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Ces colosses d'orgueil furent tous mis en poudre,
Et tous couverts des monts qu'ils avoient arrachez;
Phlegre, qui les receut, pût encore la foudre
Dont ils furent touchez.

L'exemple de leur race, à jamais abolie,
Devoit sous ta mercy tes rebelles ployer;
Mais seroit-ce raison qu'une mesme folie
N'eust pas mesme loyer?

Déja l'étonnement leur fait la couleur blesme,
Et ce lasche voisin qu'ils sont allé querir,
Miserable qu'il est, se condamne luy-mesme
A fuir ou mourir.

Sa faute le remord: Megere le regarde,
Et luy porte l'esprit à ce vray sentiment,
Que d'une injuste offense il aura, quoy qu'il tarde,
Le juste chastiment.

Bien semble estre la mer une barre assez forte
Pour nous oster l'espoir qu'il puisse estre battu;
Mais est-il rien de clos dont ne t'ouvre la porte
Ton heur et ta vertu?

Neptune, importuné de ses voiles infames,
Comme tu paroistras au passage des flots,

Voudra

que ses

Tritons mettent la main aux rames, Et soient tes matelots.

Là rendront tes guerriers tant de sortes de preuves,
Et d'une telle ardeur pousseront leurs efforts,
Que le sang estranger fera monter nos fleuves
Au-dessus de leurs bords.

Par cet exploit fatal en tous lieux va renaistre
La bonne opinion des courages françois;
Et le monde croira, s'il doit avoir un maistre,
Qu'il faut que tu le sois.

O que, pour avoir part en si belle avanture,
Je me souhaiterois la fortune d'Eson,
Qui, vieil comme je suis, revint contre nature
En sa jeune saison!

De quel peril extreme est la guerre suivie,
Où je ne fisse voir que tout l'or du Levant
N'a rien que je compare aux honneurs d'une vie
Perduë en te servant?

Toutes les autres morts n'ont merite ny marque:
Celle-ci porte seule un éclat radieux

Qui fait revivre l'homme, et le met de la barque
A la table des dieux.

Mais quoy! tous les pensers dont les ames bien nées Excitent leur valeur et flattent leur devoir,

Que sont-ce que regrets, quand le nombre d'années Leur oste le pouvoir?

Ceux à qui la chaleur ne bout plus dans les veines
En vain dans les combats ont des soins diligens;
Mars est comme l'Amour: ses travaux et ses peines
Veulent de jeunes gens.

Je suis vaincu du temps, je cede à ses outrages;
Mon esprit seulement, exempt de sa rigueur,
A de quoy témoigner en ses derniers ouvrages
Sa premiere vigueur.

Les puissantes faveurs dont Parnasse m'honore
Non loin de mon berceau commencerent leur cours;
Je les posseday jeune, et les possede encore
A la fin de mes jours.

Ce que j'en ay receu, je veux te le produire;
Tu verras mon adresse, et ton front, cette fois,
Sera ceint de rayons qu'on ne vit jamais luire
Sur la teste des rois.

Soit que de tes lauriers ma lyre s'entretienne,
Soit que de tes bontez je la face parler,
Quel rival assez vain pretendra que la sienne
Ait de quoy m'égaler?

Le fameux Amphion, dont la voix nompareille,
Bastissant une ville, étonna l'univers,

Quelque bruit qu'il ait eu, n'a point fait de merveille
Que ne facent mes vers.

Par eux de tes beaux faits la terre sera pleine,
Et les peuples du Nil, qui les auront ouïs,
Donneront de l'encens, comme ceux de la Seine,
Aux autels de Louis.

ODE X

A M. DE LA GARDE

AU SUJET DE SON HISTOIRE SAINCTE

1628

La Garde, tes doctes écrits
Montrent le soin que tu as pris
A sçavoir toutes belles choses;
Et ta prestance et tes discours
Etalent un heureux concours
De toutes les graces écloses.

Davantage tes actions
Captivent les affections

Des cœurs,
des yeux et des oreilles,
Forçant les personnes d'honneur
De te souhaiter tout bonheur
Pour tes qualitez nonpareilles.

Tu sçais bien que je suis de ceux
Qui ne sont jamais paresseux

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