n'en avez jamais été banni, je vous ai toujours aimé, & je fens que je vous aimerai toujours : mais je ne laifferai pas de vous fuir avec autant de foin, que fi je vous haïffois. Contentezvous de l'a veu que je vous fais; redites-vous pour moi à tout moment, fi vous le voulez, ce que je viens de vous dire : mais ne me demandez pas que je vous le redife jamais. Non, Madame, reprit Catulle non vous ne m'aimez pas. Quoi vous aurez la force de me fuir? Oui, Catulle, ré. pondit Lesbie, je vous aimerai toujours, & je ne vous reverrai jamais. Ne me dites rien, continua-t-elle, pour combat. tre mes réfolutions. Il n'y a rien qui puiffe les ébranler :& il faut même vous réfoudre à me dire ici le dernier adieu. ! Helas s'écria-t-il, quelles cruelles paroles me faites-vous entendre ? concevez-vous bien tout le désespoir où vous me jettez ? j'étois moins à plaindre de ne vous pas voir lorsque je croyois que vous me haiffiez. Mais le plus terrible de tous les maux, c'est de fçavoir qu'on eft aimé & de n'ofer voir qui nous aime. Vous n'êtes pas feul à plaindre, dit Lesbie, je fens tous les maux que vous fentez, & j'en fens peutêtre encore de plus violens. Mais il faut cé. der à nos triftes destinées; il doit vous fuffire que je vous promette de vous aimer tou. jours. Oui, je vous aimerai: mais fi vous vous obftinez à me voir malgré moi, je vous déclare que je ferai tous mes ef forts pour vous haïr. 1 Catulle ne réfifta plus à Lef bie. Il lui promit tout ce qu'elle voulut ; & après s'être dit l'un à l'autre mille chofes tendres, ils fe féparerent en pleurant, réfolus de ne fe plus voir. Lesbie alla chercher Sératine pour lui apprendre ce qui venoit de lui arriver; & Catulle retourna dans fa chambre où il trouva Licinius qui l'attendoit, & qui par le def ordre & par le trouble où il fe vit, devina une partie de ce que je viens de rapporter. Il eft difficile de faire comprendre l'état où étoit Catulle. La douleur & la joie paroif foient également dans fes yeux encore tout baignés de pleurs; & on ne sçauroit dire laquelle de ces deux paffions étoit la plus forte dans fon cœur. Il étoit fi transporté, qu'à peine s'apercevoit-il que Licinius étoit avec lui: il n'y avoit ni ordre ni fuite dans tout ce qu'il difoit. Lesbie l'occupoit entierement, il ne pouvoit par ler d'autre chose. Avez-vous jamais vû, difoitil à fon ami, un homme plus amoureux que moi? Avez vous jamais vu une paffion plus conftante que la mienne? car enfin on en croira tout ce qu'on voudra; mais je puis vous affurer que je n'ai pas ceffé un feul moment d'aimer Lesbie. Mon amour s'eft quelquefois caché à moi-même, quelquefois je l'ai crû entierement éteint; mais lorfque j'ai voulu m'éxaminer avec un peu d'éxactitude, j'ai trouvé qu'il étoit toûjours auffi violent & auffi tendre que lorfque j'ai commencé d'aimer. Ad quemdam de Lesbia, Carm. 102, CRedis, me potuiffe mea maledicere vita, Ambobus mihi que carior eft oculis ? Non patui, nec fi poffem, tam perdite amarem : Sed tu cum Tappone omnia monftrafacis.. IMITATION DU LATIN. TRahi, perfécuté, Malgré les vains éclats où mon cœur s'eft porté, Pourrois-je en ce moment |