnerre
Qui firent jamais à la terre
Sentir la colere des cieux?

[ocr errors]

que nos fortunes

prosperes
Ont un change bien apparent!

O du siecle de nos peres
que
Le nostre s'est fait different!

Malherbe.

3

La France, devant ces orages,
Pleine de mœurs et de courages
Qu'on ne pouvoit assez loüer,
S'est faite aujourd'huy si tragique
Qu'elle produit ce que l'Afrique
Auroit vergogne d'avoüer.

Quelles preuves incomparables
Peut donner un prince de soy,
Que les rois les plus adorables
N'en quittent l'honneur à mon Roy?
Quelle terre n'est parfumée

Des odeurs de sa renommée?
Et qui peut nier qu'aprés Dieu
Sa gloire, qui n'a point d'exemples,
N'ait merité que dans nos temples
On luy donne le second lieu?

Qui ne sçait point qu'à sa vaillance
Il ne se peut rien adjouster,
Qu'on reçoit de sa bien-veillance
Tout ce qu'on en doit souhaitter,
Et que, si de cette couronne,
Que sa tige illustre luy donne
Les loix ne l'eussent revestu,
Nos peuples, d'un juste suffrage,
Ne pouvoient, sans faire naufrage,
Ne l'offrir point à sa vertu?

Toutesfois, ingrats que nous sommes,
Barbares et dénaturez

Plus qu'en ce climat où les hommes
Par les hommes sont devorez,
Tousjours nous assaillons sa teste
De quelque nouvelle tempeste;
Et, d'un courage forcené
Rejetant son obeïssance,
Luy deffendons la jouïssance
Du repos qu'il nous a donné.

La main de cet esprit farouche,
Qui, sorty des ombres d'enfer,
D'un coup sanglant frappa sa bouche,
A peine avoit laissé le fer,
Et voicy qu'un autre perfide
Où la mesme audace reside,
Comme si détruire l'Estat
Tenoit lieu de juste conqueste,
De pareilles armes s'appreste
A faire un pareil attentat.

O soleil, ô grand luminaire!
Si jadis l'horreur d'un festin
Fit que de ta route ordinaire
Tu reculas vers le matin,
Et d'un émerveillable change
Te couchas aux rives du Gange,

D'où vient que ta severité,
Moindre qu'en la faute d'Atrée,
Ne punit point cette contrée
D'une eternelle obscurité!

Non, non, tu luis sur le coupable,
Comme tu fais sur l'innocent;
Ta nature n'est point capable
Du trouble qu'une ame ressent :
Tu dois ta flamme à tout le monde,
Et ton allure vagabonde

Comme une servile action

Qui dépend d'une autre puissance,
N'ayant aucune cognoissance,
N'a point aussi d'affection.

Mais, ô planete belle et claire,
Je ne parle pas sagement;
Le juste excez de la colere
M'a fait perdre le jugement;
Ce traître, quelque frenesie
Qui travaillast sa fantaisie,
Eut encor assez de raison

Pour ne vouloir rien entreprendre,
Bel astre, qu'il n'eust veu descendre
Ta lumiere sous l'orizon.

Au point qu'il écuma sa rage,
Le dieu de Seine estoit dehors

A regarder croistre l'ouvrage Dont ce prince embellit ses bords. Il se resserra tout à l'heure

Au plus bas lieu de sa demeure; Et ses nymphes, dessous les eaux, Toutes sans voix et sans haleine, Pour se cacher furent en peine De trouver assez de roseaux.

La terreur des choses passées,
A leurs yeux se ramentevant,
Faisoit prevoir à leurs pensées
Plus de malheurs qu'auparavant;
Et leur estoit si peu croyable
Qu'en cet accident effroyable
Personne les pust secourir,
Que, pour en estre dégagées,
Le Ciel les auroit obligées,
S'il leur eust permis de mourir.

Revenez, belles fugitives;

Dequoy versez-vous tant de pleurs?
Asseurez vos ames craintives,
Remettez vos chapeaux de fleurs.
Le Roy vit, et ce miserable,
Ce monstre vrayment deplorable,
Qui n'avoit jamais epreuvé
Que peut un visage d'Alcide,

« AnteriorContinuar »