CR. XI. Qu'heureux font ceux qui babitent VI. dans votre fainte maison; car ils vous verront éternellement, ils vous aimeront éternellement, & ils vous loneront dans les fiécles des fiécles avec des tranfports de joie & d'admiration que nous ne fommes pas dignes de recevoir (c)! Mon ame languit & tombe en défaillance par l'ardeur du defir qu'elle a d'y habiter (d). II. Seigneur des armées, heureux eft aufi l'homme qui espere en vous 【 e). Heureux celui qui attend de vous fon Secours, qui dans cette vallée de larmes difpofe dans fon cœur des degrés pour monter dans votre fainte maison ! Car le divin legiflateur leur donnera fa bé médiction, ils s'avanceront de vertu en 1 (e) Beati qui habitant in domo tua, Domine in fecula feculorum laudabunt te. Pj. 83.5. (d) Concupifcit & deficit anima mea in atria Domini. Ibid. 1. (e) Domine virtutum, beatus homo qui fperat in te. Ibid. 12. Beatus vir cujus eft auxilium abs te afcenfiones in corde fuo difpofuit, in valle lacrymarum, in loco quem pofuit. Etenim benedictionem dabit legiflator, ibunt de virtute in virtutem : videbitur Deus deorum in Sion ... Gratiam & gloriam dabit Dominus. Ibid, 6, 7 Vertu; & ils verront le Dieu des Dieux CH. XI dans Sion. Le Seigneur leur donnera §. 1V1 la grace 5 la gloire. Le Prophéte diftingue dans ce Pfeaume deux fortes de bonheur; le bonheur de ceux qui habitent déja dans la maifon de Dieu; & le bonheur de ceux qui dans cette vallée de larmes esperent en Dieu : il appelle heureux les uns & les autres. Mais que leur bonheur eft différent! Les premiers habitent dans la maifon de Dieu, dans Sion, dans le féjour de la joie & de la gloire; leur bonheur eft de louer Dieu dans les fiécles des fiécles. Les autres font encore dans une vallée de larmes : & leur bonheur eft d'efpérer en Dieu, d'attendre & d'implorer fon fecours par des gémiffemens continuels, de foupirer fans ceffe après la grace & la gloire qui leur eft promife, d'avancer de vertu en vertu & de difpofer dans leurs cœurs des degrés pour monter jufqu'au lieu où ils verront le Dieu des Dieux dans Sion. III Ce dernier bonheur eft celui de tous les véritables Chré tiens, tant qu'ils reftent fur la ter CH. XI. re. Ils font heureux dans un fens ›×3. VI. - très-véritable, puifque le SaintEfprit les appelle ainfi en tant d'endroits de l'Ecriture. Mais dans un autre fens ils font miférables & malheureux; obligés à gémir fans ceffe dans cette vallée de larmes, à combattre contre euxmêmes & contre des ennemis puiffans & artificieux qui ne leur laiffent prefque aucun repos; condamnés à porter en efprit de pénitence le poids de tant de miferes & de néceffités, auxquelles ils font affervis, & de tant de peines qui affligent leur corps & leur ame. Si l'on compare cet état à la félicité du Ciel, on le doit regarder comme une grande mifere, & comme une espece de mort, plutôt qu'une véritable vie.. Malheureux homme que je fuis, dit le grand Apôtre (f), qui me délivrera de ce corps de mort ? Nous-mêmes, dit-il ailleurs (g), qui avons reçû les pré (f) Infelix ego homo; quis me liberabit de corpore mortis hujus? Rom 7.34. (g) Sed & nos ipfi primitias Spiritus habeates, & ipfi intra nos gemimus, adoptio nem filiorum Dei expectantes, redemptiónem corporis noftri, Rom, 8. 27. mices mices de l'Efprit, les dons les plus CH. XI. excellens du S. Efprit, nous gemif- . VI. fons auffi, comme les autres fidéles, nous foupirens en nous-mêmes, attendant l'accomplissement de l'adoption des enfans de Dieu qui fera la rédem ption & la délivrance de nos corps. IV. Mais fi l'on confidere les grandes & magnifiques promeffes Dieu a faites à tous ceux qui Hebr. 2 que n'efperent qu'en fa miféricorde, 18, & qui ont mis tout leur refuge & leur reffource dans la recherche & dans l'acquifition des biens qui leur font propofés par l'espérance on doit les appeller heureux au milieu même des maux de cette vie. C'est en ce fens que Dieu lui-même les appelle fouvent heureux que l'Apôtre leur commande de fe glorifier dans l'efpérance de la gloire des enfans de Dieu, & de fe regarder comme déja fauvés par l'efpérance, & comme déja reffufcités & montés au Ciel avec Jefus Chrift. Un Ephef homme qui auroit un droit véritable & certain à un grand Roïaume, feroit fans doute regardé comme très heureux felon le Ff Rom. 20. H. XI. monde, quoiqu'il ne dût entrer §. VI. dans la poffeffion de ce Royaume que dans quelques années ; & que pour mériter & acquérir cette poffeffion, il fut obligé de paffer quelque tems dans un état pauvre, pénible & humiliant. Tous les amateurs du fiécle préfent porteroient envie à fon bonheur. Qui pourroit donc comprendre quel eft le bonheur de ceux qui n'espérent, qui ne defirent & ne recherchent que le Royaume de Dieu & fa juftice? car ils y ont un droit véritable. Toute l'ambition humaine peut-elle afpirer à quelque chofe de plus grand que le Royaume des Cieux ? li eft vrai qu'ils font obligés de paffer le tems de cette vie dans la douleur, dans les larmes & les gémiffemens. Dieu permet fouvent qu'ils y foient pauvres, méprifés, haïs, calomniés perfécutés, couverts d'opprobres: mais c'eft cela même qui leur acquiert un droit nouveau & plus affuré à ce Royaume célefte. C'eft donc auffi ce qui doit augmenter leur joie & leur bonheur. Si ce n'eft pas là le lan |