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Il s'occupa donc durant tout fon voyage à revoir & à mettre en ordre fes Vers. Et comme il refolut de les dédier à Cornelius homme célebre par fa qualité & par fon érudition, il fit pour lui ces Vers qui fervirent d'Epître à la tête de son Livre.

Ad Cornelium Nepotem. Carm. I

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Voi dono lepidum novum libellum,

Arida modo pumice expolitym?
Corneli, tibi. namque tu folebas
Meas effe aliquid putare nugas

Jam tum, quam aufus es unus Italorum
Omne avum tribus explicare chartis
Doctis, fuppiter, & laboriofis.

Quare habe tibi quicquid hoc libelli eft
Qualecumque: quod, ô patrima Virgo,
Plus une maneat perenne faclo.

IMITATION DU LATIN.

Mon cherCornelius,je vous offre mon Livre

Je l'ai revû cent fois en rigoureux cenfeur,
Et peutêtre qu'il pourra vivre
Longtems après fon auteur.

Vous aimiez mes folies,

Lors même qu'occupé de foins plus importans, Dans unLivre fort court,mais rempli de lumiere Malgré l'obscurité des tems,

Vous donniez desRomains l'hiftoire toute entiere.

Recevez donc l'hommage,

Que je vous fais de mon Ouvrage, Et puiffe votre nom, dont j'implore l'appui, Faire durer le mien autant que lui.

:

Voilà la dédicace du Livre de Catulle il n'y employe pas plus de dix ou douze Vers. Bel exemple pour les faifeurs de Livres d'aujourd'hui, qui grof fiffent des Volumes par de lon

gues Epîtres, & par de fades & ennuyeufes Préfaces.

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Ces Vers que Catulle réfo lut de rendre publics, & dont la plus grande partie étoient adreffez à Lefbie, lui rappellerent le fouvenir de cette belle Maîtreffe, qui n'étoit pas encore effacée de fon cœur. Il commença à s'examiner avec moins de prévention qu'il n'a- ̈ voit fait jufqu'alors, & il trou va qu'il étoit auffi charmé de Lefbie qu'il l'eût jamais été.

Que je fuis malheureux s'é. I cria-t-il: quoi il faut que j'ai me éternellement une ingrate qui m'a abandonné avec la plus grande injustice du monde? Dequoi me fert de paffer pour avoir plus d'efprit que le refte des hommes, fi cet efprit m'est

inutile dans une occafion fi importante? Ah ! que ne fuis-je plûtôt le plus groffier de tous les hommes! j'aurois moins de fenfibilité; & fi je ne ceffois. pas d'aimer Lesbie, je cefferois au moins de vouloir l'oublier. Y a-t-il une peine pa reille à celle de faire tous fes efforts pour haïr une perfonne, & d'aimer cependant toûjours cette même perfonne?

Mais pourquoi veuxveux-je la haïr? reprenoit-il enfuite, après avoir été quelque tems comme affoupi & accablé des douloureuses pensées qui rouloient dans fon efprit: Qui fçait,difoitil, fi elle ne fe repent point de l'injuftice qu'elle m'a faite ? Qui fçait fi elle ne m'aime point encore? & fi un fentiment de

fierté & de gloire qui s'oppofe à fon amour ne la fait point au. tant fouffrir que moi ? Quoi qu'il en foit, pourquoi veux-je combattre ma destinée ? Je fuis né pour aimer Lesbie,il faut l'aimer, quoi qu'il puiffe en arriver: dúffai je être le plus infortuné des Amans, il fa ut être le plus conftant & le plus fidele: les Dieux auront peutêtre pitié d'un amour fi malheureux & fi opiniâtre.

Catulle s'arrêta à cette réfolution. Et comme il ne fe fit plus en lui de combat entre l'amour & le dépit, il fe trouva tout d'un coup dans un repos qu'il n'avoit point encore goûté depuis le jour qu'il s'é toit brouillé avec Lefbie; & il s'abandonna agréablement aux

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