SUR L'ÉLOIGNEMENT PROCHAIN
Le dernier de mes jours est dessus l'orison: Celle dont mes ennuis avoient leur guerison S'en va porter ailleurs ses appas et ses charmes. Je fais ce que je puis, l'en pensant divertir; Mais tout m'est inutile, et semble que mes larmes Excitent sa rigueur à la faire partir.
Beaux yeux, à qui le Ciel et mon consentement, Pour me combler de gloire, ont donné justement Dessus mes volontez un empire supréme, Que ce coup m'est sensible, et que tout à loisir Je vais bien épreuver qu'un déplaisir extréme Est tousjours à la fin d'un extréme plaisir !
Quel tragique succez ne dois-je redouter Du funeste voyage où vous m'allez oster
Pour un terme si long tant d'aimables delices, Puis que, vostre presence estant mon element, Je pense estre aux enfers et souffrir leurs supplices Lorsque je m'en separe une heure seulement!
Au moins si je voyois cette fiere beauté, Préparant son départ, cacher sa cruauté Dessous quelque tristesse ou feinte ou veritable, L'espoir, qui volontiers accompagne l'amour, Soulageant ma langueur, la rendroit supportable, Et me consoleroit jusques à son retour.
Mais quel aveuglement me le fait desirer? Avec quelle raison me puis-je figurer
Que cette ame de roche une grace m'octroye, Et qu'ayant fait dessein de ruïner ma foy, Son humeur se dispose à vouloir que je croye Qu'elle a compassion à s'éloigner de moy?
Puis, estant son merite infiny comme il est, Dois-je pas me resoudre à tout ce qui luy plaist, Quelques loix qu'elle face et quoy qu'il m'en avienne, Sans faire cette injure à mon affection,
D'appeler sa douleur au secours de la mienne, Et chercher mon repos en son affliction?
Non, non, qu'elle s'en aille, à son contentement, Ou dure ou pitoyable, il n'importe comment;
Je n'ay point d'autre vœu que ce qu'elle souhaite; Et, quand de mes souhaits je n'aurois jamais rien, Le scrt en est jeté, l'entreprise en est faite, Je ne sçaurois brusler d'autre feu que du sien.
Je ne ressemble point à ces foibles esprits Qui, bien-tost delivrés comme ils sont bien-tost pris, En leur fidelité n'ont rien que du langage: Toute sorte d'objets les touche également. Quant à moy, je dispute avant que je m'engage;
Mais, quand je l'ay promis, j'aime eternellement.
A MADAME LA PRINCESSE DE CONTI
Dure contrainte de partir, A quoy je ne puis consentir, Et dont je ne m'ose deffendre, Que ta rigueur a de pouvoir, Et que tu me fais bien apprendre Quel tyran c'est que le devoir!
J'auray donc nommé ces beaux yeux Tant de fois mes rois et mes dieux, Pour aujourd'huy n'en tenir conte, Et permettre qu'à l'avenir On leur impute cette honte De ne m'avoir sceu retenir'
Ils auront donc ce deplaisir Que je meure aprés un desir
Où la vanité me convie,
Et qu'ayant juré si souvent
D'estre auprés d'eux toute ma vie, Mes serments s'en aillent au vent!
Vrayement je puis bien avoüer Que j'aurois tort de me loüer Par-dessus le reste des hommes; Je n'ay point d'autre qualité Que celle du siecle où nous sommes : La fraude et l'infidelité.
Mais à quoy tende nt ces discours, O beauté qui de mes amours Estes le port et le naufrage? Ce que je dy contre ma foy N'est-ce pas un vray témoignage Que je suis déja hors de moy?
Vostre esprit, de qui la beauté Dans la plus sombre obscurité Se fait une insensible voye, Ne vous laisse pas ignorer Que c'est le comble de ma joye Que l'honneur de vous adorer.
Mais pourrois-je n'obeïr pas Au Destin, de qui le compas
« AnteriorContinuar » |