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crée en moi par fon feul bon plaifir, ne peut être qu'infiniment parfaite. Il faut qu'elle éxifte par foi, puifque c'eft elle qui fait éxifter ce qui eft diftingué d'elle: il faut avouer qu'elle porte en foi la plenitude de lê. tre, puifqu'elle le poffede juf qu'au point de le communiquer au néant: il faut qu'elle en ait l'univerfalité, puifqu'elle a un égale empire fur toutes les natures, & fur tous les divers degrez de perfection: enfin il faut qu'elle foit également fage & puiffante, puifqu'elle façonne, arrange, & conduit l'Univers avec un art & un ordre qui éclate depuis le dernier infecte juf. qu'aux aftres, & jufqu'à l'hommé, qui ayant la pensée, est plus parfait que tous les autres enfemble. ९

CHAPITRE QUATRIE ME.

C

Du culte qui eft dû à cette
Puiffance.

I.

E premier Etre que je reconnois pour la fource féconde de tous les autres, m'a donc tiré du néant: je n'étois rien, & c'eft par lui feul que j'ai commencé à être tout ce que je fuis: c'eft en lui que j'ai l'être, le mouvement & la vie. Il m'a tiré du néant, pour me faire tout ce que je fuis: il me foûtient encore à chaque moment com me fufpendu par fa main en l'air au deffus de l'abîme du néant, où je retomberois d'abord par mon propre poids, s'il me laiffoit à moi-même, & il me continuë l'être, qui ne m'eft

point naturel,& auquel il m'éleve fans ceffe, malgré ma fragilité, par un bienfait qui a befoin d'être renouvellé en chaque inftant de ma durée. Je ne fuis donc qu'un être d'emprunt, qu'un demi être, qu'un être qui eft fans ceffe entre l'être & le néant, qu'une ombre de l'Etre immuable, Cet Etre eft tout, & je ne fuis rien, du moins je ne fuis qu'un foible écoulement de fa plenitude fans bornes. Je n'ai pas feulement reçû de la main certains dons; ce qui a reçû le premier de ces dons eft le néant; car il n'y avoit rien en moi qui précédât tous fes dons, & qui fût à portée de les recevoir. Le premier de fes dons qui a fondé tous les autres, eft ce que j'appelle moimême. Il m'a donné ce moi ; je lui dois non feulement tout ce

que j'ai, mais encore tout ce que je fuis. O incomprehenfible don, qui eft bien-tôt exprimé felon notre foible langage, mais que l'efprit de l'homme ne comprendra jamais dans toute fa profondeur ! Ce Dieu qui m'a fait, m'a donné moimême à moi-même : le moi que j'aime tant, n'eft qu'un prefent de fa bonté: ce Dieu doit donc être entre moi, & moi en lui, s'il m'eft permis de parler ainfi, puifque c'eft, de lui que je tiens ce moi. Sans lui je ne ferois pas moi-même, fans lui je n'aurois ni le moi que je puisse aimer, ni l'amour dont j'aime ce moi ni la volonté qui l'aime, ni la penfée, par laquelle je me connois. Tout eft don: celui qui reçoit les dons, eft lui. même le premier don reçû. O Dieu! Vous êtes mon vrai Pere: c'eft

vous qui m'avez donné mon corps, mon ame, mon étenduë, & ina pensée : c'est vous qui avez dit que je fuffe, & j'ai commencé à être, moi qui n'étois pas: c'est vous qui m'avez aimé, non parce que j'étois déja,&que je méritois déja votre amour mais au contraire afin que je commençaffe à être, & que votre amour prévenant fît de moi quelque chofe d'aimable! c'est donc mon néant que vous avez aimé dès l'éternité, pour lui donner l'être, & pour le rendre digne de vous !

I I.

O Dieu je vous dois tout puifque j'ai tout reçû de vous. & que je vous dois jufqu'au moi qui a tant reçû de vos mains bienfaifantes! Je vous dois tout, bonté infinie: mais que vous

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