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ajoute-t-il, eft femblable au flot de CHAP. I. la mer, qui eft agité emporté à 5 §. III. là par les vents. Il ne faut donc pas, v.6&7. conclud cet Apôtre, que celui-là s'imagine qu'il obtiendra quelque chofe du Seigneur. Il femble qu'on attend tout de Dieu, puifqu'on le prie & qu'on lui demande tout ; & il paroît qu'on n'en attend rien ou prefque rien, puisqu'on héfite par la défiance.

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II. On voit encore grand nombre de Chrétiens, qui fe font un devoir capital de prier, & de prier même beaucoup; mais qu'il s'en trouve peu qui prient avec cette foi & cette confiance à laquelle Jefus Chrift a tout promis, & qu'il recommande à tous ! (c) Quoi que ce foit que vous demandiez dans la priere, croyez que vous l'obtiendrez, il vous fera accordé. Nous prions fouvent, nous prions longtems; mais mille penfées viennent nous intimider. Nous failons quelques foibles efforts pour fortir de nous-mêmes, où nous ne

(e) Omnia quæcumque orantes petitis. eredite quia accipietis, & evenient vobis. Marc. 11. 24.

CHAP. I. trouvons que miferes de toutes III, fortes, & pour nous élever juf qu'à la fource de tous les biens; mais auffi-tôt nous retombons dans nous-mêmes par le poids de notre foibleffe, & beaucoup plus encore par celui de nos défiances; & quoique la plus grande bonté des créatures comparée à celle de Dieu ne foit que malice, peutêtre nous adrefferions-nous pour des befoins temporels à un ami riche, puiffant & éprouvé, avec plus de confiance que nous n'avons coutume de nous adreffer à Dieu pour les befoins même fpirituels, quoiqu'il nous commande, & qu'il nous invite lui-même à nous y adreffer comme à notre pere; tant nos prieres font indignes de Dieu, & notre confiance injurieufe à la tendreffe d'un tel pere.

§. IV.

Que c'est un obftacle à l'efprit de reconnoiffance.

LA reconnoiffance pour les

graces qu'on a reçûes, eft.

un devoir effentiel de la piété. Or

eette reconnoiffance fuppofe né- CHAH. F ceffairement la connoiffance des IV. graces & des miféricordes de Dieu; & elle ne peut être vive & agiffante qu'à proportion que le fentiment que l'on a des graces & des miféricordes reçûes, fera vif & & agiffant ; mais ce fentiment n'eft jamais vif dans une ame qui n'a que peu de confiance en Dieu. Elle n'ofe fe promettre de recevoir beaucoup pour l'avenir; elle n'ofe de même croire avoir beaucoup reçû par le paffé. Comment avec cette difpofition les fentimens de fa reconnoiffance pourroient-ils être vifs & capables de faire fur fon cœur de profondes impreffions?

II. Si on lui représente quelquefois la grandeur des miféricordes que Dieu lui a faites, & fi on la contraint d'en convenir fa reconnoiffance n'en devient pas plus vive & plus agiffante.

Son efperance toujours foible & tremblante ne lui permet prefque pas de croire qu'elle en foit plus heureufe, ou plus favorifée de Dieu; elle fe fent portée à croire

CHAP. I. que toutes ces grandes graces ne . IV. ferviront qu'à la rendre plus malheureufe,& à attirer fur elle une plus rigoureuse condamnation ; & ces réflexions anéantiffent presque en elle le fentiment des miféricordes de Dieu & l'efprit de reconnoiffance ce qui devient pour elle un nouvel obftacle à l'efprit de priere, & aux nouvelles graces que Dieu lui auroit faites. Car » l'ingratitude, dit faint Bernard, eft un vent brûlant qui defféche la fource des graces & les em¬ pêche de couler fur nous. »

§. V.

Que c'est un obstacle à l'amour de

Dieu.

ICE qui affoiblit fi fort le fen

timent des graces & des

miféricordes de Dieu affoiblit néceffairement l'amour de Dieu. On ne peut aimer Dieu, qu'autant qu'il nous paroît aimable : & il ne nous paroît aimable qu'à proFortion que les biens que nous en avons reçûs & que nous efperons d'en recevoir, nous paroiffent

V.

grands & font de plus grandes CHAP. I. impreffions fur notre cœur. Il n'y a point de Chrétien affez defefperé pour refufer d'aimer Dieu, s'il pouvoit fe perfuader que Dieu l'aime, & qu'il l'aime jufqu'à vouloir le rendre éternellement participant du trône & du Royaume de fon Fils unique. Mais il n'eft pas poffible d'aimer, fi l'on ne croit point être aimé, fi l'on fe croit rejetté fi on n'a point la confolation de plaire par fon amour. Tout le fond de la piété dépend de l'amour; mais l'amour lui-même dépend abfolument d'une vive perfuafion de l'amour que Dieu a pour nous. Il faut avant toutes chofes établir dans nos cœurs cette intime perfuafion comme le fondement immobile de toute piété. Auffi l'Apôtre S. Jean repréfente-t-il tous les Chrétiens comme des perfonnes pleinement convaincues que Dieu les aime. Nous avons reconnu dit-il au nom de tous (d), & nous croyons l'amour que Dieu a pour nous.

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(d) Et nos cognovimus & credidimus charitati, quam habet Deus in nobis. 1, Joan. 4,16,

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