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XIV

EPITAPHE

DE MADEMOISELLE DE CONTY

MARIE DE BOURBON

1610

Tu vois, passant, la sepulture
D'un chef-d'œuvre si precieux
Qu'avoir mille rois pour ayeux
Fut le moins de son avanture.

O quel affront à la nature
Et quelle injustice des cieux,
Qu'un moment ait fermé les yeux
D'une si belle creature!

On doute pour quelle raison
Les Destins, si hors de saison,
De ce monde l'ont appellée :

Mais leur pretexte le plus beau,
la terre estoit bruslée,

C'est que
S'ils n'eussent tué ce flambeau.

XV

A MONSEIGNEUR LE DAUPHIN

Av. 1610

Que l'honneur de mon Prince est cher aux Destinées!
Que le demon est grand qui luy sert de support,
Et que visiblement un favorable sort

Tient ses prospéritez l'une à l'autre enchaisnées !

Ses filles sont encor en leurs tendres années,
Et déja leurs appas ont un charme si fort
Que les rois les plus grands du Ponant et du Nort
Bruslent d'impatience aprés leurs hymenées.

Pensez à vous, Dauphin; j'ay predit en mes vers
Que le plus grand orgueil de tout cet univers
Quelque jour à vos pieds doit abaisser la teste;

Mais ne vous flattez point de ces vaines douceurs : Si vous ne vous hastez d'en faire la conqueste, Vous en serez frustré par les yeux de vos sœurs.

XVI

EPITAPHE

DE FEU MONSEIGNEUR LE DUC D'ORLÉANS

1611

Plus Mars que Mars de la Thrace,

Mon pere victorieux

Aux rois les plus glorieux

Osta la premiere place.

Ma mere vient d'une race
Si fertile en demy-dieux
Que son éclat radieux

Toutes lumieres efface.

Je suis poudre toutefois,
Tant la Parque a fait ses loix
Egales et necessaires.

Rien ne m'en a sceu parer :
Apprenez, ames vulgaires,
A mourir sans murmurer.

XVI.

A LA REINE MERE DU ROY

• [MARIE DE MÉDICIS]

SUR LA MORT DE MONSEIGNEUR LE DUC D'ORLÉANS 1611

Consolez-vous, Madame, appaisez vostre plainte :
La France, à qui vos yeux tiennent lieu de soleil,
Ne dormira jamais d'un paisible sommeil,
Tant que sur vostre front la douleur sera peinte.

Rendez-vous à vous-mesme, asseurez vostre crainte,
Et de vostre vertu recevez ce conseil,

Que souffrir sans murmure est le seul appareil
Qui peut guerir l'ennuy dont vous estes atteinte.

Le Ciel, en qui vostre ame a borné ses amours,
Estoit bien obligé de vous donner des jours
Qui fussent sans orage, et qui n'eussent point d'ombre;

Mais, ayant de vos fils les grands cœurs découverts,
N'a-t-il pas
moins failli d'en oster un du nombre
Que d'en partager trois en un seul univers?

XVIII

A M. DU MAINE

SUR SES EUVRES SPIRITUELLES

1611

Tu me ravis, du Maine, il faut que je l'advoüe,
Et tes sacrez discours me charment tellement
Que, le monde aujourd'huy ne m'estant plus que boüe,
Je me tiens profané d'en parler seulement.

Je renonce à l'amour, je quitte son empire,
Et ne veux point d'excuse à mon impieté,
Si la beauté des cieux n'est l'unique beauté
Dont on m'orra jamais les merveilles écrire.

Caliste se plaindra de voir si peu durer
La forte passion qui me faisoit jurer

Qu'elle auroit en mes vers une gloire eternelle;

Mais, si mon jugement n'est point hors de son lieu,

Doy-je estimer l'ennuy de me separer d'elle

Autant que le plaisir de me donner à Dieu?

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