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me tenoit enchaîné. La fin de cette union n'eft qu'un dégagement & qu'une liberté, comme l'union n'étoit qu'une gêne & qu'un pur affujetiffement; alors l'ame doit penfer indépendamment de tous les mouvemens des corps, comme on fuppofe dans la Religion Chrétienne, que les Anges qui n'ont jamais été unis à des corps, penfent dans le Ciel. Pourquoi done craindroit-on l'anéantiffement de l'ame dans cette défunion, qui ne peut operer que l'entiere liberté de fes penfées.

IV.

De fon côté le corps n'eft point anéanti, il n'y a pas le moindre atôme qui periffe. Il n'arrive dans ce qu'on appelle la mort, qu'un fimple dérangement d'organe; les corpufcules.

les plus fubtils s'exhalent; la machine fe diffout, & fe déconcerte. Mais en quelque endroit que la corruption ou le hazard en écarte les de. bris, aucune parcelle ne ceffe jamais d'exifter, & tous les Philofophes font d'accord pour fuppofer, qu'il n'arrive jamais dans l'Univers l'anéantiffement duplus vil &du plus impercepti ble atôme. A quel propos craindroit - on l'anéantiffement de cette autre fubftance très-no.. ble & très-penfante, que nous appellons l'ame ? Comment pourroit-on s'imaginer que le corps qui ne s'anéantit nullement, anéantiffe l'ame qui eft plus noble que lui, qui lui eft étrangere, & qui en eft abfolument indépendante ? La désunion de ces deux êtres ne peut pas plus operer l'anéantissement.

de l'un que de l'autre. On fup pofe fans peine, que nul atôme du corps n'est anéanti dans le moment de cette défunion des deux parties. Pourquoi donc cherche-t-on avec tant d'em preffement des pretextes pour croire que l'ame, qui eft incomparablement plus parfaite, eft anéantie. Il eft vrai qu'en tout tems Dieu est tout - puiffant pour l'anéantir s'il le veut, mais il n'y a aucune raifon de croire qu'il le veüille faire dans le tems de la défunion du corps, plûtôt que dans le temsi de l'union. Ce qu'on appelle n'étant qu'un fimple dérangement des corpufcules qui compofent les organes, on ne peut pas dire que ce dérangement arrive dans l'ame comme dans le corps. L'ame étant un être penfant, n'a aucune

la mort

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des proprietez corporelles. Elle n'a ni parties, ni figure, ni fituation des parties entr'elles, ni mouvement ou changement de fituation: Ainfi nul dérange. ment ne peut lui arriver. L'ame qui eft le moi penfant & vou. lant, eft un être fimple, un en foi, & indivisible. Il n'y a ja. mais dans un même homme deux moi, ni deux moitiez du même moi. Les objets arrivent à l'ame par divers organes, qui font les differentes fenfations. Mais tous ces divers canaux aboutiffent à un centre unique,;, où tout le réünit. C'est le moi qui eft tellement un, que c'est par lui feul que chaque homme a une veritable unité, & n'eft pas plufieurs hommes. On ne peut point dire de ce moi qui penfe & qui veut, qu'il a diver..... les parties jointes ensemble,,

comme le corps eft composé de

membres liez entr'eux. Cette ame n'a ni figure, ni fituation, ni mouvement local, ni couleur, ni chaleur, nidureté, ní aucune autre qualité fenfible. On ne la voit point, on ne l'en. tend point, on ne la touche point; on conçoit feulement qu'elle penfe, & veut, comme la nature du corps eft d'être étendu, divisible & figuré. Dès qu'on fuppofe la réelle distinction du corps & de l'ame, il faut conclure fans héfiter, que l'ame n'a ni compofition, ni divifibilité, ni figure, ni fituation des parties, ni par confequent arrangement d'organes. Pour le corps qui a des organes, il peut perdre cet arrangement de parties, changer de figure, & être déconcerté. Mais pour L'ame, elle ne fçauroit jamais.

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