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deroient que l'intérêt de la liberté publique, & qui craignoient qu'il ne s'élevât du corps même du Sénat quelque homme ambitieux & entreprenant, qui à la faveur de ces divifions, fe rendit feul maître du Gouvernement. Mais à peine furent-ils écoutez, on n'entendoit de tous côtez que des cris & des menaces. Les plus jeunes Sénateurs fiers de leur naiffance, & jaloux des prérogatives de leur dignité, s'emporterent jufqu'à faire fentir aux Confuls qu'ils feur étoient fufpects. Ils leur remontrerent qu'ils reprefentoient la perfonne des Rois, qu'ils en avoient l'autorité & celle du Sénat à foutenir contre les entreprises. du peuple; & les plus violens protefterent que fi on y donnoit la moindre atteinte, ils prendroient les armes pour conferver dans leur Ordre une puiffance qu'ils avoient reçûë de leurs ancêtres.

Les deux Confuls qui vouloient favorifer le peuple, après avoircon féré en fecret, réfolurent de laiffer calmer les efprits, & de remettre la décision de cette grande affaire

à la premiere affemblée. Cependant avant que de fe féparer, & pour tenir en refpect les jeunes Sénateurs qui leur avoient parlé avec trop d'audace d'audace, ils leur déclarerent que s'ils ne fe comportoient à l'avenir avec plus de modeftie dans une affemblée fi refpectable, ils fçauroient bien les en exclure, en fixant l'âge que devoit avoir un Sénateur. Comme il n'y avoit encore rien de décidé là-deffus, les jeunes Sénateurs plus attachez à leur dignité qu'à leur fentiment, pliérent fous cette menace, & fous la puiffance des Confuls, qui fe fervirent en même tems d'un autre prétexte contre les Senateurs plus âgez, qui s'oppofoient à l'abolition des dettes; ils leur dirent qu'ils ne pouvoient fouffrir cette divifion dans les avis du Sénat, & que fi les Peres ne prenoient des réfolutions plus uniformes, ils porteroient cette affaire devant le Peuple, & qu'on ne pouvoit fans injustice lui en ôter la connoiffance, fuivant ce qui s'étoit pratiqué, même pendant le gouvernement des Rois.

Les Sénateurs qui avoient embraffé l'avis d'Appius avec le plus de chaleur, virent bien par le tour que les Confuls donnoient à cette affaire, qu'elle leur alloit échaper, s'ils perfiftoient dans leurs premiers fentimens. La crainte de tomber entre les mains du peuple les ébranla; les larmes & les cris des femmes & des enfans qui embraffoient leurs genoux, & qui leur redemandoient leurs peres & leurs maris, acheverent de les gagner: & le Sénat s'étant rassemblé, Ia plus grande partie fe déclara pour la réunion. Appius toujours inébranlable dans fes fentimens, & incapable d'en changer, refta prefque feul de fon avis avec quelques-uns de fes parens qui par honneur n'oferent l'abandonner. Les Confuls triomphoient d'avoir réduit le Sénat, prefque malgré lui, à fuivre leur avis. Appius perfuadé que toute négociation avec les rebelles alloit à la diminution de l'autorité du Sénat, adreffant la parole aux deux Confuls. » Quoique vous paroiffiez « réfolus, leur dit-il, de traiter a-w

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"vec le peuple aux conditions qu'il lui plaira de vous prefcrire, » & que même ceux qui étoient du » fentiment contraire en ayent foibleffe ou par intéchangé par rêt; pour moi je declare encore "une fois qu'à la vérité on ne peut "avoir trop d'égard à la mifere » d'un peuple foumis & fidele; » mais je foûtiens que toute négo"ciation eft dangereufe » qu'il aura les armes à la main. Comme le Sénat avoit pris fon parti, ce difcours ne fut écouté qu'avec peine, & on le regarda comme celui d'un homme zélé à la verité pour la gloire du Sénat ; mais trop prévenu de fon habileté, & incapable, foit par vanité, foit par la dureté de fon humeur, de changer jamais de fentiment.

tant

Le Sénat fans s'y arrêter, nomma dix Commiffaires pour traiter avec les mécontens, & il les choifit parmi ceux de fon Corps qui s'étoient toûjours déclarez en faveur du peuple. T. Largius, Menenius Agrippa, & M. Valerius, étoient à la tête de cette députation, tous trois Confulaires, & dont deux a

voient gouverné la République, & commandé fes Armées en qualité de Dictateurs: ils s'acheminerent avec leurs Collegues vers le camp. Cette grande nouvelle y étoit déja paffée: les foldats fortirent en foule pour recevoir ces anciens Capitaines, fous lefquels ils avoient été tant de fois à la guerre. La honte & la colere étoient confonduës fur le vifage de ces rebelles, & on voyoit encore au travers du mécontentement public un refte de cet ancien refpect que produit la dignité du Commandement, fur-tout quand elle eft foutenue par un grand mérite. La prefence feule de ces grands hommes eût été capable de faire rentrer les rebelles dans leur devoir,fi des efprits dangereux n'euffent pris foin d'entretenir le feu de la divifion.

Sicinius Bellutus s'étoit emparé, comme nous l'avons dit, de la confiance de ces foldats: c'étoit un Plébéïen ambitieux, grand artifan de difcordes, & qui vouloit trouver fon, élevation dans les troubles de l'Etat. Il étoit foutenu

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