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Mais que direz-vous pour deffendre
Ce prodige de cruauté,

Par qui vous semblez entreprendre
De ruïner vostre beauté?

Que vous ont fait ces beaux cheveux, Dignes objets de tant de vœux,

Pour endurer votre colere,

Et, devenus vos ennemis,

Recevoir l'injuste salaire

D'un crime qu'ils n'ont point commis?

Quelles aymables qualitez

En celuy que vous regrettez
Ont pu meriter qu'à vos roses
Vous ostiez leur vive couleur,
Et livriez de si belles choses

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Remettez-vous l'ame en repos,
Changez ces funestes propos;
la fin de vos tempestes,

Et, par
Obligeant tous les beaux esprits,
Conservez au siecle où vous estes
Ce que vous luy donnez de prix.

Amour, autresfois en vos yeux
Plein d'appas si delicieux,

Devient melancolique et sombre, Quand il voit qu'un si long ennuy Vous fait consumer pour une ombre Ce que vous n'avez que pour luy.

S'il vous ressouvient du pouvoir
Que ses traits vous ont fait avoir,
Quand vos lumieres estoient calmes,
Permettez-luy de vous guerir,
Et ne differez point les palmes
Qu'il brusle de vous acquerir.

Le Temps, d'un insensible cours,
Nous porte à la fin de nos jours:
C'est à nostre sage conduite,
Sans murmurer de ce défaut,
De nous consoler de sa fuite
En le ménageant comme il faut.

V

DESSEIN DE QUITTER UNE DAME

QUI NE LE CONTENTOIT QUE DE PROMESSE

Av. 1599

Beauté, mon beau soucy, de qui l'ame incertaine
A, comme l'ocean, son flus et son reflus,
Pensez de vous resoudre à soulager ma peine,
Ou je me vay resoudre à ne le souffrir plus.

Vos yeux ont des appas que j'aime et que je prise,
Et qui peuvent beaucoup dessus ma liberté;
Mais, pour me retenir, s'ils font cas de ma prise,
Il leur faut de l'amour autant que de beauté.

Quand je pense estre au point que cela s'accomplisse,
Quelque excuse tousjours en empesche l'effet:
C'est la toile sans fin de la femme d'Ulysse,
Dont l'ouvrage du soir au matin se deffait.

Madame, avisez-y, vous perdez votre gloire
De me l'avoir promis et vous rire de moy.

S'il ne vous en souvient, vous manquez de memoire,
Et s'il vous en souvient, vous n'avez point de foy.

J'avois tousjours fait compte, aimant chose si haute,
De ne m'en separer qu'avecque le trespas;
S'il arrive autrement, ce sera votre faute,
De faire des sermens et ne les tenir pas.

VI

CONSOLATION A M. DU PERIER

GENTIL-HOMME D'AIX EN PROVENCE

SUR LA MORT DE SA FILLE

1599

Ta douleur, Du Perier, sera donc eternelle,
Et les tristes discours

Que te met en l'esprit l'amitié paternelle

L'augmenteront tousjours!

Le malheur de ta fille, au tombeau descenduë
Par un commun trépas,

Est-ce quelque dédale où ta raison perduë
Ne se retreuve pas?

Je sçay de quels appas son enfance estoit pleine,
Et n'ay pas entrepris,
Injurieux ami, de soulager ta peine,

Avecque son mépris.

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