nous humiliant, nous abbat, nous Chap. I décourage; & s'il ne nous porte §. IX. pas encore jufqu'à fuir la prefence de Dieu, comme fit le premier & le chef de tous les pécheurs dans le paradis, il fait au moins que nous ne nous adreffons à lui qu'avec frayeur comme à un juge infiniment jufte & terrible, & fans cette humble confiance qui doitanimer nos prieres, & que l'Ecriture nous recommande fi fouvent III. On ne craint point affez les fuites funeftes de cette défiance, de ces troubles, de cette trifteffe & de ces agitations qui peuvent par un progrès très-rapide caufer de grands ravages. En fort peu de jours on va quelquefois fi loin, que des années entieres fuffifent à peine pour en revenir; tout cela peut quelquefois dégénérer dans un vé ritable defefpoir, ou former dans l'ame une fi vive & fi profonde perfuafion, qu'on est abandonné & rejetté de Dieu pour toujours, que tous les avis des plus habiles Directeurs n'y peuvent apporter de remede. CHAP. I. §. X. §. X. Cette tentation eft encore plus dangereufe vers la fin de la vie. I. I Left à craindre que cette tentation d'une crainte & d'une défiance exceffive ne devienne encore plus forte & plus violente vers la fin de la vie : car alors toutes les circonftances font capables de la fortifier, & l'ennemi du falut qui fçait qu'il n'a plus que peu de momens, & que le tems preffe, ne manque pas d'en profiter & de redoubler fes efforts. Il fe fert avantageufement de l'accablement où fe trouvent ordinairement en ces derniers tems le corps & l'ame, pour remplir l'imagination de triftes idées, pour couvrir l'efprit de nuages & de troubles, Il représente vivement à l'ame que c'eft une chofe horrible de tomber entre les mains d'un Dieu vivant, d'être obligé de _paroître dans quelques momens au tribunal du juge fouverain des vivans & des morts. Il lui remet devant les yeux l'image affreufe CAAP. I. d'une éternité brûlante, l'abus des . X. graces de Dieu, le fouvenir de tant de péchés par lesquels on a mérité plus que des millions d'autres,d'être précipité dans ces étangs de feu & de fouffre pour y être tourmenté dans les fiécles des fiécles. II. Il eft facile de comprendre combien une pareille tentation eft terrible & dangereufe dans ces derniers momens, pour des perfonnes qui toute leur vie ont toujours été portées à une crainte & une défiance exceffive; & comment cette tentation ne feroit-elle point à craindre pour ces perfonnes, puifque l'on voit fi fouvent que ceux mêmes qui n'y avoient pas été fujets pendant le cours de leur vie, en font quelquefois for tement ébranlés aux approches de la mort, quoique jufqu'alors on eût toujours remarqué en eux beaucoup de vertu de confiance & d'amour? III. Le démon même en fait -prendre aux mauvais Chrétiens un fujet affez ordinaire de fcandale contre la vertu & la piété. CHAP. I. Il leur perfuade que pour bien X. mourir, il n'eft pas auffi important qu'on le dit, de vivre dans la pratique fidéle & conftante de toutes, les vertus; puifque ceux qui ont toujours vécu de la forte 9 ne tirent pas de toute leur piété & de toutes leurs verrus plus de fecours & de force pour fe raffurer contre les frayeurs d'une mort prochaine, dont ils paroiffent auffi troublés que les autres. Le démon tâche encore de leur faire regarder comme de pures idées fans aucune réalité ces grandes maximes de la Rom, 8. Religion Chrétienne; que la mort eft pour les juftes la fin de leur mifere & de leur exil, & le commencement de leur bonheur ; qu'ils ont reçû les prénices de l'E prit faint pour foupirer après l'accomplitfement de l'adoption des enfans de Dieu, & la délivrance de leurs corps; que le caractere des véritables Chrétiens eft de vivre toujours dans l'attente & dans 2. Petre l'efpérance de l'avénement glo12 rieux du grand Dieu notre Sauveur Jefus Chrift defirant, & Tit. & 13. : comme hâtant par leurs empreffe mens l'avénement du jour du Sei- CHAP. E gneur ; fe tenant toujours prêts à S. XI. aller au devant du Seigneur, lorf- Lue, vo qu'il viendra des nôces, & à lui 36. ouvrir dès qu'il frappera à la porte; regardant avec joie l'approche Luc. 21,2, du dernier jour, perfuadés que 28. leur parfaite rédemption & leur pleine liberté eft proche. C'eft ainfi que les frayeurs que témoignent quelquefois les perfonnes de piété dans leurs maladies; deviennent nuifibles à la piété même, & fourniffent aux démons une occafion de la décrier, & d'en dimipuer l'eftime & le prix dans l'efprit de beaucoup de Chrétiens. S. XI. L'efprit de pufillanimité & de défiance eft injurieux à Dieu qui nous l'a interdit expreffément. N ne peut donc trop faire fentir aux perfonnes de piété combien il leur eft important de fe donner de garde de l'efprit de pufillanimité, de ne fe point abandonner à la défiance & à la |