CHAP. I. II. Mais on ne peut fe mettre. V. dans l'efprit une vérité auffi confolante que celle-ci, & auffi effentielle à la piété: on s'amufe à raifonner au lieu de croire. Tous quand on les interroge, difent de bouche qu'ils le croient, & il y en a beaucoup moins qu'on ne penfe qui en foient intimement perfuadés. Nous portons dans le fond du cœur un principe intime d'incrédulité, d'hélitation, de timidité, de défiance: il n'y a même perfonne qui n'en ait quelque levain. III. On fe laiffe féduire par ce raisonnement fi ordinaire : Le moyen, dit-on, de croire qu'on ait tant de part à la charité & à la miféricorde de Dieu, lorsqu'on ne trouve en foi que ténèbres, infenfibilité, & une mifere fi univerfelle & fi profonde, qu'on eft infupportable à foi-même ! Mais ceux qui parlent ainfi, font-ils réflexion qu'ils contredifent ouvertement l'Ecriture qui nous apprend que Dieu nous a aimés le premier, avant qu'il trouvât en nous rien qui fût digne de fon amour? L'A > > > mour de Dieu envers nous dit faint CHAP. Jean (e), confifte en ce que ce n'eft 9. V. pas nous qui avons aimé Dieu mais que c'est lui qui nous a aimés le premier. Saint Paul a grand foin de nous faire remarquer (f) que Dien a fait éclater fon amour envers nous lors même que nous étions pécheurs & impies. Sen amour ne suppose rien d'aimable dans ce qu'il aime; car fon amour est tout gratuit & n'a point d'autre fource ni d'autre fondement qu'une miféricorde toute pure. IV. L'amour des créatures eft foible & indigent: il suppose le bien dans les objets qu'il aime; il ne l'y produit point; il cherche dans les créatures quelque bien; il tâche par là de fuppléer à une petite partie de fon indigence & (e) In hoc eft charitas : non quafi nos dilexerimus Deum, fed quoniam ipfe prion dilexit nos. 1. Joan. 4. 10. (f) Ut quid enim Chriftus, cum adhuc infirmi effemus, fecundùm tempus pro impiís mortuus eft..... Commendat autem charitatem fuam Deus in nobis: quoniam cùm adhuc peccatores effemus fecundùm tempus, Chriftus pro nobis mortuus eft, ROTA 5.6. 8. CHAP. I. de fes befoins. Mais comme cet §. V. amour est impuiffant, il ne peut changer la nature & les qualités des objets. Mais l'amour de Dieu eft infiniment riche, & indépendant de fes créatures. Vous êtes mon P.15.1. Dieu, dit le Prophéte, parce que vous n'avez aucun befoin de mes biens. Notre amour ne peut le rendre plus heureux; il trouve dans la plénitude infinie de fon être & de les perfections un bonheur fouverain qui ne peut recevoir aucun accroiffement, comme il ne peut fouffrir aucune diminution, Dieu nous aime, parce qu'il veut nous aimer, parce qu'il eft charité parce qu'il eft la bonté & la miféricorde même. Il ne faut point chercher d'autre raison de son amour. Son amour est tout-puiffant, il ne fuppofe point le bien dans l'objet qu'il aime; mais il le produit en nous & avec nous dans le degré qu'il lui plaît. V. Croyons donc que Dieu eft tout amour, qu'il nous a aimés le premier malgré toute notre corruption & notre indignité. Reconnoiffons & croyons, comme faint 2 & nous §, V. Jean nous l'ordonne la charité CHAP. I que Dieu a pour nous, commencerons à être pénétrés de reconnoiffance, de confiance & d'amour. N'oppofons point notre infenfibilité à notre confiance : oppofons au contraire notre confiance à notre infenfibilité. Notre dureté nous fait douter que nous foyons aimés: croyons-le, & nous ne ferons plus ni durs ni incrédules. Travaillons fans relâche à détruire en nous ces racines fecrettes d'incrédulité qui ont infecté les hommes, qui prefque jamais ne font entierement arrachées du cœur des fidéles, qui rendent la foi plus lente & plus engourdie, qui arrêtent l'activité de l'efpérance, & qui font un venin préfent contre la charité, laquelle tire fa force & fa vie de la perfuafion que Dieu nous aime, & qu'il veut être aimé de nous. Comprenons combien une espérance foible & timide nuit à notre amour pour Dieu; que nous n'avancerons dans cet amour qu'autant que nous aurons la confiance d'en être aimés. N'oppofons pas nos indif CHAP. I. pofitions à notre efpérance, com. V me s'il falloit avoir des difpofitions parfaites pour efperer; & comme s'il étoit au pouvoir de l'homme de donner le premier quelque chofe à Dieu, & de lui offrir ce qu'il n'auroit pas reçû de fa bonté toute gratuite. En tout état il faut commencer par s'affermir dans l'efpérance. C'eft par certe espérance que commencent les difpofitions néceffaires, plus grandes dans les uns, plus imparfaites dans les autres ; & bien loin d'oppofer la néceffité de ces difpofitions à l'efpérance, c'eft au contraire par l'efpérance qu'il faut tâcher de les obtenir. AS MAS |