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qui connoît, & qui aime Dieu, eft toûjours neceffairement imparfaite, comme la créature même qui la produit. Elle est toûjours infiniment au dessous de Dieu. Mais cette action de connoître & d'aimer Dieu, eft la plus noble & la plus parfaite operation que Dieu puiffe tirer de fa créature, & qu'il puiffe fe propofer comme la fin de fon ouvrage. Si Dieu ne pouvoit tirer du néant aucune créature, qu'à condition d'en tirer quel. que operation auffi parfaite que la Divinité, il ne pourroit ja mais tirer du néant aucune créature; car il n'y en a aucune qui puiffe produire aucune operation auffi parfaite que Dieu.

Le fait eft néanmoins indubitable;fçavoir que Dieu a tiré du néantdescréatures; faperfection dans fes ouvrages demande qu'il

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se foit propofé de tirer de ses créatures l'operation la plus noble & la plus parfaite que leur nature bornée&imparfaite peut produire. Or cette operation la plus parfaite du genre humain, eft la connoiffance & l'amour de Dieu. Ce que Dieu tire de l'homme ne peut être qu'imparfait comme l'homme même: mais Dieu en tire ce que l'homme peut produire dé plus parfait, & il fuffit pour l'accompliffement de l'ordre, que Dieu tire de fa créature ce qu'il en peut tirer de meilleur dans les bornes où il la fixe. Alors il est content de fon ouvrage. Sa puiffance a fait ce que fa fageffe demande. Il fe complaît dans fa créature, & c'eft cette com. plaifance qui eft fa veritable fin. Or cette complaifance n'eft pas diftinguée de lui, ainfi, à pro

prement parler, il eft lui-même fa fin. L'action finie de la créa ture n'eft que le fujet de fa complaifance, c'eft la fageffe en laquelle il fe complaît; & cette complaifance eft infiniment parfaite comme lui, puisqu'elle eft infiniment jufte & fage.

IX.

Nous ne fçaurions douter que les hommes ne connoiffent Dieu, & que plufieurs d'entr'eux ne l'aiment, ou du moins ne defirent de l'aimer. Il eft donc plus clair que le jour que Dieu a voulu fe faire connoître, & fe faire aimer: car fi Dieu n'avoit pas voulu nous communi. quer fa connoiffance & fon amour, nous ne pourrions ja mais ni le connoître, ni l'aimer. Je demande pourquoi est-ce que Dieu nous a donné cette cam

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pacité de le connoître & de l'ai mer? Il est manifefte que c'est le plus précieux de tous fes dons. Nous l'a-t-il accordé d'une ma niere aveugle, & fans raison,par pur hazard, fans vouloir que nous en fiffions aucun ufage Il nous a donné des yeux corporels , pour voir la lumiere du jour. Croirons-nous qu'il nous a donné les yeux de l'efprit, qui font capables de connoître fon éternelle vérité, fans vouloir qu'elle foit connuë de nous ? J'avouë que nous ne pouvons ni connoître, ni aimer infiniment, l'infinie perfection. Notre plus haute connoiffance demeurera toûjours infiniment inparfaite, en comparaison de l'Etre infini ment parfait. En un mot, quoique nous connoiffions Dieu, ce ne peut jamais être que par une connoiffance bornée, mais nous

le connoiffons tellement, que nous difons tout ce qu'il n'eft point, & que nous lui attribuons les perfections qui lui conviennent,fansaucune crainte de nous tromper. Il n'y a aucun autre être dans la nature que nous confondions avec Dieu; & nous fçavons le reprefenter avec fon caractere d'infini, qui eft unique & incommunicable. Il faut que nous le connoiffions bien diftinctement, puifque la clarté de fon idée nous force à le préférer à nous-mêmes. Une idée qui va jusqu'à détrôner le moi, doit être bien puiffante fur l'homme aveuglé & idolâtre de lui-même. Jamais idée ne fut fi combattue, jamais idée ne fut fi victorieufe. Jugeons de fa force par l'aveu qu'elle arrache de nous contre nous-mêmes. Rien n'eft fi étonnant que l'idée de

Dieu

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