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ΧΙ

PRIERE POUR LE ROY HENRY LE GRAND

ALLANT EN LIMOZIN

1605

O Dieu, dont les bontez, de nos larmes touchées,
Ont aux vaines fureurs les armes arrachées,
Et rengé l'insolence aux pieds de la raison,
Puis qu'à rien d'imparfait ta loüange n'aspire,
Acheve ton ouvrage au bien de cet empire,
Et nous rends l'embonpoint comme la guerison.

Nous sommes sous un Roy si vaillant et si sage,
Et qui si dignement a fait l'apprentissage
De toutes les vertus propres à commander,
Qu'il semble que cet heur nous impose silence,
Et qu'asseurez par luy de toute violence,
Nous n'avons plus sujet de te rien demander.

Certes quiconque a veu pleuvoir dessus nos testes
Les funestes éclats des plus grandes tempestes

Qu'exciterent jamais deux contraires partis,
Et n'en voit aujourd'huy nulle marque paroistre,
En ce miracle seul il peut assez cognoistre
Quelle force a la main qui nous a garantis.

Mais quoy! De quelque soin qu'incessamment il veille,
Quelque gloire qu'il ait à nulle autre pareille,
Et quelque excez d'amour qu'il porte à nostre bien,
Comme échaperons-nous, en des nuits si profondes,
Parmy tant de rochers que luy cachent les ondes,
Si ton entendement ne gouverne le sien?

Un malheur incognu glisse parmy les hommes,
Qui les rend ennemis du repos où nous sommes:
La pluspart de leurs vœux tendent au changement;
Et, comme s'ils vivoient des miseres publiques,
Pour les renouveller ils font tant de pratiques
Que qui n'a point de peur n'a point de jugement.

En ce fascheux estat, ce qui nous reconforte,
C'est que la bonne cause est tousjours la plus forte,
Et qu'un bras si puissant t'ayant pour son appuy,
Quand la rebellion, plus qu'une hydre feconde,
Auroit pour le combattre assemblé tout le monde,
Tout le monde assemblé s'enfuiroit devant luy.

Conforme donc, Seigneur, ta grace à nos pensées; Oste-nous ces objets qui des choses passées

Ramenent à nos yeux le triste souvenir;
Et, comme sa valeur, maistresse de l'orage,
A nous donner la paix a montré son courage,
Fais luire sa prudence à nous l'entretenir.

Il n'a point son espoir au nombre des armées,
Estant bien asseuré que ces vaines fumées
N'adjoustent que de l'ombre à nos obscuritez.
L'aide qu'il veut avoir, c'est que tu le conseilles :
Si tu le fais, Seigneur, il fera des merveilles,
Et vaincra nos souhaits par nos prospéritez.

Les fuites des méchans, tant soient-elles secretes,
Quand il les poursuivra, n'auront point de cachetes;
Aux lieux les plus profonds ils seront éclairez;
Il verra sans effet leur honte se produire,
Et rendra les desseins qu'ils feront pour luy nuire
Aussi tost confondus comme délibérez.

La rigueur de ses loix, aprés tant de licence,
Redonnera le cœur à la foible innocence,
Que dedans la misere on faisoit envieillir.
A ceux qui l'oppressoient il ostera l'audace;
Et, sans distinction de richesse ou de race,
Tous, de peur de la peine, auront peur de faillir.

La terreur de son nom rendra nos villes fortes;
On n'en gardera plus ny les murs ny les portes,

Les veilles cesseront aux sommets de nos tours;
Le fer, mieux employé, cultivera la terre,

Et le peuple, qui tremble aux frayeurs de la guerre, Si ce n'est pour danser, n'aura plus de tambours.

Loin des mœurs de son siecle il bannira les vices,
L'oisive nonchalance et les molles delices,
Qui nous avoient portez jusqu'aux derniers hazarts;
Les vertus reviendront de palmes couronnées,
Et ses justes faveurs, aux merites données,
Feront ressusciter l'excellence des arts.

La foy de ses ayeux, ton amour et ta crainte,
Dont il porte dans l'ame une eternelle emprainte,
D'actes de pieté ne pourront l'assouvir;

Il étendra ta gloire autant que sa puissance,
Et, n'ayant rien si cher que ton obeïssance,
Où tu le fais regner, il te fera servir.

Tu nous rendras alors nos douces destinées;
Nous ne reverrons plus ces fascheuses années
Qui pour les plus heureux n'ont produit que des pleurs.
Toute sorte de biens comblera nos familles,
La moisson de nos champs lassera les faucilles,
Et les fruits passeront la promesse des fleurs.

La fin de tant d'ennuis dont nous fusmes la proye
Nous ravira les sens de merveille et de joye;

Et, d'autant que le monde est ainsi composé
Qu'une bonne fortune en craint une mauvaise,
Ton pouvoir absolu, pour conserver nostre aise,
Conservera celuy qui nous l'aura causé.

Quand un roy faineant, la vergogne des princes,
Laissant à ses flateurs le soin de ses provinces,
Entre les voluptez indignement s'endort,

Quoy que l'on dissimule, on n'en fait point d'estime;
Et, si la verité se peut dire sans crime,

C'est avecque plaisir qu'on survit à sa mort.

Mais ce Roy, des bons rois l'eternel exemplaire,
Qui de nostre salut est l'ange tutelaire,
L'infaillible refuge et l'asseuré secours,
Son extreme douceur, ayant dompté l'envie,
De quels jours assez longs peut-il borner sa vie,
Que nostre affection ne les juge trop cours?

Nous voyons les esprits nez à la tyrannie,
Ennuyez de couver leur cruelle manie,
Tourner tous leurs conseils à notre affliction;
Et lisons clairement dedans leur conscience
Que, s'ils tiennent la bride à leur impatience,
Nous n'en sommes tenus qu'à sa protection.

Qu'il vive donc, Seigneur, et qu'il nous face vivre! Que de toutes ces peurs nos ames il delivre;

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