POUR M. LE CARDINAL DE RICHELIEU
Peuples, çà, de l'encens ! peuples, çà, des victimes A ce grand Cardinal, grand chef-d'œuvre des cieux, Qui n'a but que la gloire, et n'est ambitieux Que de faire mourir l'insolence des crimes!
A quoy sont employez tant de soins magnanimes Où son esprit travaille et fait veiller ses yeux, Qu'à tromper les complots de nos seditieux, Et soumettre leur rage aux pouvoirs legitimes?
Le merite d'un homme, ou savant, ou guerrier, Trouve sa recompense aux chapeaux de laurier, Dont la vanité grecque a donné les exemples.
Le sien, je l'ose dire, est si grand et si haut Que si, comme nos Dieux, il n'a place en nos temples, Tout ce qu'on luy peut faire est moins qu'il ne luy faut.
Que mon fils ait perdu sa dépouille mortelle, Ce fils qui fut si brave et que j'aimay si fort, Je ne l'impute point à l'injure du sort, Puis que finir à l'homme est chose naturelle.
Mais que de deux marauds la surprise infidelle Ait terminé ses jours d'une tragique mort, En cela ma douleur n'a point de reconfort, Et tous mes sentiments sont d'accord avec elle.
O mon Dieu, mon Sauveur, puis que, par la raison, Le trouble de mon ame estant sans guerison, Le vœu de la vengeance est un vœu legitime,
Fay que de ton appuy je sois fortifié. Ta justice t'en prie, et les autheurs du crime Sont fils de ces bourreaux qui t'ont crucifié.
SUR LA PASTORALE DE L'AMOUR CONTRAIRE
Si l'on peut acquerir par la plume la gloire D'un des plus beaux esprits qui soit en l'univers, Je veux laisser juger aux filles de Memoire La grace et le parler de tes amoureux vers :
Il semble, en les voyant, que l'on lise une histoire Traversée en amour d'accidents tous divers, Dont le discours parfait à tout chacun fait croire Que la prose n'est rien au prix de tes beaux vers.
Quand elles auront veu ce sujet, qui ravy, Si doctement dépeint, si dignement suivy, Sans doute elles diront, ainsi que je le pense,
favoriser les hommes et les Dieux Et purger d'ignorans tout ce qu'on voit des cieux, Il te faut marier avecque l'Eloquence.
SUR LA MORT D'UN GENTILHOMME
Belle ame, aux beaux travaux sans repos adonnée, Si, parmy tant de gloire et de contentement, Rien te fasche là-bas, c'est l'ennuy seulement Qu'un indigne trépas ait clos ta destinée.
Tu penses que d'Yvry la fatale journée, Où ta belle vertu parut si clairement, Avecque plus d'honneur et plus heureusement. Auroit de tes beaux jours la carriere bornée.
Toutesfois, bel esprit, console ta douleur : Il faut par la raison adoucir le malheur, Et telle qu'elle vient prendre son avanture.
Il ne se fit jamais un acte si cruel; Mais c'est un témoignage à la race future Qu'on ne t'auroit sceu vaincre en un juste duel.
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