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XVIII

BALET DE MADAME

1609

De petites nymphes qui menent l'Amour prisonnier.

AU ROY.

A la fin tant d'amants, dont les ames blessées
Languissent nuit et jour,

Verront sur leur autheur leurs peines renversées,
Et seront consolez aux dépens de l'Amour.

Ce publique ennemy, cette peste du monde,
Que l'erreur des humains

Fait le maistre absolu de la terre et de l'onde,
Se treuve à la mercy de nos petites mains.

Nous le vous amenons dépouillé de ses armes;
O Roy, l'astre des rois,

Quittez vostre bonté, mocquez-vous de ses larmes,
Et luy faites sentir la rigueur de vos lois.

Commandez que sans grace on luy face justice :
Il sera mal-aisė

Que sa vaine eloquence ait assez d'artifice
Pour démentir les faits dont il est accusé.

Jamais ses passions, par qui chacun soupire,
Ne nous ont fait d'ennuy;

Mais c'est un bruit commun, que dans tout vostre empire
Il n'est point de malheur qui ne vienne de luy.

Mars, qui met sa loüange à deserter la terre
Par des meurtres épais,

N'a rien de si tragique aux fureurs de la guerre
Comme ce déloyal aux douceurs de la paix.

Mais, sans qu'il soit besoin d'en parler davantage,
Vostre seule valeur,

Qui de son impudence a ressenti l'outrage,
Vous fournit-elle pas une juste douleur?

Ne meslez rien de lasche à vos hautes pensées,
Et, par quelques appas

Qu'il demande mercy de ses fautes passées,
Imitez son exemple à ne pardonner pas.

L'ombre de vos lauriers, admirez de l'envie,
Fait l'Europe trembler;

Attachez bien ce monstre, ou le privez de vie :

Vous n'aurez jamais rien qui vous puisse troubler.

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XIX

POUR ALCANDRE

1609

« Quelque ennuy donc qu'en cette absence,

Avec une injuste licence,

Le Destin me face endurer,

Ma peine luy semble petite,
Si chaque jour il ne l'irrite

D'un nouveau sujet de pleurer!

rage

« Parolles que permet la
A l'innocence qu'on outrage,
C'est aujourd'huy vostre saison;
Faites-vous ouïr en ma plainte :
Jamais l'ame n'est bien atteinte
Quand on parle avecque raison.

<< O fureurs dont mesmes les Scythes N'useroient pas vers des merites

Qui n'ont rien de pareil à soy!
Ma dame est captive, et son crime,
C'est que je l'aime, et qu'on estime
Qu'elle en fait de mesme de moy!

<< Rochers où mes inquietudes
Viennent chercher les solitudes
Pour blasphemer contre le sort,
Quoy qu'insensibles aux tempestes,
Je suis plus rocher que vous n'estes,
De le voir et n'estre pas mort!

« Assez de preuves à la guerre,
D'un bout à l'autre de la terre,
Ont fait paroistre ma valeur;
Icy je renonce à la gloire,
Et ne veux point d'autre victoire
Que de ceder à ma douleur.

« Quelquefois les dieux, pitoyables,
Terminent des maux incroyables;
Mais, en un lieu que tant d'appas
Exposent à la jalousie,

Ne seroit-ce pas frenesie
De ne les en soupçonner pas?

« Qui ne sçait combien de mortelles Les ont fait soupirer pour elles,

Et, d'un conseil audacieux,
En bergers, bestes et satyres,
Afin d'appaiser leurs martyres,

Les ont fait descendre des cieux?

<< Non, non; si je veux un remede,
C'est de moy qu'il faut qu'il procede,
Sans les importuner de rien :
J'ai sceu faire la delivrance

Du malheur de toute la France;
Je la sçauray faire du mien.

<< Hastons donc ce fatal ouvrage;
Trouvons le salut au naufrage,
Et multiplions dans les bois.

Les herbes, dont les feuilles peintes
Gardent les sanglantes empraintes
De la fin tragique des rois.

<<< Pour le moins la haine et l'envie Ayant leur rigueur assouvie

Quand j'auray clos mon dernier jour,
Oranthe sera sans alarmes,

Et mon trépas aura des larmes
De quiconque aura de l'amour. »

A ces mots, tombant sur la place,
Transi d'une mortelle glace,

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