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Enfin je reçûs cette grande lettre où vous m'appreniez toute vôtre avanture avec Craftinie, & vôtre brouillerie avec Céfar. Je donnai ce te lettre à Sératine, qui feignant de me l'avoir prife, fans que je le fçuffe, n'eut pas de peine à la faire lire

à Léfbie.

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́ ́ Ahs'écria-t-elle en regardant Sératine, pourquoi m'avezvous montré cette fatale lettre? que me faites-vous envisager? Catulle m'aime encore il abandonne pour moi le foin de fa fortune. J'avouerai que cette idée me donne une joie que je ne puis m'empêcher de fentir plus que je ne devrois. Mais que cette joie d'un moment attirera de chagrins après foi Je n'avois deja que trop

de peine à oublier Catulle criminel, & je ne pourrai m'empêcher de l'aimer innocent. Jugez, continua-t-elle, ma chere Sératine, jugez de l'accablement où je dois être : car enfin j'ai pour Cinna une confideration qui ne me permettra jamais de me relâcher à la moindre chofe, dont la vertu la plus fcrupuleuse puiffe être bleffée: cependant j'aime Catulle. Jel'aimois tout inconstant & tout perfide qu'il me paroiffoit; vous venez de me le juftifier. Ah qu'avez vous fait ?

Sératine ne faifoit que la plaindre, & elle n'ofoit combattre ni fes réfolutions, ni fa douleur;elle la prioit feulement de tems de tems de permettre que je revinffe chez elle: mais

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elle ne put l'y faire confentir que lorsque le Dictateur fut de retour en Italie. Je ne vous dirai rien des magnificences de fon entrée dans Rome, vous pouvez vous les imaginer, & le récit en eft inutile à vôtre Hiftoire.

Craftinie arriva avec lui. Mais elle parut fi fiere, elle prit avec toutes les anciennes amies des manieres fi orgueil. leutes, qu'elle s'attira bientôt la haine de tout le monde. Lesbie furtout ne pouvoit s'accoûtumer à fouffrir cette fierté ridicule qui n'étoit pas la feule raifon de la haine qu'elle conçût contre Craftinie. L'attachement que cette indifcrette fille difoit par tout que vous aviez eu pour elle, l'irrita bien

plus que toutes les hauteurs qu'elle lui voioit: elle ne vou loit pourtant pas qu'on péné, trât les caufes des fentimens d'aigreur & de mépris qu'elle faifoit paroître pour Craftinie. Le trouble que caufa dans toute l'Italie la recompenfe des vieux foldats de Céfar, à qui il donnoit quelquefois des ter res & des maifons qui appartenoient à d'illuftres Romains. qui n'avoient point porté les armes contre lui, obligea plu fieurs perfonnes de l'un & de l'autre fexe à aller le trouver, pour leurs propres interêts, ou pour ceux de leurs amis. Lef. bie fut une des premieres qui alla lui demander une juftice pour une de fes parentes,qui ne pouvoit venir elle-même fe jetter à fes pieds. I iiij

fe

Elle n'eut pas du Dictateur toute la fatisfaction qu'elle efperoit. Et elle fut fi irritée du refus qu'il lui fit, que voulant vanger de quelque.maniere que ce fut, elle pria auffitôt Sératine de m'amener chez elle. Lorfque j'y parus, vous voyez, me dit elle, Licinius, que mon deftin eft de vous vouloir bannir de ma mémoire, & de ne pouvoir me paffer de vous : elle me raconta enfuite les fujets de chagrin qu'elle avoit contre le Dictateur.

Il aime la gloire, poursuivitelle, & c'eft par-là qu'il le faut punir. Faites des Vers qui apprennent les vices & fes cruautés à toute la poftérité, & qui rendent fon nom auffi odieux qu'il s'efforce de le rendre, il

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