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A commencé le parricide,
Mais il ne l'a pas achevé.

Pucelles, qu'on se réjouïsse;
Mettez-vous l'esprit en repos;
Que cette peur s'évanouïsse,
Vous la prenez mal à propos;
Le Roy vit, et les destinées
Luy gardent un nombre d'années
Qui fera maudire le sort
A ceux dont l'aveugle manie
Dresse des plans de tyrannie
Pour bastir quand il sera mort.

O bien-heureuse intelligence,
Puissance, quiconque tu sois,
Dont la fatale diligence
Preside à l'empire françois!
Toutes ces visibles merveilles
De soins, de peines et de veilles,
Qui jamais ne t'ont peu lasser,
N'ont-elles pas fait une histoire
Qu'en la plus ingrate memoire
L'oubly ne sçauroit effacer?

Ces archers aux casaques peintes
Ne peuvent pas n'estre surpris,
Ayans à combattre les feintes.
De tant d'infidelles esprits.

Leur presence n'est qu'une pompe;
Avecque peu d'art on les trompe.
Mais de quelle dexterité

Se peut déguiser une audace,

Qu'en l'ame aussi-tost qu'en la face
Tu n'en lises la verité?

Grand demon d'eternelle marque,
Fais qu'il te souvienne tousjours
Que tous nos maux en ce Monarque
Ont leur refuge et leur secours;
Et qu'arrivant l'heure prescrite,
Que le trépas, qui tout limite,
Nous privera de sa valeur,
Nous n'avons jamais eu d'alarmes
Où nous ayons versé des larmes
Pour une semblable douleur.

Je sçay bien que par la justice,
Dont la paix accroist le pouvoir,
Il fait demeurer la malice
Aux bornes de quelque devoir,
Et que son invincible épée
Sous telle influence est trempée
Qu'elle met la frayeur par tout
Aussi-tost qu'on la voit reluire;
Mais, quand le malheur veut nous nuire,
De quoy ne vient-il point à bout?

Soit que l'ardeur de la priere
Le tienne devant un autel,

Soit

que l'honneur à la barriere
L'appelle à debattre un cartel,
Soit que dans la chambre il medite,

Soit qu'aux bois la chasse l'invite,
Jamais ne t'écarte si loin

Qu'aux embusches qu'on luy peut tendre
Tu ne sois prest à le deffendre,
Sitost qu'il en aura besoin.

Garde sa compagne fidelle,
Cette Reine, dont les bontez
De notre foiblesse mortelle
Tous les defauts ont surmontez.
Fay que jamais rien ne l'ennuye;
Que toute infortune la fuye;
Et qu'aux roses de sa beauté
L'age, par qui tout se consume,
Redonne contre sa coustume
La grace de la nouveauté.

Serre d'une étrainte si ferme
Le noeud de leurs chastes amours
Que la seule mort soit le terme
Qui puisse en arrester le cours.
Bény les plaisirs de leur couche,
Et fay renaistre de leur souche

Des scions si beaux et si vers

Que de leur feuillage sans nombre A jamais ils puissent faire ombre Aux peuples de tout l'univers.

Sur tout, pour leur commune joye,
Devide aux ans de leur Dauphin,
A longs filets d'or et de soye,
Un bonheur qui n'ait point de fin;
Quelques vœux que face l'envie,
Conserve-leur sa chere vie;
Et tiens par elle ensevelis
D'une bonace continuë

Les aquilons, dont sa venuë
A garanty les fleurs de lys.

Conduis-le, sous leur asseurance,
Promptement jusques au sommet
De l'inevitable esperance
Que son enfance leur promet.
Et, pour achever leurs journées,
Que les oracles ont bornées
Dedans le trosne imperial,
Avant que le Ciel les appelle,
Fais-leur ouïr cette nouvelle,
Qu'il a razé l'Escurial.

ODE V

AU ROY HENRY LE GRAND

SUR L'HEUREUX SUCCEZ DU VOYAGE DE SEDAN

1606

En fin, aprés les tempestes,
Nous voicy rendus au port;
En fin nous voyons nos testes
Hors de l'injure du sort.
Nous n'avons rien qui menace
De troubler nostre bonace;
Et ces matieres de pleurs,
Massacres, feux et rapines,
De leurs funestes épines
Ne gasteront plus nos fleurs.

Nos prieres sont ouïes,
Tout est reconcilié;

Nos peurs sont évanouïes,

Sedan s'est humilié,

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