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A peine il a vu le foudre

Party pour le mettre en poudre,
Que, faisant comparaison

De l'espoir et de la crainte,
Pour éviter la contrainte

Il s'est mis à la raison.

Qui n'eust creu que ses murailles,

Que deffendoit un lyon,

N'eussent fait des funerailles
Plus que n'en fit Ilion;

Et qu'avant qu'estre à la feste
De si penible conqueste,
Les champs se fussent vestus
Deux fois de robe nouvelle,
Et le fer eust en javelle
Deux fois les bleds abattus?

Et toutesfois, ô merveille!
Mon Roy, l'exemple des rois,
Dont la grandeur nompareille
Fait qu'on adore ses loix,
Accompagné d'un genie
Qui les volontez manie,
L'a sceu tellement presser
D'obeïr et de se rendre

Qu'il n'a pas eu pour le prendre
Loisir de le menacer.

Tel qu'à vagues épanduës Marche un fleuve imperieux De qui les neiges fonduës Rendent le cours furieux : Rien n'est seur en son rivage; Ce qu'il treuve, il le ravage; Et, traisnant comme buissons Les chesnes et leurs racines, Oste aux campagnes voisines L'esperance des moissons.

Tel, et plus épouventable,
S'en alloit ce conquerant,
A son pouvoir indomptable,
Sa colere mesurant.

Son front avoit une audace
Telle que Mars en la Thrace;
Et les éclairs de ses yeux
Estoient comme d'un tonnerre
Qui gronde contre la terre,
Quand elle a fasché les cieux.

Quelle vaine résistence,
A son puissant appareil
N'eust porté la penitence
Qui suit un mauvais conseil,
Et veu sa faute bornée

D'une cheute infortunée,

Comme la rebellion,
Dont la fameuse folie

Fit voir à la Thessalie
Olympe sur Pelion?

Voyez comme en son courage,
Quand on se range au devoir,
La pitié calme l'orage

Que l'ire a fait émouvoir.
A peine fut reclamée

Sa douceur accoustumée

Que, d'un sentiment humain
Frappé non moins que de charmes,
Il fit la paix, et les armes
Luy tomberent de la main.

Arriere, vaines chimeres
De haines et de rancueurs;
Soupçons de choses ameres,
Eloignez-vous de nos cœurs :
Loin, bien loin, tristes pensées
Où nos miseres passées
Nous avoient ensevelis!

Sous Henry, c'est ne voir goutte
Que de revoquer en doute

Le salut des fleurs de lis.

O Roy, qui du rang des hommes

T'exceptes par ta bonté,

Roy, qui de l'âge où nous sommes
Tout le mal as surmonté;

Si tes labeurs, d'où la France
A tiré sa delivrance,

Sont écrits avecque foy,
Qui sera si ridicule

Qu'il ne confesse qu'Hercule
Fut moins Hercule que toy?

De combien de tragedies,
Sans ton asseuré secours,
Estoient les trames ourdies
Pour ensanglanter nos jours!
Et qu'auroit fait l'innocence,
Si l'outrageuse licence,
De qui le souverain bien
Est d'opprimer et de nuire,
N'eust treuvé pour la détruire
Un bras fort comme le tien?

Mon Roy, cognois ta puissance;
Elle est capable de tout;

Tes desseins n'ont pas naissance
Qu'on en voit déja le bout;
Et la Fortune, amoureuse
De ta vertu genereuse,
Treuve de si doux apas
A te servir et te plaire

Que c'est la mettre en colere
Que de ne l'employer pas.

Use de sa bien-vueillance,
Et luy donne ce plaisir,
Qu'elle suive ta vaillance
A quelque nouveau desir.
Où que tes bannières aillent,
Quoy que tes armes assaillent,
Il n'est orgueil endurcy
Que, brisé comme du verre,
A tes pieds elle n'atterre,
S'il n'implore ta mercy.

Je sçay bien que les oracles
Predisent tous qu'à ton fils
Sont reservez les miracles
De la prise de Memphis;
Et que c'est luy dont l'épée,
Au sang barbare trempée,
Quelque jour apparoissant
A la Grece, qui soupire,
Fera décroistre l'empire
De l'infidelle Croissant.

Mais, tandis que les années
Pas à pas font avancer
L'âge où de ses destinées

La gloire doit commencer,

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