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Alcandre cessa de parler;
La nuit assiegea ses prunelles,
Et son ame, estendant les ailes,
Fut toute preste à s'en voler.

<«< Que fais-tu, Monarque adorable,
Luy dit un demon favorable,
En quels termes te reduis-tu?
Veux-tu succomber à l'orage,
Et laisser perdre à ton courage
Le nom qu'il a pour sa vertu?

« N'en doute point, quoy qu'il avienne, La belle Oranthe sera tienne;

C'est chose qui ne peut faillir.

Le temps adoucira les choses,

Et tous deux vous aurez des roses

Plus que yous n'en sçaurez cueillir. »

XX

POUR ALCANDRE

AU RETOUR D'ORANTHE A FONTAINEBLEAU

1609

Revenez, mes plaisirs, Madame est revenuë,
Et les vœux que j'ay faits pour revoir ses beaux yeux,
Rendant par mes soupirs ma douleur recognuë,
Ont eu grace des cieux.

Les voicy de retour, ces astres adorables,
Où prend mon ocean son flus et son reflus;
Soucis, retirez-vous, cherchez les miserables:
Je ne vous cognois plus!

Peut-on voir ce miracle, où le soin de Nature
A semé comme fleurs tant d'aimables appas,
Et ne confesser point qu'il n'est pire avanture
Que de ne la voir pas?

Certes l'autre soleil, d'une erreur vagabonde,
Court inutilement par ses douze maisons :
C'est elle, et non pas luy, qui fait sentir au monde
Le change des saisons.

Avecque sa beauté toutes beautez arrivent;
Ces desers sont jardins de l'un à l'autre bout,
Tant l'extrême pouvoir des graces qui la suivent
Les penetre par tout.

Ces bois en ont repris leur verdure nouvelle;
L'orage en est cessé, l'air en est éclaircy,
Et mesme ces canaux ont leur course plus belle
Depuis qu'elle est icy.

De moy, que les respects obligent au silence,
J'ay beau me contrefaire et beau dissimuler,
Les douceurs où je nage ont une violence
Qui ne se peut celer.

Mais, ô rigueur du sort! tandis que je m'arreste
A chatoüiller mon ame en ce contentement,
Je ne m'apperçois pas que le Destin m'appreste
Un autre partement.

Arriere ces pensers que la crainte m'envoye!
Je ne sçay que trop bien l'inconstance du sort;
Mais de m'oster le goust d'une si chere joye,
C'est me donner la mort.

XXI

ALCANDRE

PLAINT LA CAPTIVITÉ DE SA MAISTRESSE

1600

« Que d'épines, Amour, accompagnent tes roses! Que d'une aveugle erreur tu laisses toutes choses A la mercy du sort!

Qu'en tes prosperitez à bon droit on soupire,
Et qu'il est mal-aisé de vivre en ton empire,
Sans desirer la mort!

« Je sers, je le confesse, une jeune merveille En rares qualitez à nulle autre pareille,

Seule semblable à soy,

Et, sans faire le vain, mon avanture est telle
Que, de la mesme ardeur que je brusle pour elle,
Elle brusle pour moy.

<< Mais parmy tout cet heur, ô dure destinée,
Que de tragiques soins, comme oiseaux de Phinée,
Sens-je me dévorer!

Et ce que je supporte avecques patience,
Ay-je quelque ennemy, s'il n'est sans conscience,
Qui le vist sans pleurer?

<«< La mer a moins de vents qui ses vagues irritent
Que je n'ay de pensers qui tous me solicitent
D'un funeste dessein :

Je ne treuve la paix qu'à me faire la guerre,
Et, si l'enfer est fable au centre de la terre,
Il est vray dans mon sein.

Depuis que le soleil est dessus l'hemisphere, Qu'il monte ou qu'il descende, il ne me voit rien faire Que plaindre et soupirer;

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Des autres actions j'ay perdu la coustume;

Et ce qui s'offre à moy, s'il n'a de l'amertume,
Je ne puis l'endurer.

<< Comme la nuit arrive, et que par le silence, Qui fait des bruits du jour cesser la violence, L'esprit est relasché,

Je

voy de tous costez, sur la terre et sur l'onde, Les pavots qu'elle seme assoupir tout le monde, Et n'en suis point touché.

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