«S'il m'avient quelquefois de clorre les paupieres, Aussi-tost ma douleur en nouvelles matieres Fait de nouveaux efforts; Et, de quelque souci qu'en veillant je me ronge, << Tantost cette beauté, dont ma flamme est le crime, Tantost je me la voy d'un pirate ravie, << En ces extrémitez, la pauvrette s'écrie : Alcandre, mon Alcandre, oste-moi, je te prie, << Du malheur où je suis! » La fureur me saisit, je mets la main aux armes; << Voila comme je vy; voila ce que j'endure, Tout ce qui me la blasme offense mon oreille, « On me dit qu'à la fin toute chose se change, Mais, voyant tous les jours ses chaisnes se rétraindre, << Non, non; je veux mourir, la raison m'y convie; Aussi bien le sujet qui m'en donne l'envie Ne peut estre plus beau; Et le sort, qui détruit tout ce que je consulte, Ainsi le grand Alcandre aux campagnes de Seine Le fleuve en fut ému, ses nymphes se cacherent, Perdit toutes ses fleurs. XXII [SUR LE MÊME SUJET] 1610 «Donc cette merveille des cieux, << Mes vœux donc ne servent de rien ! << O beauté, Reyne des beautez! Seule de qui les volontez Maiherbe. 19 Vous lisez bien en mon visage Dont le Ciel m'a voulu punir; Et sçavez bien aussi que je ne vous demande, Dites-moy donc sans artifice, Quand je luy voüay mon service, N'est-ce pas un objet digne d'avoir un temple, Au retour des saisons nouvelles, En trouverez-vous une où le soin de nature Peut-on assez vanter l'yvoire De son front où sont en leur gloire La douceur et la majesté, Ses yeux moins à des yeux qu'à des soleils semblables, Et de ses beaux cheveux les nous inviolables, D'où n'échappe jamais rien qu'elle ait arreste? Adjoûtez à tous ces miracles Ont tousjours de nouveaux thresors; Prenez garde à ses mœurs, considerez-la toute : Ne m'avoürez-vous pas que vous estes en doute Ce qu'elle a plus parfait, ou l'esprit, ou le corps? Mon Roy, par son rare merite, A fait que la terre est petite Pour un nom si grand que le sien; Mais, si mes longs travaux faisoient cette conqueste, Quelques fameux lauriers qui luy couvrent la teste, Il n'en auroit pas un qui fust égal au mien. Aussi, quoy que l'on me propose Et qu'on n'en peut rien obtenir, Puis qu'à si beau dessein mon desir me convie, Ou mon extréme foy m'y fera parvenir. Si les tygres les plus sauvages Flattez par un doux traitement, Par la mesme raison, pourquoy n'est-il croyable |