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I des maux, renaissans avecq' ma patience,

SN'ont pouvoir d'arrester un esprit si hautain,

Le temps est medecin d'heureuse expérience:
Son remede est tardif, mais il est bien certain.

Le temps à mes douleurs promet une allégeance,
Et de voir vos beautez se passer quelque jour;
Lors je seray vengé, si j'ay de la vengeance
Pour un si beau sujet pour qui j'ay tant d'amour.

Vous aurez un mary sans estre guère aimée,
Ayant de ses desirs amorty le flambeau;

Et de cette prison, de cent chaisnes fermée,
Vous n'en sortirez point que par l'huis du tombeau.

Tant de perfections qui vous rendent superbe,
Les restes d'un mary, sentiront le reclus;
Et vos jeunes beautez flétriront comme l'herbe
Que l'on a trop foulée et qui ne fleurit plus.

Vous aurez des enfants, des douleurs incroyables,
Qui seront prés de vous et crieront à l'entour;
Lors fuiront de vos yeux les soleils agreables,
Y laissant pour jamais des estoilles autour.

Si je passe en ce temps dedans vostre province,
Vous voyant sans beautez et moy rempli d'honneur
(Car peut-estre qu'alors les bienfaits d'un grand prince
Marieront ma fortune avecques le bonheur),

Ayant un souvenir de ma peine fidelle,

Mais n'ayant point à l'heure autant que j'ay d'ennuis,
Je diray: «< Autrefois cette femme fut belle,
Et je fus autrefois plus sot que je ne suis. »

II

POUR MONSIEUR DE MONTPENSIER

A MADAME DEVANT SON MARIAGE

1591 ou 1592

Beau ciel par qui mes jours sont troubles ou sont calmes,
Seule terre où je prens mes cyprés et mes palmes,
Catherine, dont l'œil ne luit que pour les dieux,
Punissez vos beautez plutost que mon courage,
Si, trop haut s'élevant, il adore un visage
Adorable par force à quiconque a des yeux.

Je ne suis pas ensemble aveugle et temeraire,
Je cognoy bien l'erreur que l'amour m'a fait faire,
Cela seul icy-bas surpassoit mon effort;

Mais mon ame qu'à vous ne peut estre asservie,
Les destins n'ayant point establi pour ma vie
Hors de cet ocean de naufrage ou de port.

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Beauté, par qui les dieux, las de nostre dommage, Ont voulu reparer les défauts de nostre âge,

Je mourrai dans vos feux; éteignez-les ou non, Comme le fils d'Alcmene, en me bruslant moi-mesme: Il suffit qu'en mourant dans cette flamme extréme, Une gloire eternelle accompagne mon nom.

On ne doit point sans sceptre aspirer où j'aspire :
C'est pourquoy, sans quitter les loix de vostre empire,
Je veux de mon esprit tout espoir rejeter.

Qui cesse d'esperer, il cesse aussi de craindre;
Et, sans atteindre au but où l'on ne peut atteindre,
Ce m'est assez d'honneur que j'y voulois monter.

Je maudis le bon-heur où le Ciel m'a fait naistre,
Qui m'a fait desirer ce qu'il m'a fait cognoistre :
Il faut ou vous aimer, ou ne vous faut point voir.
L'astre qui luit aux grands, en vain, à ma naissance,
Espandit dessus moy tant d'heur et de puissance,
Si pour ce que je veux j'ay trop peu de pouvoir.

Mais il le faut vouloir, et vaut mieux se resoudre,
En aspirant au ciel, estre frappé de foudre
Qu'aux desseins de la terre asseuré se ranger.
J'ay moins de repentir plus je pense à ma faute,
Et la beauté des fruits d'une palme si haute
Me fait par le desir oublier le danger.

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